Terralaboris asbl

Assujettissement à la sécurité sociale : conditions de débition des majorations

Commentaire de C. trav. Liège, sect. Namur, 24 avril 2007, R.G. 7.447/2003

Mis en ligne le vendredi 21 mars 2008


Cour du Travail de Liège, sect. Namur, 24 avril 2007, RG 7.447/2003

TERRA LABORIS ASBL – Pasal Hubain

Dans un arrêt du 24 avril 2007, la Cour du travail de Liège reprend les conditions requises pour l’application de majorations sur les cotisations de sécurité sociale dues à l’ONSS.

Les faits

Dans une cause où il réclamait des cotisations pour assujettissement de deux chauffeurs, l’ONSS obtint, en cours d’instance, le paiement des cotisations elles-mêmes. Celles-ci étant soldées, restaient dues des majorations.

Cette question fit l’objet de l’arrêt commenté.

La position de la société devant la Cour

Pour l’employeur, les majorations ne sont pas dues au motif d’une part de la contestation de la dette, qui l’a amenée à exercer un droit légitime de faire trancher la question par les juridictions du travail (et ce à raison, la Cour ayant déclaré dans un arrêt précédent le recours partiellement fondé) et d’autre part de l’absence de motivation, les sanctions devant être motivées, conformément à la loi du 29 juillet 1991 sur la motivation formelle des actes administratifs. Pour la société, vu l’absence de motivation de la décision en ce qu’elle porte sur les majorations, il y a nullité de celle-ci.

La position de la Cour du travail

La Cour du travail ne va pas suivre la société et va la condamner au paiement desdites majorations.

Elle rejette l’argumentation ci-dessus (souvent évoquée) en rappelant les principes suivants.

Les sanctions civiles que constituent les majorations imposées à l’employeur qui ne règle pas les cotisations dans les délais sont imposées par la loi (et son arrêté royal d’exécution). Il n’est, dans le texte, fait aucune distinction selon que la dette serait ou non contestée, et ce même si la contestation a été émise à raison. C’est le retard de paiement qui est sanctionné : ce retard de paiement existe dès l’échéance légale et non à dater de la décision judiciaire qui interviendrait, consacrant les droits de l’ONSS. La Cour rappelle qu’en vertu du texte, le retard ne doit pas être fautif ; il suffit de constater que le paiement n’est pas intervenu dans les délais.

Par ailleurs, en ce qui concerne le second volet de l’argumentation (absence de motivation), l’extrait de compte contient une mention « remarques importantes » qui reprend les raisons de l’application de celles-ci (ainsi que les dispositions légales sur la base desquelles elles sont prises).

La Cour précise que l’on ne peut considérer l’extrait de compte litigieux comme une décision à portée individuelle et que seule a ce caractère la décision d’assujettissement des travailleurs non déclarés.

L’arrêt est abondamment illustré de références à des décisions de jurisprudence, en ce compris des arrêts de cassation (Cass., 18 déc. 2000, Chron. D.S., 2001, p. 192 et Cass., 7 nov. 1998, Chron. D.S., 1999, p.320 et 2001, p. 164). Reprenant les conclusions de nombreux arrêts de fond, la Cour rappelle qu’il a été jugé qu’il incombe à l’ONSS de décider de l’assujettissement de travailleurs salariés s’il arrive à la conclusion qu’il y a contrat de travail. Cette décision est prise par l’Office seul, et ce sans recours judiciaire préalable. Il s’agit là d’une décision administrative et celle-ci doit être motivée puisqu’il s’agit d’un acte juridique de portée individuelle émanant d’une autorité administrative et qui entraîne des effets juridiques à l’égard d’une personne.

De même, la décision de retrait ou de refus d’assujettissement implique la perte d’un droit sans que l’ONSS, qui a pris la décision, ait à introduire une procédure quelconque (que ce soit par voie de contrainte ou par un recours devant les juridictions). La décision de refus ou de retrait doit, pour la Cour, a fortiori être motivée puisqu’elle emporte des effets juridiques immédiats et exécutoires. Par contre, en ce qui concerne l’avis rectificatif, il est dépourvu de tels effets juridiques. Pour recouvrer les sommes dues, l’ONSS doit ainsi avoir recours à la contrainte ou poursuivre en récupération. Il en découle que l’avis rectificatif n’est pas un acte administratif au sens de la loi du 29 juillet 1991 et qu’il en va de même d’un extrait de compte : dans les deux hypothèses, il y a ici mise en œuvre de la décision d’assujettissement elle-même.

Reprenant par ailleurs sa propre jurisprudence (C. trav. Liège, 27 mars 2002 Chron. D.S., 2003, p. 547), la Cour du travail rappelle que l’existence de la dette n’est pas liée à la régularité ou même à l’existence de la notification d’un avis rectificatif mais à la question de savoir si le personnel était occupé ou non dans les liens d’un contrat de travail. Il faut distinguer la mise en demeure - adressée par pli recommandé et précédant un avis rectificatif - d’un acte administratif à proprement parler : l’envoi par recommandé du courrier précédant l’avis rectificatif est un acte interruptif de la prescription, qui fait suite à la décision d’assujettissement antérieure – même si le courrier n’y fait pas référence expresse. Les seuls effets de la mise en demeure sont, en vertu de l’article 42, alinéa 3, 2° de la loi du 27 juin 1969, d’interrompre la prescription, comme le ferait par exemple une citation.

Et la Cour rappelle, enfin, quel serait son rôle si l’on était – quod non - en présence d’une décision devant être motivée au sens de la loi du 29 juillet 1991 : dans cette hypothèse les juridictions du travail sont saisies d’un contentieux de pleine juridiction et doivent dès lors statuer sur la demande.

Intérêt de la décision

Peu d’attention est en général accordée au sort de la demande de majorations, accessoire d’une demande portant en principal sur un non paiement de cotisations.

La position de la société était intéressante, puisqu’elle tendait essentiellement à faire valoir la nullité de cette demande au motif d’une absence de motivation. La réponse de la Cour est sans réplique : un extrait de compte pris en exécution d’une décision considérée elle-même comme acte administratif n’a pas ce caractère et ne doit dès lors pas remplir les conditions de celui-ci.


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