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Permis de travail C : doit aux allocations de chômage ?

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 21 avril 2016, R.G. 2014/AB/737

Mis en ligne le lundi 28 novembre 2016


Cour du travail de Bruxelles, 21 avril 2016, R.G. 2014/AB/737

Terra Laboris

Par arrêt du 21 avril 2016, la Cour du travail de Bruxelles reprend la combinaison des règles entre la réglementation chômage et celle relative à l’occupation de travailleurs étrangers, rappelant que, si la détention d’un permis de travail C n’ouvre pas le droit aux allocations de chômage, il ne s’agit pas d’une discrimination fondée sur la nationalité, mais bien sur la situation de séjour.

Les faits

Une étudiante de nationalité étrangère (non-européenne) fait un doctorat universitaire. Elle bénéficie d’une bourse et, pour une bonne partie de la période d’études, travaille dans le cadre d’un contrat de travail. A l’issue de celui-ci, l’intéressée sollicite le bénéfice des allocations de chômage. L’octroi est refusé, au motif qu’il n’est pas satisfait à la législation relative à l’occupation de main-d’œuvre étrangère. Par ailleurs, le permis de travail C que l’intéressée a soumis n’est pas admis comme ouvrant le droit aux allocations.

Un recours est introduit par l’intéressée devant le Tribunal du travail de Nivelles, qui la déboute.

Le tribunal considère qu’en qualité de doctorante boursière, l’intéressée était dispensée d’un permis de travail (art. 2, 25°, de l’arrêté royal du 9 juin 1999 portant exécution de la loi du 30 avril 1999 relative à l’occupation des travailleurs étrangers).

Au moment de sa demande d’allocations, elle ne disposait cependant pas d’un permis de travail valable. Le permis C est en effet considéré, comme le rappelle le tribunal, comme lié aux études. En outre, en tant qu’étudiante, l’intéressée n’était pas disponible sur le marché du travail. Le tribunal rejette enfin un argument tiré de la discrimination par rapport aux Belges.

L’intéressée interjette appel.

Position des parties devant la cour

L’appelante conteste l’argument d’absence de disponibilité sur le marché du travail, considérant que le premier juge a ajouté à la loi une condition qui n’y figure pas.

Elle plaide également l’existence d’une discrimination sur la base du critère de nationalité. Elle fait la comparaison avec tout autre étudiant boursier ayant presté la même durée de travail dans les mêmes conditions et soulève encore d’autres arguments, soulignant en outre qu’il y a disponibilité partielle et qu’elle n’aurait pu bénéficier d’un autre permis que le permis C.

Il y a, dans sa thèse, violation de l’article 14 de la Convention européenne des Droits de l’Homme et de l’article 1er du 12e Protocole, celui-ci envisagé seul ou lu conjointement avec l’article 1er du 1er Protocole additionnel.

Quant à l’ONEm, il se fonde sur les articles 56 et 68 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, ainsi que sur l’article 17, 8°, de l’arrêté royal du 9 juin 1999. Pour l’Office, i) les travailleurs étrangers bénéficiaires d’un permis octroyé sur la base d’un séjour autorisé aux fins d’études ne peuvent exercer un emploi en Belgique que pour autant qu’il soit compatible avec celles-ci et que la prestation soit de moins de 20 heures par semaine, ii) la poursuite d’études de plein exercice est incompatible avec la perception d’allocations de chômage (sauf exception) et iii) le chômeur qui ne peut accepter tout emploi convenable est considéré comme n’étant pas disponible sur le marché du travail.
L’intéressée poursuit encore des études de plein exercice et, de ce fait, elle ne peut bénéficier d’allocations.

La décision de la cour

La cour constate en premier lieu que, vu ses périodes de travail, l’intéressée a accompli la durée du stage réglementaire (312 jours). L’arrêté royal impose par ailleurs, dans ses articles 43, § 1er, et 69, § 1er, aux étrangers (ou apatrides) de satisfaire à la législation relative aux étrangers et à celle concernant l’occupation de main-d’œuvre étrangère. Au moment où elle a sollicité les allocations de chômage, l’intéressée ne bénéficiait pas d’un permis de travail. Le permis C qu’elle a eu était autorisé pour la période correspondant au séjour pour « un enseignement de plein exercice ». La cour s’interroge sur cette formulation, dans la mesure où, depuis l’arrêté royal du 13 mars 2011, l’article 17, 8°, de l’arrêté royal du 9 juin 1999 n’exige plus qu’il s’agisse d’études de plein exercice.

En tout état de cause, le permis a pu être obtenu dans la mesure où l’intéressée bénéficiait d’une autorisation de séjour pour faire des études.

La cour examine ensuite la question de la discrimination injustifiée, discrimination fondée sur la nationalité. Elle rappelle en premier lieu que n’importe quel autre doctorant boursier dans la même situation n’aurait pas droit à des allocations de chômage. Le commentaire fait par l’ONEm dans Riolex précise en effet que la formation académique et les études supérieures non-universitaires sont considérées comme des études de plein exercice (sauf les études de promotion sociale). Le chômeur qui prépare une thèse de doctorat doit en principe être considéré comme indisponible sur le marché du travail et ne peut être indemnisé, sauf situation exceptionnelle.

L’impossibilité pour l’intéressée d’avoir pu obtenir un permis A ou B n’est pas en soi contraire à l’article 14 de la C.E.D.H. ou à ses protocoles additionnels. La cour renvoie à l’arrêt GAYGUSUZ du 16 septembre 1996 (Cr.E.D.H., 16 septembre 1996, GAYGUSUZ c/ Autriche, Req. 17.371/90), selon lequel certains droits à la sécurité sociale (dont le droit aux allocations de chômage) sont protégés. Ils ne peuvent dès lors faire l’objet d’une discrimination sur la base de la nationalité. Cependant, le fait d’avoir cotisé dans le secteur chômage n’ouvre pas nécessairement le droit aux allocations, dans la mesure où les autres conditions d’octroi doivent également être remplies, dont celle de la privation involontaire de travail et de la disponibilité sur le marché de l’emploi (avec l’obligation correspondante de recherche active d’emploi).

La cour souligne en outre que l’article 14 de la C.E.D.H. ne vise que les droits garantis par la Convention elle-même et que l’intéressée, qui vise uniquement le droit de propriété figurant dans le 1er Protocole additionnel, ne précise pas pour quel droit ou quelle liberté garanti(e) par la Convention elle est discriminée. Pour la cour, il faut vérifier si la violation invoquée trouve son fondement dans la nationalité et non dans un autre élément, tel que le statut de séjour librement consenti. Elle renvoie à l’arrêt de la Cr.E.D.H. du 27 septembre 2011 (Cr.E.D.H., 27 septembre 2011, BAH c/ ROYAUME-UNI, Req. 56.328/07) en matière de logement.

S’il y a une différence de traitement, sa source n’est pas la nationalité mais la situation de séjour.

La cour règle encore une question invoquée subsidiairement, étant la possibilité prévue par l’article 69, § 2, de l’arrêté royal de bénéficier des allocations de chômage durant 60 jours après l’expiration du permis de travail. Dans la mesure où l’intéressée ne disposait pas de ce permis au moment où elle était étudiante, la cour considère que cet article ne lui est pas applicable. Il suppose que la personne qui demande à bénéficier de cette disposition réponde aux conditions générales d’octroi des allocations de chômage.

Intérêt de la décision

Cet arrêt rappelle les effets sur le droit aux allocations de chômage de l’existence d’un permis de travail C. Celui-ci peut être accordé dans toute une série de situations (candidat-réfugié, bénéficiaire de la protection subsidiaire, etc.). Il peut, comme dans le cas d’espèce, être demandé par des personnes autorisées au séjour aux fins d’études et qui sont inscrites dans un établissement d’enseignement en Belgique. Il vise les prestations de travail en-dehors des vacances scolaires (pendant celles-ci, les étudiants étrangers n’ayant pas besoin de ce permis pour pouvoir travailler).

Les conditions d’occupation sont détaillées dans l’arrêt. La cour, avec le tribunal, confirme que la détention d’un tel permis ne peut donner lieu à l’octroi d’allocations de chômage.

L’intérêt de l’arrêt – outre d’avoir rappelé les règles combinées découlant de la réglementation chômage et de celle relative à l’occupation des travailleurs étrangers – est d’avoir examiné la question posée par l’intéressée sur le plan de la discrimination sur la base du critère de nationalité.

L’on notera qu’elle vise, dans son argumentation, l’article 14 de la Convention européenne. Comme l’a souligné très justement la cour, cette disposition concerne l’interdiction de discrimination, qui est un principe général de la Convention. Elle prévoit que la jouissance des droits et libertés reconnus dans celle-ci doit être assurée sans distinction aucune, fondée notamment sur le sexe, la race, la couleur, la langue, la religion, les opinions politiques ou toutes autres options, l’origine nationale ou sociale, l’appartenance à une minorité nationale, la fortune, la naissance, ou encore toute autre situation. Pour la cour, l’intéressée n’indique pas – en-dehors du droit de propriété garanti dans l’article 1er du 1er Protocole additionnel – pour quel droit ou liberté garanti(e) par la Convention elle aurait subi une discrimination en raison de sa nationalité.

L’article 14 doit en effet toujours intervenir en combinaison avec une autre disposition de la Convention.


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