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Droit aux prestations familiales garanties pour une personne étrangère, mère d’un enfant belge

Commentaire de C. trav. Mons, 20 avril 2016, R.G. 2015/AM/222

Mis en ligne le lundi 28 novembre 2016


Cour du travail de Mons, 20 avril 2016, R.G. 2015/AM/222

Terra Laboris

Par arrêt du 20 avril 2016, la Cour du travail de Mons examine la condition de séjour exigée par la loi pour l’octroi de prestations familiales garanties à une mère de nationalité étrangère ayant un enfant belge. Le séjour doit être légal et c’est la demande introduite en vue d’obtenir la régularisation du séjour qui va permettre l’octroi des prestations familiales garanties.

Les faits

Une demande de prestations familiales garanties est introduite en mars 2013 par une citoyenne de nationalité congolaise, pour son enfant. La demande porte à la fois sur les prestations elles-mêmes et sur l’allocation de naissance. Le père est de nationalité belge.

Quelques mois plus tard, la mère fait une demande de séjour, en sa qualité d’ascendante d’un enfant belge. Les prestations familiales garanties sont accordées à partir du premier jour du mois qui suit l’introduction de la demande.

La mère ne pouvant apporter la preuve d’un séjour légal pour la période antérieure, FAMIFED notifie un refus correspondant à celle-ci, s’appuyant sur l’article 1er de la loi du 20 juillet 1971, en vertu duquel la personne qui introduit une demande de prestations familiales garanties doit être admise ou autorisée à séjourner en Belgique ou à s’y établir.

Renvoi est fait à la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers.

La mère obtient six mois plus tard la régularisation du séjour, suite à une décision de l’Office des Etrangers, étant admise en sa qualité de membre de la famille d’un citoyen de l’Union européenne. Il s’agit d’une carte de 5 ans.

Une régularisation partielle intervient en ce qui concerne la courte période d’arriérés en suspens, mais FAMIFED refuse le paiement de la prime de naissance.

Un recours est introduit devant le Tribunal du travail de Mons et de Charleroi, qui déboute l’intéressée de ce chef de demande.

Appel est interjeté.

Position des parties devant la cour

L’appelante fait valoir qu’en sa qualité de mère de nationalité étrangère d’un enfant mineur belge, elle bénéficie de plein droit du droit au séjour sur le territoire dans le cadre du regroupement. Le fait que le titre constatant ce droit sera délivré ultérieurement seulement est sans incidence. La délivrance de celui-ci est en effet un acte déclaratif et non constitutif. C’est dès qu’elle a acquis le statut d’ascendant d’un enfant belge que les conditions sont réunies. Elle considère que le droit de séjour naît au moment de la naissance de l’enfant.

Quant à FAMIFED, il considère que le statut de mère d’un enfant belge ne confère pas automatiquement un droit de séjour permettant d’entraîner celui aux prestations familiales garanties. C’est la délivrance du titre qui permet de constater que les conditions sont remplies. En outre, ce titre n’interviendra que si la mère fait les démarches nécessaires. Tant que la demande de séjour n’est pas faite, il faut considérer que le séjour est illégal et que l’on ne peut octroyer les prestations familiales garanties.

Position de la cour

La cour reprend les dispositions pertinentes de la loi du 20 juillet 1971, dont l’article 1er, qui fixe les conditions en matière de résidence. Pour la personne de nationalité étrangère, il faut être admis ou autorisé à séjourner en Belgique ou à s’y établir.

L’arrêté royal d’exécution du 25 octobre 1971 dispose cependant que le droit aux allocations familiales en faveur d’un enfant est accordé à partir du premier jour du mois qui suit celui de sa naissance.

La cour constate qu’il n’est pas prévu que le statut de mère confère à celle-ci automatiquement un droit au séjour, si l’enfant est de nationalité belge. Elle renvoie à diverses décisions de jurisprudence relatives à la condition de légalité du séjour et rappelle l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 28 juin 2006 (C. const., 28 juin 2006, n° 110/2006), selon lequel le maintien d’une condition de légalité du séjour n’est pas discriminatoire.

Les juridictions du travail ont par ailleurs confirmé à plusieurs reprises que le droit aux prestations familiales garanties n’est ouvert à charge de FAMIFED qu’à compter de la date à laquelle l’Office des Etrangers a autorisé la délivrance du titre de séjour.

Pour la cour, il faut interpréter la loi comme exigeant un titre de séjour valable.

Elle confirme dès lors le jugement.

Intérêt de la décision

La Cour constitutionnelle a été régulièrement interrogée sur la légalité de la condition de séjour.

Il suffit à cet égard de rappeler ses arrêts des 23 octobre 2014 (C. const., 23 octobre 2014, n° 155/2014) et 21 février 2013 (C. const., 21 février 2013, n° 12/2013).

D’autres arrêts ont été rendus, entre celui du 28 juin 2006 repris dans la décision commentée et ces deux derniers.

La question est dès lors récurrente.

Dans son arrêt du 23 octobre 2014, interrogée par la Cour du travail de Bruxelles, la Cour constitutionnelle avait rappelé que la présence d’un enfant de nationalité belge au sein de la cellule familiale n’a pas nécessairement pour effet de modifier l’intensité du lien de rattachement des autres enfants de nationalité étrangère avec la Belgique et que, en conséquence, le législateur était autorisé à vérifier l’existence de ce lien dans le chef des autres enfants de l’adulte qui en assume la responsabilité, et ce de la même manière qu’il peut le faire dans le chef des enfants étrangers appartement à une cellule familiale qui ne comprend pas d’enfant de nationalité belge. La Cour constitutionnelle avait tenu compte, dans sa conclusion, de l’arrêt de la Cr.E.D.H. du 8 avril 2014 (DHAHBI c/ ITALIE), où la Cour européenne avait rappelé que seules des considérations très fortes peuvent l’amener à estimer compatible avec la Convention une différence de traitement exclusivement fondée sur la nationalité et avait conclu dans l’espèce jugée que la différence constatée n’était pas proportionnée à l’objectif de protection des intérêts budgétaires poursuivi par l’Etat italien.

Rappelons par ailleurs que les prestations familiales garanties ont un caractère résiduaire et qu’il peut toujours être demandé, dans le cadre de l’aide sociale ordinaire, une intervention à charge du C.P.A.S. correspondant à celles-ci.


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