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Droit au congé annuel en cas de fin de carrière

Commentaire de C.J.U.E., 20 juillet 2016, Aff. n° C-341/15 (MASCHEK c/ MAGISTRATSDIREKTION DER STADT WIEN – PERSONALSTELLE WIENER STADTWERKE)

Mis en ligne le lundi 12 décembre 2016


Cour de Justice de l’Union européenne, 20 juillet 2016, Aff. n° C-341/15 (MASCHEK c/ MAGISTRATSDIREKTION DER STADT WIEN – PERSONALSTELLE WIENER STADTWERKE)

Terra Laboris

Dans un arrêt du 20 juillet 2016, la Cour de Justice de l’Union européenne reprend sa jurisprudence en matière de congé annuel : celui-ci doit être accordé à chaque travailleur quel que soit son état de santé. Dès lors que la relation de travail prend fin et que le travailleur n’a pas pu prendre son congé, il a droit à une indemnité financière dont le but est d’éviter de perdre toute jouissance du droit, même sous forme pécuniaire.

Les faits

Les faits concernent une espèce autrichienne. Elle vise le statut de fonctionnaires communaux (Ville de Vienne), celui-ci étant la transposition de la Directive 2003/88. Il prévoit que, lorsqu’un fonctionnaire quitte le service ou lorsque la relation de travail prend fin, il a droit à une indemnité compensatrice pour la partie du congé annuel qu’il n’a pas encore utilisée (sauf s’il était repris immédiatement dans un autre service de la Ville). Ce droit à l’indemnité n’existe que dans la mesure où les droits au congé annuel n’ont pas été épuisés, du propre fait de l’intéressé. Les hypothèses prévues sont le licenciement pour faute, la rupture pour absence injustifiée, la démission, la révocation ou encore l’admission au bénéfice de la retraite.

Cette indemnité pour congé annuel payé non pris est calculée pour chaque année civile en cause.

En l’espèce, l’intéressé, né en 1949, devait partir à la retraite le 30 juin 2012. Depuis le 15 novembre 2010, il a été absent, étant dans un premier temps en incapacité de travail. A partir de l’année 2011, l’absence fut acceptée par l’employeur, les parties rédigeant deux conventions sur celle-ci et sur ses effets. Il était donc pour cette période autorisé à ne pas se présenter sur son lieu de travail en raison de l’instruction de service donnée, et ce en application d’une des deux conventions conclues.

L’intéressé signale cependant qu’il est tombé en incapacité de travail pendant cette période et qu’il peut dès lors prétendre à l’indemnité financière pour congé annuel payé non pris.

Le Verwaltungsgericht de Vienne s’est interrogé sur la conformité du système autrichien avec la Directive et particulièrement avec son article 7, dans la mesure où le fonctionnaire, qui a été admis à la retraite à sa demande, se retrouve privé du droit à l’indemnité financière pour congé payé annuel non pris, même lorsque, peu avant son départ, il est tombé en incapacité de travail dûment justifiée. D’autres questions sont posées eu égard à la compatibilité avec le droit européen des conditions mises par le droit autrichien à l’octroi de l’indemnité.

Les questions dont la Cour de Justice est saisie sont dès lors au nombre de trois.

La réponse de la Cour

La Cour décide d’examiner les questions ensemble, et ce à la lumière de l’article 7, § 1er, de la Directive 2003/88 relatif au congé annuel. Celui-ci prévoit que les Etats membres prennent les mesures nécessaires pour que chaque travailleur puisse bénéficier d’un congé annuel payé d’au moins quatre semaines, conformément aux conditions du droit national. Il dispose également que la période minimale de congé annuel payé ne peut être remplacée par une indemnité financière, sauf en cas de fin de la relation de travail.

Il n’est pas permis de déroger à cette règle et le droit au congé annuel payé doit être considéré comme un principe du droit social de l’Union revêtant une importance particulière. Il doit dès lors être accordé à chaque travailleur quel que soit son état de santé. La Cour renvoie à cet égard à divers arrêts de sa jurisprudence.

Dès lors que la relation de travail prend fin et que le travailleur n’a pas pu prendre son congé, il a droit à une indemnité financière dont le but est d’éviter de perdre toute jouissance du droit, même sous forme pécuniaire. Aucune autre condition n’est mise dans la Directive à l’ouverture du droit à cette indemnité.

La Cour souligne que le motif pour lequel la relation de travail a pris fin est indifférent. Le critère à prendre en compte est que le travailleur n’ait pas pu épuiser ses droits avant la fin de sa relation de travail. En l’espèce, pendant la période admise comme congé de maladie (fin de l’année 2010), il est constaté que l’intéressé n’a pas pu épuiser au cours de cette période le congé annuel payé qu’il avait acquis. Celui-ci doit dès lors donner lieu à l’indemnité financière, puisqu’il n’a pas été pris. La Cour rappelle encore la double finalité du droit au congé annuel, étant d’une part de permettre au travailleur de se reposer par rapport à l’exécution des tâches contractuelles et d’autre part de disposer d’une période de détente et de loisirs.

En l’espèce, pour la période 2011-2012, l’intéressé était tenu de ne pas se présenter au travail. Si, pendant cette période, les droits n’ont pu être épuisés de ce fait et qu’il a continué à percevoir son salaire conformément aux accords intervenus, l’indemnité financière pour les droits au congé annuel payé ne serait pas due. Si, par contre, c’est en raison d’une maladie, elle le serait. C’est au juge national à vérifier ce qu’il en est.

La Cour décide dès lors de répondre aux questions posées comme suit :

1. L’article 7, § 2, de la Directive 2003/88 s’oppose à une législation nationale qui priverait du droit à une indemnité financière pour congé annuel non pris le travailleur dont la relation de travail a pris fin suite à sa demande de mise à la retraite, dans l’hypothèse où il n’a pas été en mesure d’épuiser ses droits avant la fin de celle-ci.

2. Lors de son départ, il a droit à une indemnité financière correspondant au congé annuel payé non pris en raison du fait qu’il n’a pas exercé ses fonctions pour cause de maladie.

3. Dès lors qu’un travailleur dont la relation de travail prend fin avait conclu un accord avec son employeur par lequel il continue à percevoir son salaire mais était tenu de ne pas se présenter pendant une période déterminée avant sa mise à la retraite, celui-ci n’a pas droit à l’indemnité financière sauf s’il n’a pas pu épuiser ses droits en raison d’une maladie.

4. Les Etats membres peuvent prévoir d’accorder des avantages supplémentaires s’ajoutant au congé annuel payé minimal de quatre semaines visé à l’article 7 à un travailleur qui, en raison d’une maladie, n’a pas pu épuiser l’intégralité de son congé annuel. La norme européenne ne contient en effet que des prescriptions minimales à cet égard.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour de Justice éclaire l’articulation des deux paragraphes de l’article 7 de la Directive 2003/88, relatifs au congé annuel. Elle rappelle sa jurisprudence constante, dont elle reprend de nombreux arrêts au fil de sa décision, selon laquelle le droit au congé annuel est un principe du droit social de l’Union revêtant une importance particulière, accordé au travailleur, et ce quel que soit son état de santé. La mesure a une double finalité, étant d’une part de permettre au travailleur de se reposer par rapport aux obligations contractuelles et, en outre, de disposer d’une période de détente et de loisirs. Le droit au congé annuel n’est dès lors pas restreint à une compensation financière.

Une seule hypothèse est autorisée pour le remplacement de la période qui doit être octroyée par une indemnité financière, étant la fin de la relation de travail. Le droit national ne peut dès lors préjudicier le travailleur qui a été en congé de maladie pendant toute ou partie de la période de référence et/ou d’une période de report de ses droits en matière de congé annuel, dès lors que c’est la maladie qui l’a empêché d’exercer son droit.

L’on notera encore que la Cour rappelle que le cadre de la norme européenne est plus large que celui du droit autrichien, puisqu’elle souligne (point 27) que l’article 7, § 2, ne pose aucune condition à l’ouverture du droit à l’indemnité financière autre que celle tenant au fait d’une part que la relation de travail a pris fin et d’autre part que le travailleur n’a pas pris tous les congés annuels payés auxquels il avait droit à cette date. Le motif pour lequel la relation de travail a pris fin ne compte pas.


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