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Dettes de cotisations au statut social des travailleurs indépendants : règles d’imputation des paiements

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 3 mai 2016, R.G. 2014/AB/540

Mis en ligne le mardi 13 décembre 2016


Cour du travail de Bruxelles, 3 mai 2016, R.G. 2014/AB/540

Terra Laboris

Par arrêt du 3 mai 2016, la Cour du travail de Bruxelles rappelle que les règles d’imputation des paiements, en matière de cotisations au statut social des travailleurs indépendants, sont celles énoncées aux articles 1253 à 1256 du Code civil, auxquelles doivent s’ajouter les articles 44 et 44bis de l’arrêté royal du 19 décembre 1967 relatifs aux majorations.

Les faits

Une caisse d’assurances sociales poursuit la condamnation d’une indépendante au paiement de cotisations (anciennes), pour lesquelles des paiements sont intervenus mensuellement (200 € par mois) et ont ensuite été interrompus. La caisse a encore perçu un dividende dans la faillite de la société solidairement responsable.

Décision de la cour

L’affaire est l’occasion pour la cour du travail de reprendre les règles en matière d’imputation de paiements, les articles 1253 et suivants du Code civil réglant la question de manière générale et, par ailleurs, l’arrêté royal du 19 décembre 1967 d’exécution de l’arrêté royal n° 38 comportant également d’autres règles spécifiques.

La cour constate que, en l’espèce, la caisse a imputé les paiements mensuels par priorité sur les dettes les plus anciennes, ainsi que sur les majorations sur celles-ci. La contestation surgit du fait que la débitrice invoque l’article 1256 du Code civil, selon lequel, entre dettes qui sont pareillement échues, lorsque la quittance ne porte aucune imputation, le paiement doit être imputé sur celle que le débiteur avait le plus d’intérêt d’acquitter.

La cour reprend, dès lors, les articles 1253 et suivants, qui autorisent le débiteur de plusieurs dettes à déclarer lorsqu’il paie quelle dette il entend acquitter. Si la dette porte intérêt ou produit des arrérages, le débiteur ne peut, sans le consentement du créancier, imputer le paiement sur le capital par préférence aux intérêts ou arrérages. Le paiement non intégral fait sur le capital et les intérêts s’impute d’abord sur les intérêts. En outre, lorsque le débiteur de diverses dettes a accepté une quittance par laquelle le créancier a imputé les montants perçus sur une dette spécifiquement, le débiteur ne peut plus demander l’imputation sur une autre, hors dol ou surprise de la part du créancier. Lorsqu’il y a des dettes d’égale nature, l’imputation se fait sur la plus ancienne.

En l’espèce, l’intéressée n’a jamais précisé, dans ses paiements, à quoi ils se rapportaient.

En matière de cotisations au statut social, des majorations sont prévues à l’article 44 de l’arrêté royal du 19 décembre 1967, celui-ci prévoyant en son alinéa 2 qu’aussi longtemps que la cotisation n’a pas été entièrement payée, la majoration est appliquée à nouveau, à l’expiration de chaque trimestre civil suivant sur la partie non payée.

La cour souligne le caractère d’ordre public de ces dispositions. En conséquence, l’intéressée ne peut demander que les paiements soient affectés par priorité aux cotisations, et ce afin de réduire le montant des majorations. La cour rappelle que la loi prévoit un système de majoration automatique, s’agissant d’une sanction, dans l’hypothèse où l’indépendant n’effectue pas le paiement des cotisations à temps et de manière complète. En cas de paiements échelonnés, dans la mesure où la dette en principal n’a pas été complétement apurée, les majorations ont continué à courir et l’on ne peut tenter d’échapper à cette règle en imputant les paiements intervenus sur les cotisations elles-mêmes.

La cour renvoie à l’article 1254 du Code civil, dont elle a précédemment rappelé le texte, étant que le débiteur d’une dette qui produit intérêts ou des arrérages ne peut, sans le consentement du créancier, imputer le paiement sur le capital par préférence à ceux-ci. Elle rappelle également qu’en vertu de l’article 1253 du Code civil, l’intérêt représente la réparation à laquelle le créancier a droit eu égard au retard mis par le débiteur à exécuter son obligation de paiement.

Elle souligne enfin que, si les majorations ont effectivement continué à courir et qu’elles sont restées élevées, vu l’évolution du temps, il est toujours possible pour l’intéressée de solliciter une levée de celles-ci auprès de l’INASTI, situation prévue par l’article 48 de l’arrêté royal.

La cour se livre, ensuite, à un examen des montants et accepte le décompte de la caisse.

Intérêt de la décision

Il n’est pas inutile d’attirer l’attention sur les règles rappelées par la cour du travail dans cet arrêt, en ce qui concerne l’imputation des paiements partiels effectués en apurement d’une dette de cotisations. Les règles générales figurent aux articles 1253 à 1256 du Code civil, auxquels il n’est pas dérogé.

La situation est, dans l’hypothèse de dettes de cotisations au statut social des travailleurs indépendants, rendue plus complexe du fait des majorations qui viennent s’appliquer, à l’expiration de chaque trimestre civil suivant, sur la cotisation impayée ou sur la partie restant due. Pour les trimestres civils postérieurs à 1988, la majoration est de 3% (arrêté royal du 14 décembre 1988).

Signalons qu’une majoration supplémentaire unique est appliquée au 1er janvier de l’année civile suivante sur la partie des cotisations qui n’a pas été payée pour l’année qui précède. Il s’agit dans cette hypothèse d’une majoration de 7% (article 44bis de l’arrêté royal).


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