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Accident du travail – secteur public : rappel des règles en matière de prescription

Commentaire de C. trav. Liège (Sect. Liège), 12 octobre 2007, R.G. 33.178/2005

Mis en ligne le jeudi 22 décembre 2016


Cour du travail de Liège (Sect. Liège), 12 octobre 2007, R.G. 33.178/2005

TERRA LABORIS

Dans un arrêt du 12 octobre 2007, la Cour du travail de Liège a confirmé qu’est prescrite une action introduite trois ans après la décision de l’autorité fixant les séquelles de l’accident.

Les faits

Dans un dossier d’accident, le service de santé administratif (actuellement MEDEX) prend le 10 octobre 1995 une décision, qui fixe le taux d’incapacité permanente de la victime à 0%.

L’intéressé renvoie la décision signée, marquant son accord sur les conclusions qu’elle contient.

Celle-ci sera notifiée à l’administration communale, employeur de la victime, le 22 janvier 1996.

Ultérieurement, en date du 5 octobre 1998, le service de santé administratif décide de fixer le taux d’incapacité permanente à 2%. Cette décision sera transmise à l’employeur le 19 novembre 1998.

Citation ne sera lancée que le 10 mars 2003 et à l’appui de sa demande, l’intéressé fait valoir que la décision du 5 octobre 1998 – dont il ne conteste pas avoir eu connaissance – n’a jamais fait l’objet d’une notification administrative. En outre, aucune indemnisation n’est intervenue. Il dépose une attestation de son médecin selon laquelle les séquelles se seraient aggravées, ce qui devrait entraîner une majoration du taux d’incapacité permanente.

La citation contient, expressément, une demande de paiement suite à une aggravation survenue à partir du 21 octobre 1996.

Par voie de conclusions devant le premier juge, l’intéressé requalifie son action en action en première indemnisation. Il fait valoir que les décisions du S.S.A. ne lui ont jamais été notifiées conformément à l’arrêté royal du 13 juillet 1970.

La position du tribunal

Par jugement du 10 février 2005, le tribunal du travail de Liège considère que l’action en revision, requalifiée d’action en première indemnisation, est prescrite.

La position des parties en appel

L’intéressé fait valoir, devant la Cour, de la même manière que devant le tribunal, le non respect de la procédure de l’arrêté royal du 13 juillet 1970 (art. 11) relative à la notification. Il invoque également la Charte de l’assuré social, et particulièrement son article 14, relatif à la non prise de cours du délai de recours à défaut pour la décision administrative de contenir les mentions légales requises.

La commune sollicite quant à elle la confirmation du jugement sur la prescription de l’action.

La position de la Cour

Sur la prescription, la Cour rappelle la modification de l’article 20 de la loi du 3 juillet 1967 par la loi du 20 mai 1997 et en conclut que le règlement de l’accident n’étant pas intervenu au moment de l’entrée en vigueur de cette loi, il fallait appliquer l’article 20 nouveau. Le délai de prescription est, dès lors, un délai de trois ans à dater de la notification de l’acte juridique administratif contesté.

Sur la définition de celui-ci, la Cour rappelle les travaux préparatoires de la loi du 20 mars 1997 : l’acte juridique administratif contesté est toute décision qui serait prise par l’employeur ou par le service de santé administratif pendant la durée de la procédure judiciaire. En l’occurrence, il s’agit de la décision du S.S.A. du 10 octobre 1995. Cet acte étant notifié à l’intéressé le 22 novembre 1995, la Cour relève que toute contestation devait – malgré l’accord intervenu – intervenir dans le délai de trois ans à dater de cette notification.

La notification pouvant intervenir soit par voie recommandée, soit par le biais d’une lettre ordinaire (avec les problèmes de preuve dans ce second cas), la Cour constate néanmoins que la date de notification est certaine, vu la date de renvoi par l’intéressé du formulaire signé pour accord et en conclut que toute action en première indemnisation introduite plus de 3 ans après cette date est prescrite, aucun acte interruptif n’étant intervenu.

Quant au respect des dispositions de l’arrêté royal du 13 juillet 1970, il ne peut en être déduit l’obligation pour la victime d’attendre que l’autorité administrative ait pris la décision relative au paiement, avant d’introduire une action devant le tribunal du travail. La Cour rappelle ici, judicieusement, l’arrêt de la Cour de cassation du 4 juin 2007 (S0060082.F) selon laquelle le point de départ de la prescription prévue à l’article 20 de la loi du 3 juillet 1967 n’est pas exclusivement la décision de l’autorité visée à l’article 10 de l’arrêté royal mais peut, lorsque la demande en paiement est introduite avant que cette décision n’ait été prise, consister en la proposition du service médical visée aux articles 8 et 9 du même arrêté. En cas d’absence d’une telle proposition ou décision de l’autorité, la victime peut saisir le tribunal du travail, en vertu de l’article 19 de la loi du 3 juillet 1967. La décision judiciaire, passée en force de chose jugée, donnera cours au délai de revision, la cour rappelant ici un autre arrêt de la Cour de cassation, du 1e mars 1999 (J.T.T., 2000, p. 142).

Elle en conclut que le premier juge pouvait donc constater d’une part que les conditions d’une action en revision n’étaient pas ouvertes au moment de la citation introductive (en l’absence d’une première décision notifiée conformément à l’arrêté royal du 13 juillet 1970) et d’autre part qu’une action en première indemnisation était prescrite en application de l’article 20 de la loi du 3 juillet 1967.

Enfin, en ce qui concerne l’application de la Charte de l’assuré social, la Cour rappelle que sa date d’entrée en vigueur était le 1er janvier 1997 et que la loi nouvelle n’a pas d’effet rétroactif, ce qui a été confirmé à diverses reprises en jurisprudence.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Liège fait le point sur la combinaison, dans le cadre de la loi du 3 juillet 1967, entre la situation de l’article 19 (absence de décision prise) et celle de l’article 20 (point de départ pour la contestation d’une décision existante). Elle rappelle également ce que la Cour de cassation a confirmé dans l’arrêt du 4 juin 2007 cité, étant que ce point de départ peut être double : la décision de l’autorité ou la proposition du service médical.


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