Commentaire de C. trav. Bruxelles, 16 juin 2016, R.G. 2015/AB/59
Mis en ligne le vendredi 13 janvier 2017
Cour du travail de Bruxelles, 16 juin 2016, R.G. 2015/AB/59
Terra Laboris
Dans un arrêt du 16 juin 2016, la Cour du travail de Bruxelles revient sur les critères de l’unité technique d’exploitation au sens de la loi-programme (I) du 24 décembre 2002, rappelant que c’est dans le cadre de celle-ci qu’il faut examiner le droit à une réduction de cotisations de sécurité sociale en cas de nouveaux engagements.
Les faits
Une S.P.R.L. fait faillite en juillet 2009. Deux jours après le jugement déclaratif, son gérant s’affilie, en son nom, auprès de l’O.N.S.S., déclarant l’occupation de travailleurs depuis le 1er juillet, et ce pour une activité de transport de biens.
L’O.N.S.S. l’informe, trois ans plus tard, qu’il ne remplit pas les conditions pour bénéficier des réductions de cotisations pour un premier, deuxième et troisième engagement, l’Office rappelant les articles 343 et 344 de la loi-programme (I) du 24 décembre 2002, ainsi que la notion de même unité technique d’exploitation. Le critère social en l’espèce est que l’intéressé a été actif dans la gestion des deux entreprises et que les trois travailleurs visés étaient également occupés par la société faillie. En outre, l’Office retient qu’il y a une même adresse d’exercice ainsi qu’une activité similaire ou complémentaire. A ceci s’ajoute une identité de clientèle.
Concluant à l’existence d’une même unité technique d’exploitation, ainsi qu’à l’absence d’augmentation du nombre de travailleurs occupés, l’Office refuse la demande de réduction des cotisations, et ce à partir du troisième trimestre 2009.
En conséquence, des cotisations de l’ordre de 13.500 € sont demandées.
Ayant saisi le Tribunal de commerce de Louvain en février 2012 d’une demande de réorganisation judiciaire, l’intéressé avait entre-temps obtenu l’homologation d’un plan de remboursement, par lequel les créanciers renonçaient à 70% de leur créance, le solde, soit 30%, devant être payé en 48 mensualités, la première se situant un an après l’homologation.
L’O.N.S.S. introduisit la procédure devant le Tribunal du travail de Louvain, demandant, en fin de compte, un montant global de l’ordre de 15.000 €, à majorer des accessoires.
Devant le premier juge, celui-ci demanda la réduction de cette somme à 30%, conformément au jugement d’homologation. Le tribunal du travail accueillit la demande de l’Office par jugement du 23 juin 2014, et ce pour la totalité.
Appel a dès lors été interjeté.
La décision de la cour
Le litige se meut à la fois dans le cadre de la loi-programme (I) du 24 décembre 2002, ainsi que dans celui de la loi relative à la continuité des entreprises du 31 janvier 2009.
En ce qui concerne le principe de la réduction des cotisations de sécurité sociale, la loi du 24 décembre 2002 définit ce qu’il faut entendre par « nouvel employeur ». La version de la loi est celle en vigueur depuis le 1er janvier 2004, c’est-à-dire après la modification intervenue par la loi du 22 décembre 2003. Est considéré comme nouvel employeur d’un premier travailleur l’employeur qui n’a jamais été soumis à la loi du 27 juin 1969 en raison de l’occupation de travailleurs autres que des apprentis, des domestiques, des travailleurs soumis à l’obligation scolaire à temps partiel et des travailleurs occasionnels (ou qui a cessé d’y être soumis depuis au moins quatre trimestres consécutifs précédant le trimestre de l’engagement). L’article 344 dispose que cet employeur ne bénéficie pas de la réduction prévue par la loi si le travailleur nouvellement engagé remplace un travailleur qui était actif dans la même unité technique d’exploitation au cours des quatre trimestres précédant l’engagement.
La cour passe ensuite au rappel de la notion d’unité technique d’exploitation dans la matière, étant qu’il y a lieu de se référer, selon la jurisprudence de la Cour de cassation, à l’entité sociale et économique. Il appartient à l’O.N.S.S., en application de l’article 1315, 1er alinéa, du Code civil et de l’article 870 du Code judiciaire, de rapporter la preuve qui lui incombe. Pour la cour, l’O.N.S.S. établit dans les faits l’existence d’une telle unité technique d’exploitation, les critères retenus étant relatifs à l’employeur lui-même, aux travailleurs, ainsi qu’à la nature de l’activité et à ses conditions d’exercice.
Sur le plan des cotisations de sécurité sociale, l’on ne peut retenir qu’il y a une nouvelle entrée en service susceptible d’autoriser une réduction si celle-ci ne s’accompagne pas d’une réelle création d’emploi. Que l’employeur précédent ait fait faillite ne modifie pas les règles.
Reste dès lors à vérifier le montant de la créance qui peut être réclamée, eu égard à la loi relative à la continuité des entreprises du 31 janvier 2009. Son article 57 dispose que l’homologation du plan de réorganisation le rend contraignant pour tous les créanciers sursitaires. Les créances sursitaires qui n’ont pas été portées dans la liste visée à l’article 17, § 2, 7°, de la loi et qui n’ont pas donné lieu à contestation sont payées après l’exécution intégrale du plan, conformément aux modalités prévues pour les créances de même nature. Si le créancier n’a pas été dûment informé au cours du sursis, il sera payé selon les modalités et dans les mesures prévues par le plan homologué pour des créances similaires.
La cour constate avec le tribunal que les juridictions du travail ne sont pas compétentes pour ramener la créance de l’O.N.S.S. au taux de 30% tel que demandé par l’appelant conformément au plan d’homologation, non plus que pour statuer sur l’exigibilité de celle-ci. Les juridictions du travail ne peuvent que constater que la demande de l’Office est recevable et fondée, le reste étant de la compétence du tribunal de commerce.
Intérêt de la décision
La Cour du travail de Bruxelles confirme, dans cet arrêt, la jurisprudence constante en la matière. Pour définir la notion de même unité technique d’exploitation au sens de la loi-programme du 24 décembre 2002, il faut renvoyer à la jurisprudence de la Cour de cassation, dont un arrêt du 23 avril 2013 (Cass., 29 avril 2013, n° S.12.0096.N), étant qu’il faut examiner les critères socio-économiques, c’est-à-dire vérifier si l’entité qui occupe le travailleur nouvellement engagé a des liens sociaux et économiques avec l’entité qui, au cours des 12 mois précédant ce nouvel engagement, a occupé un travailleur qui est remplacé par celui-ci.