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Expertise dans le secteur AMI : frais et honoraires de l’expert

Commentaire de C. trav. Mons, 14 janvier 2016, R.G. 2015/AM/145

Mis en ligne le vendredi 13 janvier 2017


Cour du travail de Mons, 14 janvier 2016, R.G. 2015/AM/145

TERRA LABORIS

Dans un arrêt du 14 janvier 2016, la Cour du travail de Mons rappelle les règles en matière de tarification des expertises médicales ordonnées par les juridictions du travail dans certains secteurs de la sécurité sociale.

Rétroactes

Un recours avait été introduit contre une décision du Collège des médecins-directeurs de l’INAMI et un expert judiciaire avait été désigné par le tribunal du travail, aux fins de dire si les conditions de l’article 25bis de la loi coordonnée du 14 juillet 1994 étaient réunies, étant que la prestation pour laquelle une intervention était demandée permettait ou non de faire appel au Fonds spécial de solidarité. L’expertise devait dès lors déterminer si elle était onéreuse, si elle présentait un caractère scientifique et une efficacité largement reconnue par les instances médicales faisant autorité, si elle était utilisée pour le traitement d’une affection portant atteinte aux fonctions vitales, s’il n’y avait aucune alternative acceptable sur le plan médico-social et, enfin, si elle était prescrite par un médecin spécialiste (l’ensemble de ces conditions étant davantage détaillées dans la réglementation).

L’expert judiciaire déposa son rapport et demanda la taxation de ses frais et honoraires à un montant de l’ordre de 1.360€, dans lequel il retenait pour ses prestations personnelles un montant de 380€, un peu plus de 113€ de frais administratifs mais un montant supplémentaire d’honoraires de l’ordre de 865€, qu’il justifiait en raison de travaux importants exigés par les difficultés rencontrées, l’étude de la littérature médicale, etc. Le supplément correspondait à 10 heures de prestations pour lesquelles il disait avoir calqué la taxation horaire sur les frais de justice en matière répressive.

Cet état de frais fut contesté par l’INAMI, n’étant pas conforme à l’arrêté royal du 14 novembre 2003 fixant le tarif des honoraires et frais dus aux experts désignés par les juridictions du travail dans le cadre d’expertises médicales concernant les litiges dans certains secteurs (allocations aux personnes handicapées, prestations familiales, assurance chômage et régime AMI). Il fut cependant accepté par le tribunal, qui a considéré qu’il s’agissait d’une mission exceptionnelle, vu la rareté de la pathologie.

L’INAMI interjette appel rappelant qu’en cas de contestation sur l’état de frais et honoraires d’un expert, la comparution des parties peut être demandée aux fins d’examiner celle-ci.

Décision de la cour

La cour rappelle que le juge fixe le montant des frais et honoraires en tenant compte de divers critères (rigueur, respect des délais, qualité du travail fourni, difficultés, qualité d’expert, valeur du litige, etc.). Cependant, dans les matières énoncées ci-dessus, l’expert doit suivre le tarif forfaitaire fixé par le Roi et cette obligation est inscrite dans la loi coordonnée elle-même (art. 167, al. 4).

Renvoyant à un arrêt de la Cour constitutionnelle du 25 janvier 2007 (Cour const., 25 janvier 2007, n° 22/2007), elle souligne que, s’il y a une différence dans le mode de tarification, celle-ci repose sur un critère objectif. Le système est contraignant, tant pour l’expert que pour le juge et le tribunal n’a aucune marge d’appréciation pour adapter ce montant.

La cour rappelle encore que l’expert pouvait refuser la mission qui lui a été confiée …

Elle réforme dès lors le jugement.

Intérêt de la décision

L’arrêté royal du 14 novembre 2003 relatif aux divers secteurs de la sécurité sociale (hors risques professionnels, pensions et revenu d’intégration), fixe un tarif pour les honoraires personnels de l’expert, étant de l’ordre de 300€ ou, s’il est psychiatre ou neuropsychiatre, de 355€, ainsi que des frais administratifs de l’ordre de 90€ et des frais pour examens complémentaires, étant certains examens médicaux. Ces derniers examens doivent être réalisés par d’autres personnes que l’expert à la demande de ce dernier. Il peut également s’agir d’examens réalisés suite à un complément d’expertise ordonné par le juge.

Cet arrêté royal a abrogé divers arrêtés royaux sectoriels existant précédemment pour les allocations aux personnes handicapées, les allocations familiales, l’AMI et le chômage.

Dans son arrêt du 25 janvier 2007 cité dans la décision de la Cour du travail de Mons, la Cour constitutionnelle avait été interrogée sur l’article 982, alinéa 2 du Code judiciaire « en ce qu’il prévoit la possibilité légale de créer une différence de traitement entre justiciables selon les critères d’évaluation des honoraires et frais des experts judiciaires » ainsi que sur l’article 167, alinéa 4 de la loi coordonnée le 14 juillet 1994 « en ce qu’il crée une différence de traitement entre justiciables en habilitant le Roi à fixer un tarif des honoraires et frais des experts judiciaires duquel sont absents les critères d’évaluation applicables en droit commun ».

Ainsi que relevé dans l’arrêt de la Cour du travail de Mons, la Cour constitutionnelle avait notamment relevé que la réglementation de droit commun s’applique à une gamme très étendue et variée d’experts et d’expertises, ce qui rend quasiment impossible une réglementation plus uniforme des frais et honoraires alors que la réglementation visée en l’espèce couvre un domaine bien limité, étant les expertises médicales ordonnées par les juridictions du travail dans les litiges relatifs à la législation et à la réglementation en matière AMI.

Pour la Cour constitutionnelle, celles-ci se distinguent à plusieurs points de vue et de manière objective des expertises visées par la réglementation en droit commun. Elle avait notamment renvoyé aux travaux préparatoires, où il avait été soulevé que les expertises couvrent des litiges qui ont trait non seulement aux indemnités d’incapacité mais à d’autres matières où le montant en jeu est moins important. Etait également visé le fait que les dépens sont toujours à charge des institutions de sécurité sociale.

L’on constatera, cependant, que malgré cette conclusion de la Cour constitutionnelle, des expertises décidées par les juridictions du travail et confiées à des experts réputés peuvent néanmoins s’avérer complexes et requérir des prestations importantes. Par ailleurs, même si la décision rendue par la Cour du travail de Mons ne reprend pas l’enjeu financier du litige, étant l’intervention demandée au Fonds spécial de solidarité, il ne peut faire de doute que ce montant est susceptible d’être élevé. L’on rappellera les critères repris de manière sommaire en début de commentaire, étant que la prestation doit être onéreuse et répondre à toute une série de conditions quant à sa nature, sa reconnaissance au niveau scientifique, etc. Les paramètres ayant servi de base à l’arrêté royal en cause ne semblent dès lors pas toujours correspondre à la réalité.


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