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Accident du travail et remboursement de l’indu

Commentaire de C. trav. Mons, 11 mai 2016, R.G. 2008/AM/21.064

Mis en ligne le lundi 30 janvier 2017


Cour du travail de Mons, 11 mai 2016, R.G. 2008/AM/21.064

Terra Laboris

Dans un arrêt du 11 mai 2016, la Cour du travail de Mons examine les conditions de l’indu en cas d’avances faites par l’entreprise d’assurances en application de l’article 63 § 4 de la loi du 10 avril 1971 ainsi que les règles en matière de prescription de cette action

Les faits

Dans le cadre d’un accident du travail survenu en février 2000, un premier rapport est fait par le médecin-conseil de l’assureur-loi en 2001, proposant une consolidation des lésions en juillet de la même année avec un taux d’I.P.P. de 20%. Quelques semaines plus tard, un autre médecin-conseil succédant au premier fait un nouveau rapport et arrive à un taux d’I.P.P. de 0% (retour à l’état antérieur). Il rédigera ensuite un certificat de guérison sans séquelles.

Entre-temps, et indépendamment de cette proposition de règlement, l’assureur paie une avance sur allocations. Celle-ci sera versée pour les mois de novembre 2001 à novembre 2006, et ce sur la base de l’I.P.P. initialement retenue, soit 20%.

La procédure

Une contestation intervient eu égard à la conclusion de guérison sans séquelles et la victime introduit une procédure devant le tribunal du travail. Dans le cours de celle-ci, en première instance, il demande en outre le remboursement des frais médicaux et pharmaceutiques.

Par jugement du 26 octobre 2007, le Tribunal du travail de Tournai conclut, avec son expert judiciaire, au retour à l’état antérieur sans incapacité permanente imputable à l’accident.

Un recours est introduit et un nouvel expert est désigné par la Cour du travail de Mons. Celui-ci conclut également à un retour à l’état antérieur et confirme dès lors l’absence de séquelles indemnisables dans le cadre de l’incapacité permanente. Cette conclusion est confirmée par la cour dans un arrêt du 23 septembre 2015.

Une réouverture des débats est cependant ordonnée suite à l’introduction par l’assureur d’une demande reconventionnelle nouvelle, formée pour la première fois en degré d’appel et portant sur le remboursement des avances faites sur les allocations. Il s’agit d’un montant de plus de 23.000 €. La période va du 15 novembre 2001 au 30 novembre 2006. La demande a été formée par voie de conclusions déposées le 6 avril 2009. Dans son arrêt du 23 septembre 2015, la cour demande à l’assureur de s’expliquer sur la recevabilité de cette demande, au regard de la jurisprudence de la Cour de cassation, selon laquelle elle doit être fondée sur un fait ou un acte invoqué dans la citation ou constituer une défense à l’action principale ou tendre à la compensation.

L’arrêt du 11 mai 2016

Dans l’arrêt annoté du 11 mai 2016, la cour du travail commence par reprendre les principes dégagés dans la jurisprudence de la Cour suprême en ce qui concerne les demandes reconventionnelles formées pour la première fois en degré d’appel. Elle renvoie ensuite à l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 4 décembre 2014 (C. const., 4 décembre 2014, n° 177/2014), qui a réaffirmé que celle-ci doit respecter le prescrit de l’article 807 du Code judiciaire, et ce en vue de protéger les droits du demandeur originaire confronté à une demande reconventionnelle formée pour la première fois en degré d’appel par le défendeur.

En l’espèce, il se confirme que la demande s’appuie sur des actes et faits invoqués dans la citation. La cour en conclut qu’elle est, dès lors, recevable. Reste cependant à examiner le fondement de la répétition de l’indu.

Reprenant ici encore la jurisprudence de la Cour de cassation, la cour rappelle qu’il faut un paiement et que celui-ci doit présenter un caractère indu, ce caractère se vérifiant eu égard à la cause du paiement intervenu. Est indu le paiement dépourvu de cause.

Elle distingue ensuite les paiements faits dans le cadre de l’incapacité temporaire, étant que la durée de celle-ci est un élément de fait qui peut être reconnu par un tel paiement et que, de ce fait, l’employeur qui a indemnisé reconnaît de facto le caractère justifié de l’incapacité.

Cette situation est à distinguer, pour la cour, de l’incapacité permanente. S’appuyant sur l’article 63 § 4 alinéa 1er de la loi du 10 avril 1971, qui impose à l’entreprise d’assurances, en cas de litige quant à la nature ou au taux d’incapacité de travail de la victime, de payer à titre d’avance l’allocation journalière ou annuelle visée aux articles 22, 23, 23bis ou 24, sur la base du taux d’incapacité permanente proposé par elle, elle considère que la consolidation et le taux d’I.P.P. sont des données juridiques, puisque, par ailleurs, réglées par l’article 24, alinéa 4, LAT. Pour la cour, il découle de l’obligation figurant à l’article 63 § 4 qu’il n’y a pas reconnaissance du droit mais obligation de paiement au titre d’avance. Elle renvoie par ailleurs à sa propre jurisprudence (C. trav. Mons, 14 janvier 2009, Bull. Ass., 2009, p. 267). Elle retient dès lors que les montants doivent en principe être remboursés.

La victime opposant, cependant, l’article 69, alinéas 1er et 2, LAT, relatif à la prescription triennale, la cour examine ce point en déterminant le point de départ, question sur laquelle les parties sont en désaccord, dans la mesure où l’appelant considère qu’il s’agit du paiement alors que l’assureur retient la décision judiciaire définitive fixant le taux d’I.P.P.

Tout en relevant que ce point de départ n’est pas fixé dans la loi et qu’il faut dès lors se référer au droit commun, la cour reprend la doctrine de A. VERMOTE (A. VERMOTE, La prescription en droit de la sécurité sociale », Ors., 2008/8, p. 12), selon laquelle le droit à récupération de l’indu naît lors du paiement et que ceci fait dès lors courir le délai de prescription. La Cour de cassation a consacré la thèse de la naissance du droit, la cour du travail renvoyant notamment à l’arrêt du 16 mars 2015 (Cass., 16 mars 2015, S.12.0102.F), décision relative au délai de prescription pour l’action en paiement des indemnités (qui débute à la naissance du droit et non à une décision qui serait prise par l’entreprise d’assurances).

La cour conclut, dès lors, à la prescription d’une grande partie de la demande, retenant, cependant, que celle-ci est fondée pour une période d’environ 7 mois.

Intérêt de la décision

Le premier intérêt de l’espèce tranchée par la Cour du travail de Mons est certes relatif aux conditions de recevabilité d’une demande reconventionnelle formée pour la première fois devant la cour, dont il est rappelé que celle-ci est conditionnée par le respect de l’article 807 du Code judiciaire.

Plus délicate est la question des avances versées en application de l’article 63, § 4, de la loi. Si elles ne constituent pas – eu égard à l’obligation légale d’effectuer ces paiements – une reconnaissance, il n’en demeure pas moins que la disposition visée retient indistinctement que celles-ci portent sur l’allocation journalière (donc celles relatives à l’incapacité temporaire) et sur l’allocation annuelle. Sont repris les articles 22, 23, 23bis et 24.

La Cour de cassation ne s’est prononcée, sur la question que dans le cadre des avances faites pour l’incapacité temporaire et elle a, comme repris dans l’arrêt, confirmé que la durée de l’incapacité de travail est un élément de fait.

L’on notera une particularité supplémentaire de l’espèce, étant que les paiements sont intervenus sur la base d’une première évaluation de l’I.P.P., rapidement infirmée par l’entreprise d’assurances elle-même. Cette circonstance n’est pas autrement prise en compte dans l’arrêt que comme un élément venant appuyer le caractère indu, la cour rappelant que l’erreur du solvens ne constitue qu’un moyen de preuve de l’absence de cause du paiement et non une condition essentielle à la répétition ou un élément d’appréciation de celle-ci.


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