Terralaboris asbl

Complément d’allocations familiales d’entreprise : rémunération passible de cotisations sociales ?

Commentaire de C. trav. Liège (div. Namur), 6 décembre 2016, R.G. 2015/AN/168

Mis en ligne le vendredi 31 mars 2017


Cour du travail de Liège (division Namur), 6 décembre 2016, R.G. 2015/AN/168

Terra Laboris

Dans un arrêt du 6 décembre 2016, la Cour du travail de Liège (division Namur) rappelle la jurisprudence de la Cour de cassation en la matière, étant que la notion de rémunération passible de cotisations sociales est définie en référence à l’article 2 de la loi du 12 avril 1965 et qu’une éventuelle violation par l’employeur d’autres dispositions légales est sans incidence sur cette qualification.

Les faits

Suite à une enquête de l’O.N.S.S. au sein d’une société de commerce de matériel informatique, il est constaté qu’un membre du personnel se voit octroyer des allocations familiales extra-légales (250 euros par mois pour trois enfants). La société ramène, ultérieurement, ce chiffre à 150 euros.

L’O.N.S.S. considère cependant que les cotisations de sécurité sociale doivent être calculées sur le montant de 250 € - et non sur les 150 admis par lui - et ce pour dix trimestres. Il s’agit d’un montant de l’ordre de 4.200 euros.

La position de l’Office est que l’intéressé est le seul travailleur à bénéficier de cet avantage, de telle sorte que le but n’est pas de compléter des allocations familiales mais d’octroyer une prime à un seul travailleur (étant par ailleurs le seul dans sa catégorie), s’agissant d’un directeur technique.

La société paie les cotisations et en demande le remboursement.

Par jugement du 21 mai 2015, le Tribunal du travail de Liège (division Namur) fait droit à la demande.

L’Office interjette appel.

Positions des parties devant la cour

Pour l’O.N.S.S., ces montants ont un caractère rémunératoire, étant entendu qu’il faut vérifier les conditions objectives d’octroi d’un éventuel avantage complémentaire à la sécurité sociale. Pour être exempté de cotisations, celui-ci devrait être accordé de manière indifférenciée à tous les travailleurs. Il ajoute que raisonner autrement constituerait une discrimination interdite par la loi du 10 mai 2007.

Pour la société, il n’y a pas d’avantage rémunératoire, la loi ne fixant aucune restriction à la notion de complément aux avantages de sécurité sociale. La société conteste également le plafond que l’O.N.S.S. semble admettre (étant 50 euros par mois et par enfant). Elle ajoute que la loi n’interdit pas de faire une distinction entre les travailleurs, pour autant que ceux appartenant à la même catégorie soient traités de la même manière.

La décision de la cour

La notion de rémunération servant de base aux cotisations est visée à l’article 14, § 1er, de la loi du 27 juin 1969 révisant l’arrêté-loi du 28 décembre 1944 concernant la sécurité sociale des travailleurs. Celui-ci renvoie à l’article 2 de la loi du 12 avril 1965 concernant la protection de la rémunération. Parmi les exceptions figurent les compléments aux avantages accordés pour les diverses branches de la sécurité sociale.

La cour souligne que ce cas d’exclusion ne contient pas de restriction.

Doit être considéré comme un tel avantage, selon la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass., 15 février 2016, n° S.14.0071.F), l’indemnité qui a pour objet de compenser une perte de revenus ou encore l’accroissement de dépenses provoqué par la réalisation d’un risque couvert par les diverses branches de la sécurité sociale, et ce même si l’octroi de cet avantage est soumis à des conditions étrangères à ces risques.

Une correspondance ou une identité avec les conditions d’octroi de la prestation sociale elle-même n’est pas exigée.

Si la loi du 27 juin 1969 prévoit par ailleurs en son article 45, alinéa 1er, que des avantages complémentaires doivent être accordés sans distinction à tous les travailleurs de l’entreprise appartenant à la même catégorie, ceci n’affecte pas la notion de rémunération définie ci-dessus. Il en découle qu’ils sont exemptés de cotisations de sécurité sociale, même s’il y a violation de l’article 45. C’est la jurisprudence de la Cour de cassation dans son arrêt du 15 février ci-dessus et la cour renvoie également à un autre arrêt du 8 décembre 2014 (Cass., 8 décembre 2014, n° S.13.0099.N – S.13.0126.N). Le même raisonnement vaudrait s’il y avait discrimination.

Quant à l’avantage lui-même, il n’est pas abusif tant eu égard à la situation familiale de l’intéressé qu’au montant ainsi alloué par enfant (83 euros), montant considéré comme n’étant ni déraisonnable ni excessif. Le caractère d’avantage complémentaire est dès lors admis.

Enfin, sur le fait que l’intéressé est le seul à relever d’une catégorie déterminée, il n’y a pas en l’espèce de violation en l’espèce de l’article 45 de la loi du 27 juin 1969. La cour relève encore que son prédécesseur en bénéficiait également.

La cour confirme en conséquence le jugement et admet qu’il y a lieu à remboursement des montants versés.

Intérêt de la décision

Dans cet arrêt, la cour du travail confirme, sur le plan des principes, l’autonomie de l’article 14, §§ 1er et 2, de la loi du 27 juin 1969 par rapport à l’article 45, alinéa 2, du même texte.

Dans l’arrêt récent de la Cour de cassation, du 15 février 2016, s’était posée de manière expresse la question de la liaison entre la notion de complément à un avantage social et le respect par l’employeur de l’obligation imposée par l’article 45, alinéa 1er, d’accorder cet avantage à tous les travailleurs de son entreprise relevant d’une même catégorie. La Cour suprême y avait considéré qu’une requalification en rémunération ne pouvait découler d’une éventuelle violation de cette obligation. Comme le relève la Cour du travail de Liège, cette solution avait déjà été apportée par la Cour de cassation dans un arrêt précédent du 8 décembre 2014.

S’était également posée, dans l’espèce tranchée par la Cour de cassation le 15 février 2016, une question de discrimination sur la base de la fortune. La réponse de la Cour avait été identique à celle donnée à la question précédente, étant qu’une violation des règles interdisant la discrimination est sans incidence pour la qualification de complément à un avantage accordé pour les diverses branches de la sécurité sociale.


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be