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Maladies professionnelles : calcul de l’allocation pour aide de tiers

Commentaire de C. trav. Liège (div. Liège), 7 novembre 2016, R.G. 2015/AL/676

Mis en ligne le vendredi 31 mars 2017


Cour du travail de Liège, division Liège, 7 novembre 2016, R.G. 2015/AL/676

Terra Laboris

Dans un arrêt du 7 novembre 2016, la Cour du travail de Liège (division Liège) donne une méthode claire permettant d’évaluer sur le plan financier l’allocation à attribuer, dans le secteur des maladies professionnelles, pour l’assistance régulière d’un tiers. Elle renvoie à la matière des accidents du travail pour les principes et élabore un calcul simple pour la traduction en termes financiers.

Les faits

Un ouvrier fait toute sa carrière professionnelle – qu’il a commencée à quatorze ans – en qualité de manœuvre et, ensuite, de chauffeur (camion et bus). Il tombe au chômage en 2002, soit à l’âge de 55 ans, et est pensionné en 2012.

Il a introduit dès les années 1970 un dossier au Fonds des Maladies Professionnelles et s’est vu reconnaître une incapacité permanente de 10% dans un premier temps, celle-ci étant portée à 34% suite à un arrêt de la cour du travail du 12 décembre 2006.

Une nouvelle demande a été formée en 2010. Elle porte à la fois sur la révision des séquelles de la maladie professionnelle reconnue et sur une aide de tiers.

Tout en admettant qu’il y a eu aggravation, le Fonds a maintenu le taux d’I.P.P. Il a par ailleurs rejeté la demande d’aide de tiers.

Une procédure a été initiée devant le Tribunal du travail de Liège, qui a désigné un expert. Sur l’aggravation, celui-ci la confirme et augmente légèrement le taux. Il admet également que l’aide de tiers est fondée à raison d’une heure par jour.

Le tribunal du travail a fait droit à la demande, étant de fixer le taux d’incapacité physique à 35%, majoré de 65% de facteurs socio-économiques. Il a dès lors condamné le Fonds au paiement d’indemnités à raison de 100%. L’aide de tiers a été fixée selon l’avis de l’expert. Sur le plan de l’indemnisation, le tribunal s’est fondé sur le revenu minimum mensuel moyen garanti et en a alloué 4%.

Le Fonds a interjeté appel sur les facteurs socio-économiques. L’intimé a introduit un appel incident sur le calcul de l’indemnité pour aide de tiers.

Position des parties devant la cour

Le Fonds estime que les facteurs socio-économiques doivent être fixés à 11%. Sur l’aide de tiers, celle-ci représente 1/24e d’une journée, de telle sorte qu’il demande la confirmation de la conclusion du tribunal, étant 4%.

Quant à l’intéressé, il propose un mode de calcul différent, étant de multiplier le revenu minimum mensuel moyen garanti par 12, ainsi que par 7 (soit sept heures de prestations par semaine) et par 52 (cinquante-deux semaines par an), ce montant devant être divisé par 1848, qui est le nombre d’heures d’activité correspondant à un temps plein dans un régime de cinq jours de travail, ainsi que par 12. Le résultat est une moyenne de 283,77 euros par mois. Subsidiairement, il propose un autre calcul, étant le montant du revenu minimum mensuel garanti x 7 / 38, ce qui amène à un chiffre légèrement inférieur, étant 265,39 € par mois.

La décision de la cour

La cour est dès lors saisie d’une question d’appréciation des facteurs socio-économiques pour ce qui est de l’évaluation de l’incapacité permanente, mais surtout d’une question technique consistant dans le calcul de l’aide de tiers.

Sur la première question, elle renvoie à l’arrêt de la Cour de cassation du 11 septembre 2006 (Cass., 11 septembre 2006, n° S.05.0037.F), selon lequel, si la reconnaissance d’une incapacité permanente de travail suppose l’existence d’une incapacité physiologique, le taux de cette dernière ne constitue toutefois pas nécessairement l’élément déterminant pour évaluer le degré de l’incapacité globale. La cour va dès lors apprécier l’incapacité, eu égard aux critères habituels, et limiter les facteurs socio-économiques à 55%. Le total est dès lors de 90%.

Sur la question de l’allocation pour l’aide de tiers, c’est la conversion de l’aide estimée (une heure par jour, et ce pour tous les jours de la semaine) en allocation financière qui est débattue.

L’article 35 des lois coordonnées du 3 juin 1970 se borne à renvoyer pour cette allocation complémentaire au revenu minimum mensuel moyen garanti pour les travailleurs à temps plein et il précise que le montant annuel ne peut dépasser celui-ci multiplié par 12.

Il y a par ailleurs renvoi aux critères de l’article 24 de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail.

La méthode de fixation de l’allocation est laissée au juge, eu égard à l’absence de précision dans les textes.

La cour souligne la rareté de la doctrine et de la jurisprudence en la matière et s’inspire du régime en accidents du travail, soulignant les précisions en ce sens figurant dans les travaux préparatoires de la loi-programme du 22 décembre 1989 (qui a modifié l’article 24 de la loi du 10 avril 1971).

Sur la finalité de l’aide, la cour retient qu’elle est forfaitaire mais qu’elle n’est pas dénuée de tout rapport avec la couverture du besoin réel. Elle est en tout cas indépendante du salaire de la victime. Pour la méthode de fixation, l’on peut se référer au prix de revient de l’aide requise et comparer celui-ci avec la rémunération de base.

Si diverses méthodes existent, celle à préférer en l’espèce est d’évaluer le temps pendant lequel cette aide est requise par rapport à la durée du travail pour un emploi à temps plein, le critère étant le poids économique de la nécessité d’assistance d’une tierce personne. Il s’agira dès lors d’une fraction du R.M.M.M.G. L’allocation étant supposée couvrir le salaire de celle-ci, le calcul doit se faire par rapport au coût et aux conditions de travail d’une aide qualifiée par la cour de « mercenaire ». Pour la cour, il faut procéder comme suit :

Une heure par jour x 7 jours par semaine x 52 semaines = 364 heures d’assistance nécessitées par an

Le revenu minimum mensuel moyen garanti à prendre en compte étant à l’époque de 1.440,67 €, il faut diviser le nombre d’heures requises par l’équivalent d’un temps plein annuel (qui est de 1.748 heures et non de 1.848, comme proposé par l’intimé). Le total est dès lors de 300 euros par mois (364 / 1.748 x 1.440,67). Se considérant lié par le principe dispositif et concluant qu’elle ne peut accorder plus que ce qui lui est demandé, elle retient le montant supérieur figurant dans la demande du travailleur.

Intérêt de la décision

Cet arrêt tranche deux points intéressants, dans la matière. Il revient en effet en premier lieu sur l’arrêt de la Cour de cassation du 11 septembre 2006. Dans celui-ci, la Cour suprême a censuré la position du FMP, qui soutenait que les facteurs socio-économiques étaient d’une certaine manière fonction de l’invalidité physiologique. Il en ressortait, pour le Fonds, que ceux-ci ne pouvaient pas dépasser cette invalidité. Dans son arrêt, la Cour de cassation a précisé que, si cette incapacité physiologique doit exister pour qu’il y ait indemnisation, le taux qu’elle représente n’est pas nécessairement l’élément déterminant pour évaluer le degré de l’incapacité permanente. L’on notera en l’espèce que les conclusions de l’expert sur l’incapacité physiologique n’étaient pas contestées, mais que ce qui a dû être tranché par la cour est l’importance des répercussions socio-économiques de l’incapacité constatée.

Très intéressant également est le mode de calcul de l’allocation pour aide de tiers. S’il n’est plus débattu, actuellement, qu’il faut renvoyer au revenu minimum mensuel moyen garanti (C.C.T. 43nonies), c’est la traduction du nombre d’heures requises en termes financiers qui n’est pas toujours claire. La cour a retenu ici un mode de calcul clair, étant le nombre d’heures nécessitées en base annuelle, à diviser par le total des heures de travail représentant sur cette même base la durée légale maximum autorisée, étant 1748 heures. Le résultat de cette fraction doit être multiplié par le montant mensuel du revenu minimum mensuel moyen garanti.


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