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Accident du travail dans le secteur public : rémunération de base

Commentaire de Trib. trav. fr. Bruxelles, 7 avril 2017, R.G. 11/9.882/A

Mis en ligne le vendredi 28 juillet 2017


Tribunal du travail francophone de Bruxelles, 7 avril 2017, R.G. 11/9.882/A

Terra Laboris

Dans un jugement rendu le 7 avril 2017, le Tribunal du travail francophone de Bruxelles reprend les règles spécifiques dans le secteur public concernant la rémunération de base pour l’incapacité temporaire et l’incapacité permanente, s’agissant en l’espèce d’un membre du personnel d’un C.P.A.S.

Les faits

Un membre du personnel d’un C.P.A.S. a été victime d’un accident du travail non contesté en date du 7 avril 2007.

Une procédure a été introduite devant le Tribunal du travail de Bruxelles et, après avoir désigné un expert par jugement et l’avoir ensuite déchargé, redésignant un autre expert, le tribunal est saisi du retour d’expertise.

Les parties ont conclu, après le dépôt du rapport.

La décision du tribunal

Le tribunal reprend les conclusions de l’expert, qui ne sont – en gros – pas contestées (hors une courte période d’incapacité temporaire). Le tribunal constate cependant qu’une discussion reste ouverte en ce qui concerne la rémunération de base. Il résume la position des parties.

La partie demanderesse considère que, pour l’incapacité temporaire, elle doit percevoir son traitement à temps plein et non une indemnité. Pour l’incapacité permanente, elle renvoie à l’article 4, § 1er, de la loi du 3 juillet 1967 (loi de base dans le secteur public), ainsi qu’à l’arrêté royal du 13 juillet 1970 relatif à la réparation, en faveur de certains membres du personnel des services ou établissements publics du secteur local, des dommages résultant des accidents du travail et des accidents survenus sur le chemin du travail. Elle demande, pour la rémunération de base relative à l’incapacité permanente, que ne soit pas appliquée la « désindexation », renvoyant à deux arrêts de la Cour de cassation, l’un du 4 septembre 1989 (Pas., 1990, I, 1) et l’autre du 12 février 2007 (n° S.05.0121.F).

Pour le C.P.A.S., l’intéressée a effectivement continué à percevoir son salaire pendant l’incapacité temporaire et non, comme dans le secteur privé, une indemnité. Pour ce qui est, par contre, de l’incapacité permanente, il conteste la position de la demanderesse, renvoyant quant à lui à deux autres arrêts de la Cour de cassation, du 13 mars 1995 (S.94.0125.N) et du 14 mars 2011 (S.09.0099.F). Il s’appuie également sur une circulaire du F.A.T. du 13 septembre 2011 pour fonder sa position selon laquelle le traitement doit être désindexé, c’est-à-dire qu’il faut prendre en compte le traitement barémique à l’indice-pivot de 138,01 euros.

Le tribunal constate que la rémunération de base devrait ainsi être, pour la partie demanderesse, de l’ordre de 24.330 euros et, pour la partie défenderesse, de 17.800 euros environ.

Le tribunal va dès lors examiner les deux questions posées, et ce après avoir entériné les conclusions de l’expert judiciaire (rejetant la contestation de la partie demanderesse sur une courte période d’incapacité temporaire intervenue 5 ans après l’accident et écartée par l’expert pour absence de lien avec celui-ci).

Pour ce qui est de l’incapacité temporaire, il rappelle que le maintien du droit au traitement durant une incapacité de travail pour risque professionnel est de règle dans le secteur public et renvoie à cet égard à la doctrine du Pr JACQMAIN (J. JACQMAIN, « Services publics : incapacité de travail due au fait d’un tiers », Chron. D. S., 2009, pp. 200-204), ainsi qu’à celle de Madame MARKEY (L. MARKEY, « La réparation des accidents du travail dans le secteur public », Les accidents du travail dans le secteur public, Anthémis, 2015, p. 84).

Le droit au traitement complet est dès lors reconnu.

Pour ce qui est de l’incapacité permanente, le tribunal fait droit à la position de la partie demanderesse, qui a visé à l’appui de celle-ci l’article 4, § 1er, de la loi et les articles 18 et 20 de l’arrêté royal du 13 juillet 1970. L’arrêté royal ne prévoit en effet pas la désindexation, contrairement à un autre arrêté royal du 24 janvier 1969, qui s’applique à d’autres catégories de personnel du secteur public.

Il écarte les références jurisprudentielles invoquées par la partie défenderesse, dans la mesure où elles ne sont pas applicables au cas tranché. Il en va de même de la circulaire du F.A.T.

C’est dès lors le chiffre de la demanderesse qui est retenu.

Intérêt de la décision

Ce jugement attire l’attention sur une question juridique de taille, en la matière.

Il est en effet recouru, de manière assez générale, à la « désindexation » de la rémunération pour le calcul de la rente d’incapacité permanente. Il s’agit, dans ce mécanisme, de tenir compte du traitement désindexé, étant le traitement barémique à l’indice-pivot de 138,01 et non le traitement réellement perçu.

En l’espèce, la prise en compte de l’une ou de l’autre rémunération entraînait une différence dans la rémunération annuelle de près de 7.000 euros.

La partie demanderesse a souligné à juste titre – et sans être utilement contredite par la partie défenderesse – que la désindexation n’est pas prévue dans cet arrêté royal du 13 juillet 1970, contrairement à celui du 24 janvier 1969. Pour le personnel dit « local », qui entre dans son champ d’application, il n’y a dès lors pas lieu de procéder au calcul de la rente d’incapacité permanente sur une rémunération de base ramenée à son montant barémique initial.

Le jugement est également l’occasion de rappeler que, pendant l’incapacité temporaire, tout le personnel du secteur public reçoit non une indemnité journalière comme c’est le cas dans le cadre de la loi du 10 avril 1971 (étant 90% de la rémunération de référence, indemnité payée pour tous les jours du mois), mais le traitement en lui-même.


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