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Poursuite d’études : droit aux allocations de chômage ou au revenu d’intégration sociale ?

Commentaire de Trib. trav. Liège (div. Dinant), 7 mars 2017, R.G. 16/935/A et 16/1.106/A

Mis en ligne le vendredi 28 juillet 2017


Tribunal du travail de Liège, division Dinant, 7 mars 2017, R.G. 16/935/A et 16/1.106/A

Terra Laboris

Dans un jugement du 7 mars 2017, le Tribunal du travail de Liège (division Dinant) examine les conditions d’octroi du revenu d’intégration, dont celle de ne pas pouvoir bénéficier de prestations dans un secteur de la sécurité sociale, non résiduaire, s’agissant en l’espèce d’une reprise d’études qui avaient été entamées sans que ne soient respectées les conditions de l’article 93 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991.

Les faits

Le tribunal du travail est saisi d’une demande de revenu d’intégration sociale au taux cohabitant. Le C.P.A.S. l’a refusée, au motif que l’intéressée (âgée de 22 ans) a volontairement abandonné son droit au bénéfice des allocations de chômage pour reprendre une sixième année professionnelle. Elle a triplé cette année et, alors qu’elle était engagée sur la base d’un contrat « article 60 », elle a mis fin à celui-ci. Il est encore constaté qu’elle aurait pu suivre des cours sans suspendre son droit aux allocations de chômage et qu’il en résulte qu’elle s’est mise elle-même en état de précarité.

La décision du tribunal

Le tribunal relève qu’elle a bénéficié du revenu d’intégration sociale de 2012 à 2014, ainsi que pendant deux mois en 2015. Un an plus tard, elle a décidé de reprendre des études secondaires supérieures, étant de refaire la sixième année (déjà triplée) en vue de poursuivre une septième année en aide-soignante. La demande d’obtention du revenu d’intégration en septembre 2016 est faite dans cette optique. Pouvant bénéficier d’allocations d’insertion, l’intéressée les a perçues pendant quatre mois jusqu’en septembre, date à laquelle elle s’est alors tournée vers le C.P.A.S.

Un droit éventuel reste ouvert dans le secteur chômage, mais il a été supprimé du fait de la reprise des études secondaires. Une demande de dispense est alors introduite auprès du FOREm et celle-ci est refusée en janvier 2017 au motif de la nature de la formation (qui s’étend sur plusieurs années et s’apparente à des études de plein exercice), ainsi que de la durée du chômage et du parcours professionnel de l’intéressée.

Le tribunal traduit dès lors cette situation sur le plan du droit à l’intégration sociale, étant que la loi du 2 avril 1965 relative à la prise en charge des secours accordés par les C.P.A.S. définit le C.P.A.S. compétent pour les personnes qui poursuivent des études comme étant celui de la commune où l’étudiant est, au moment de la demande, inscrit au titre de résidence principale. Il restera compétent pour toute la durée ininterrompue des études. Cette compétence est dès lors maintenue tant que l’étudiant n’a pas arrêté ses études, celles-ci n’étant pas interrompues par des périodes de maladie, un échec, un redoublement, ou encore une réorientation ; de même, les vacances scolaires, les stages à l’étranger, les formations complémentaires, les jobs de vacances, etc. (le tribunal renvoyant à la doctrine de E. CORRA, « La compétence territoriale des CPAS », Aide sociale – Intégration sociale, Le Droit en pratique, sous la coordination de H. MORMONT et de K. STANGHERLIN, La Charte, 2011, pp. 502 et suivantes).

Sur le plan du chômage, la reprise des études secondaires supérieures ne peut plus ouvrir le droit à la poursuite des allocations d’insertion et la demande de dispense a été refusée. Dès lors, au moment où la demande est introduite au C.P.A.S., du fait de la reprise des études, l’intéressée ne peut plus prétendre à des droits dans ce secteur. Le tribunal pose la question de l’incidence d’un recours qui serait introduit dans le cadre de l’article 93 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, qui permet au chômeur complet de suivre des études de plein exercice à certaines conditions. Il reprend celles-ci et examine les conditions de la demande de dispense qui peut être faite dans ce cadre, demande dont il relève qu’elle doit parvenir préalablement au bureau de chômage. Il rappelle les conditions de celle-ci ainsi que les cas dans lesquels elle peut être retirée et relève encore qu’elle ne peut être accordée qu’une seule fois.

Cette condition de demande préalable n’est pas remplie en l’espèce et il ne peut dès lors être reproché à l’intéressée de ne pas faire valoir ses droits dans le cadre de la loi sur le droit à l’intégration sociale, le recours apparaissant au tribunal comme étant « plus qu’aléatoire ».

Revenant sur les principes généraux relatifs à la disposition au travail et à son exception, selon laquelle peut en être dispensé un demandeur qui poursuit des études (motif d’équité), le tribunal retient que trois conditions sont exigées, étant que :

  • L’étudiant prouve son aptitude ;
  • Ses études constituent une raison sociale impérative (destinées à lui permettre de sortir de sa condition) ;
  • Il n’est pas en mesure de se procurer des ressources dans une mesure compatible avec les études elles-mêmes.

Ces conditions sont remplies en l’espèce, le tribunal attirant encore l’attention de l’intéressée sur le fait qu’il s’agit pour elle de sa « dernière chance » d’obtenir son C.E.S.S. et qu’elle doit justifier de son aptitude tout au long de l’année.

Il fait dès lors droit au recours et condamne le C.P.A.S. à payer à l’intéressée le revenu d’intégration au taux isolé à partir du 6 septembre 2016.

Intérêt de la décision

Parmi les conditions d’octroi du revenu d’intégration sociale figurant à l’article 3 de la loi du 26 mai 2002 concernant le droit à l’intégration sociale, figure celle de ne pas pouvoir prétendre à d’autres prestations dans un secteur de la sécurité sociale.

En l’occurrence, se pose à juste titre, dans une situation telle que celle commentée, la question de savoir si le demandeur bénéficie effectivement d’un droit à de telles prestations, en l’occurrence des allocations de chômage, vu l’article 93 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991.

Devant statuer sur le droit au revenu d’intégration, le tribunal est ainsi amené à examiner les conditions remplies par l’intéressée dans cet autre secteur, qui seraient susceptibles de lui assurer des prestations non résiduaires.

Selon le tribunal, il découle du caractère plus qu’aléatoire du recours qui serait introduit que l’intéressée remplit la condition de ne pas pouvoir bénéficier de telles prestations.

C’est le principe de réalité qui est retenu, le juge admettant implicitement que ce recours ne devait pas être introduit.


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