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Contrôle de l’existence d’une raison économique à un licenciement

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 22 mars 2017, R.G. 2015/AB/30

Mis en ligne le jeudi 14 septembre 2017


Cour du travail de Bruxelles, 22 mars 2017, R.G. 2015/AB/30

Terra Laboris

Dans un arrêt du 22 mars 2017, la Cour du travail de Bruxelles, analysant l’existence d’un motif de licenciement présenté comme d’ordre économique, retient qu’un élément objectif présenté permettant de conforter la thèse de l’employeur, en l’occurrence sa volonté de remettre son fonds de commerce, établit à suffisance l’existence de celui-ci et que les mesures décidées s’inscrivent dans le cadre de son pouvoir de gestion.

Les faits

Une vendeuse, occupée à temps partiel dans une boutique depuis 2009, travaille à raison de 19 heures par semaine. Son contrat prévoit une rémunération brute de l’ordre de 1.715 euros.

Le temps de travail est augmenté en 2011. L’intéressée est cependant licenciée rapidement moyennant un préavis. Elle tombe en incapacité de travail pendant celui-ci et l’employeur met un terme définitif au contrat en payant l’indemnité correspondante. Il indique sur le document C4, comme motif du licenciement, des raisons économiques.

Une procédure est introduite par l’employée en régularisation de salaire, ainsi qu’en complément d’indemnité compensatoire de préavis et en abus de droit.

La décision de la cour

Pour ce qui est des arriérés, la demande se fonde sur la circonstance que l’intéressée n’a pas perçu le salaire fixé dans le contrat, l’employeur exposant qu’il s’agissait d’une rémunération correspondant à un temps plein et que cette mention est le fruit d’une erreur de son secrétariat social.

La cour constate que la référence est effectivement faite à la catégorie de C.P. 201. L’intéressée ayant perçu dans un premier temps un brut de 870 euros environ et de 1.120 euros ensuite (montant encore augmenté lorsque le temps de travail le sera lui-même), elle relève que le montant initial est celui qui correspond au temps partiel de 19 heures (les parties ayant entretenu pendant toute une période des relations amicales, il n’y a en outre pas au dossier de réclamation salariale pendant la période d’occupation). Il y a dès lors un ensemble de présomptions graves, précises et concordantes qui, pour la cour, permettent de considérer, en application du droit de la preuve, que la rémunération mentionnée au contrat était le fruit d’une erreur. Ni le principe selon lequel le contrat de travail doit s’interpréter en faveur de la partie la plus faible ni l’article 3 de la loi du 12 avril 1965 ne permettent de modifier cette conclusion.

Pour ce qui est du complément d’indemnité de préavis, dès lors que la rémunération n’est pas revue, ce chef de demande ne peut être accordé.

La cour envisage, cependant, assez longuement la question du licenciement abusif. Pour elle, il faut se référer à la notion d’abus de droit, telle que consacrée dans de nombreux arrêts de la Cour de cassation, et non au contrôle du motif de l’article 63 de la loi du 3 juillet 1978. Elle rappelle que celui qui se prévaut de l’existence d’un abus doit établir celui-ci et que, en ce qui concerne le dommage, l’indemnité compensatoire de préavis répare de manière forfaitaire tout le dommage matériel et moral qui découle de la rupture irrégulière du contrat. Il faut dès lors un préjudice exceptionnel.

En l’espèce, rien parmi les éléments qui pourraient faire suspecter l’existence d’un abus ne peut être retenu. Le C4 fait état de raisons économiques et la cour admet la plausibilité de celles-ci, l’employeur établissant que, peu de temps avant, il avait effectué des démarches auprès du Moniteur Belge du fonds de commerce et de l’entreprise en vue de rechercher des candidats pour la reprise de son commerce. L’intention de licencier ne constitue pas un abus de droit et la cour souligne que celle-ci est antérieure à la revente de ce fonds de commerce. Si l’employeur a ouvert une autre boutique au mois de décembre de la même année, la cour rappelle que celui-ci a ainsi agi dans le cadre de son pouvoir de gestion peu de temps après avoir mis son fonds de commerce en vente.

La vendeuse fait également valoir l’existence d’un autre motif, étant une mesure de représailles suite à un refus de sa part de prester le samedi. La cour constate qu’elle a travaillé quelques samedis et qu’il est exact qu’elle n’a pas marqué accord pour prester tous les samedis. La cour ne retient cependant pas le détournement de la finalité économique du licenciement vu l’existence de la raison économique avérée ci-dessus.

D’autres éléments purement factuels sont également rejetés, la cour concluant que la vendeuse échoue à démontrer un abus de droit dans le chef de l’employeur.

Intérêt de la décision

Cette espèce tranchée par la Cour du travail de Bruxelles pourrait amener à s’interroger sur la notion de « rémunération contractuellement convenue », dans la mesure où la rémunération mensuelle reprise sur le contrat de travail n’a pas du tout été celle qui a été payée et pour laquelle l’intéressée n’a pas protesté pendant plusieurs années.

Vérifiant que ce montant correspond au temps plein et que l’intéressée n’a presté qu’à concurrence de la moitié de celui-ci – et qu’elle a d’ailleurs été rémunérée conformément aux barèmes sur la base des heures réellement effectuées –, la cour aboutit à la conclusion d’une erreur matérielle, d’autant qu’aucune revendication ou réclamation n’a été formulée.

C’est par des présomptions graves, précises et concordantes que la cour retient cette solution, qui ne peut cependant constituer une conclusion nécessairement transposable dans l’hypothèse où la rémunération contractuellement convenue n’a pas été versée. Le travailleur ne peut en effet être présumé avoir renoncé à la rémunération convenue, les éléments d’une telle renonciation étant à examiner en fait.

Sur le plan du motif du licenciement, la cour examine le motif donné dans le document C4, étant l’existence de raisons économiques (lesquelles sont avérées, vu l’exercice par l’employeur de son pouvoir de gestion de son entreprise – qui l’autorise ainsi à rouvrir quelques mois plus tard un autre commerce même s’il avait pris la décision de vendre précédemment le fonds de commerce existant). Il n’a pas détourné son pouvoir de gestion et, en conséquence, la finalité économique du licenciement ne l’est pas davantage.

L’on notera que l’examen a ainsi porté sur le motif lui-même et non sur un comportement fautif de l’employeur à la rupture.


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