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Allocations de chômage : le doctorat est-il assimilable à des études de plein exercice ?

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 14 juin 2017, R.G. 2014/AB/1.101 et 2014/AB/1.106

Mis en ligne le jeudi 14 décembre 2017


Cour du travail de Bruxelles, 14 juin 2017, R.G. 2014/AB/1.101 et 2014/AB/1.106

Terra Laboris

Dans un arrêt du 14 juin 2017, la Cour du travail de Bruxelles se penche sur la notion d’études de plein exercice au sens de l’article 93 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 portant réglementation du chômage et conclut que celles-ci ne couvrent pas la période consacrée à la préparation d’un doctorat.

Les faits

Une étudiante termine une licence à l’Université Libre de Bruxelles en 2005. Elle travaille en qualité d’assistante pendant sept ans et obtient, ensuite, un diplôme de docteur en sciences, ayant défendu sa thèse. Elle reste employée par l’université jusqu’à la fin de l’année académique (juin 2013). Elle s’inscrit alors au chômage et demande une dispense pour reprendre des études de plein exercice (programme d’agrégation pour l’enseignement secondaire). Ceci est refusé, vu qu’elle a terminé ses études depuis moins de deux ans.

Un recours est introduit devant le Tribunal du travail de Bruxelles, qui le déclarera non fondé par jugement du 28 octobre 2014.

Appel est interjeté.

L’arrêt du 25 mai 2016

La cour a rendu un premier arrêt le 25 mai 2016, ordonnant la réouverture des débats. La cour a en effet rappelé l’article 93 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, relatif aux conditions de la dispense d’inscription comme demandeur d’emploi au motif d’études, étant notamment (5° et 6°) que le chômeur doit avoir terminé ses études (précédentes) depuis deux ans au moins et qu’il doit avoir bénéficié d’au moins 312 allocations comme chômeur complet au cours des deux années qui précèdent le début des études (ré-entreprises). La disposition contient une exception pour les professions dans lesquelles il y a pénurie significative de main-d’œuvre (la liste étant établie par l’ONEm).

Il s’agit, en l’espèce, d’un des cas d’exception, étant des études d’agrégation de chimie. La cour relève cependant que la condition d’avoir terminé les études précédentes depuis au moins deux ans pose problème, la question étant de savoir si la notion de plein exercice visée au 5° coïncide avec celle que l’on rencontre par ailleurs dans la réglementation du chômage.

La cour relève également une question de légalité de l’article 93, § 1er, 5°, de l’arrêté royal.

Le Ministère public a rendu un avis, concluant pour sa part au fondement de l’appel, au motif qu’au moment où l’intéressée a introduit sa demande de dispense, elle ne suivait plus depuis deux ans au moins des études de plein exercice, la rédaction d’un mémoire et la préparation de la soutenance de la thèse de doctorat ne pouvant être assimilées à celles-ci.

L’arrêt du 14 juin 2017

La cour revient sur la disposition clé de la matière, étant l’article 68 de l’arrêté royal, selon lequel le chômeur ne peut bénéficier des allocations de chômage pendant la période où il suit une formation au sens de l’article 92 ou des études de plein exercice au sens de l’article 93 (sauf dispense des obligations de disponibilité et d’inscription). Cette disposition est inscrite dans une section particulière, concernant des chômeurs dont la disponibilité est affectée par le temps susceptible d’être consacré à des études.

Pour la cour, la disposition est une condition d’octroi des allocations de chômage et elle a un caractère subsidiaire.

Elle examine, à propos de l’article 93, en premier lieu sa légalité. Le Ministère public avait relevé que trois arrêtés royaux (3 juin 1992, 22 novembre 1995 et 10 juillet 1998) devaient être écartés, vu l’absence d’avis préalable demandé à la Section de législation du Conseil d’Etat. Il faut donc revenir à la version initiale, dans laquelle figure cependant la même condition.

La cour relève que les notions d’études et d’apprentissage qui y sont fixées ne sont pas définies de manière précise. Il faut donc considérer qu’une interprétation commune doit être donnée avec celle de l’article 68.

En l’occurrence, le problème posé est celui du doctorat. En vertu de l’arrêté royal du 31 mars 2004 de la Communauté française (définissant l’enseignement supérieur, favorisant son intégration à l’espace européen de l’enseignement supérieur et refinançant les universités), le doctorat est un cursus d’études reconnu par la Communauté française. La Cour en reprend les obligations, étant la rédaction d’une dissertation originale et la présentation publique de ce travail. Ces tâches figurent également dans le même arrêté royal. Il ne s’agit donc pas d’un programme d’études de plein d’exercice. Selon le décret, cependant, le doctorat doit correspondre globalement à 180 crédits minimum, qui ne s’inscrivent pas dans le schéma ordinaire d’une année d’études (qui compte 60 crédits) au sens de l’article 93, § 1er, 4°, de l’arrêté royal. Il ne s’agit dès lors pas d’études et, en conséquence, le doctorat ne fait pas obstacle à l’octroi de la dispense.

Elle relève encore que l’intéressée a été admise aux allocations de chômage sur la base de son travail, puisqu’elle a été assistante à temps plein, et non sur celle d’un parcours d’études.

Intérêt de la décision

Cet arrêt – limpide – sur la question contient deux enseignements importants, étant en premier lieu l’illégalité des arrêtés royaux qui ont modifié le texte initial de l’article 93 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, situation qui impose d’en écarter le texte actuel et de revenir à celui d’origine, et, ensuite, le fait qu’un doctorat ne peut être assimilé à des études de plein exercice au sens de la disposition litigieuse. Il n’y a dès lors pas lieu pour le demandeur d’allocations de chômage qui compte ré-entreprendre des études après avoir terminé celui-ci d’attendre deux ans avant d’entamer son nouveau projet, avec dispense de ses obligations en matière de chômage.

L’on relève encore ici qu’il s’agit d’études d’agrégation qui vont venir compléter la spécialisation académique acquise.


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