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Délai de répétition de l’indu en matière de pécule de vacances des ouvriers

Commentaire de C. trav. Mons, 9 février 2017, R.G. 2016/AM/56

Mis en ligne le lundi 18 décembre 2017


Cour du travail de Mons, 9 février 2017, R.G. 2016/AM/56

Terra Laboris

Par arrêt du 9 février 2017, la Cour du travail de Mons reprend la jurisprudence de la Cour constitutionnelle en matière de délai de récupération d’indu de prestations de sécurité sociale dans l’hypothèse de l’erreur de l’institution de sécurité sociale.

Les faits

Suite à une période de chômage économique qui n’aurait pas dû être admise, la Caisse de vacances du secteur du bâtiment paie un pécule de vacances avec assimilation de ces journées. Elle fait ultérieurement valoir que ceci n’aurait pas dû être fait et réclame un indu de l’ordre de 1.200 euros.

L’intéressé ayant introduit un recours devant le Tribunal du travail du Hainaut (Mons et Charleroi à l’époque), une réouverture des débats a été ordonnée par le premier juge aux fins de permettre aux parties de s’expliquer sur l’incidence de l’arrêt de la Cour constitutionnelle du 20 septembre 2012 (qui s’est prononcé sur la contradiction entre l’article 17 de la Charte de l’assuré social et l’article 74, alinéa 3, de la loi coordonnée le 14 juillet 1994 en A.M.I.) sur la matière des vacances annuelles (loi du 28 juin 1971).

Suite à cette réouverture des débats, le tribunal du travail a admis que le recours était fondé.

La Caisse a interjeté appel. Elle fait valoir que la jurisprudence de la Cour constitutionnelle ne trouve pas à s’appliquer ici et demande à la cour de réformer le jugement a quo, l’intimé en sollicitant, pour sa part, la confirmation pure et simple, au motif que l’arrêt de la Cour constitutionnelle doit pouvoir s’appliquer par analogie.

La décision de la cour

La cour procède à un rappel important des principes posés par l’article 17, alinéa 2, de la Charte, qui permet, dans certaines conditions, en cas d’erreur de l’institution de sécurité sociale, de ne pas récupérer un indu. La condition mise, dans le cas visé, étant l’hypothèse d’une erreur commise par l’institution de sécurité sociale, est que le bénéficiaire ne savait pas (ou ne pouvait savoir) que le montant versé ne lui était pas dû.

La première condition (erreur de l’institution) est remplie en l’espèce, de même que la seconde, puisque l’intéressé ne pouvait pas comprendre que le montant ne devait pas lui être versé.

La Caisse considère cependant que l’article 17 ne doit pas s’appliquer, dans la mesure où les lois coordonnées du 28 juin 1971 contiennent un article 46bis, alinéa 2, selon lequel l’action en récupération en la matière est de deux ans à compter de la fin de l’année de l’exercice de vacances à laquelle se rapporte le pécule en cause, en cas d’erreur due à la Caisse.

La cour rappelle que de telles dispositions ont été considérées inconstitutionnelles par la Cour constitutionnelle, qui a en tout cas statué dans trois arrêts en la matière. Il s’agit des allocations familiales pour travailleurs salariés (possibilité de récupération pendant un an), secteur assurance obligatoire soins de santé et indemnités (possibilité identique de récupérer pendant un an les prestations d’invalidité indûment payées) et, dans le même secteur, possibilité identique en ce qui concerne les organismes assureurs. Il s’agit des arrêts du 20 janvier 2010 (n° 1/2010), du 24 mai 2012 (n° 66/2012) et du 30 octobre 2012 (132/2012).

Pour la cour du travail, systématiquement, la Cour constitutionnelle a condamné les modifications législatives intervenues après la promulgation de la Charte et instituant une réglementation moins favorable à celle-ci, en l’absence de justification spécifique pertinente.

Par ailleurs, dans un arrêt du 4 mars 2008, la Cour constitutionnelle avait été interrogée sur la discrimination éventuelle dans un cas visant également l’application de l’article 46bis des lois relatives aux vacances annuelles. La Cour a estimé ici que, s’agissant du délai de prescription de deux ans de l’action en répétition, si celle-ci reposait sur une erreur imputable à la Caisse de vacances, le délai ne pouvait pas avoir des effets disproportionnés dès lors qu’il était plus court que celui qui découlerait de l’application du droit commun et que le délai de répétition ordinaire du pécule lui-même. Est pointé le fait que le pécule n’est versé qu’une fois par an et que des erreurs en la matière apparaissent moins rapidement que dans le cas de prestations sociales mensuelles ou versées plus régulièrement, pour lesquelles le législateur a pu admettre un délai de six mois.

Pour la cour du travail, la Cour constitutionnelle a ainsi retenu une justification valable de l’application d’un délai de récupération plus important, contrairement à la situation des allocations familiales ou des indemnités d’incapacité de travail, dont le paiement est mensuel.

Il y a un critère objectif adopté eu égard au but et aux effets de la mesure visée, étant que, vu le caractère annuel du paiement, les erreurs apparaissent moins rapidement et que, par ailleurs, la récupération a un impact moins important sur le budget de l’assuré social.

En conséquence, la cour considère l’appel fondé, estimant que la décision de récupération était légalement justifiée.

Intérêt de la décision

L’article 17 de la Charte dispose en son alinéa 1er que, lorsqu’il est constaté qu’une décision est entachée d’une erreur de droit ou matérielle, l’institution de sécurité sociale en prend d’initiative une nouvelle. Celle-ci produira ses effets à la date à laquelle la décision rectifiée aurait dû prendre effet, et ce sans préjudice des dispositions légales et réglementaires en matière de prescription. Alors que, confrontés à la censure de la Cour constitutionnelle, l’article 120bis des lois relatives aux allocations familiales pour travailleurs salariés, coordonnées le 19 décembre 1939 (remplacé par l’article 35 de la loi-programme du 20 juillet 2006) et l’article 174, alinéa 3, de la loi coordonnée le 14 juillet 1994 relative à l’assurance obligatoire soins de santé et indemnités (inséré par l’article 47 de la loi du 19 décembre 2008) n’avaient pas résisté au contrôle de constitutionnalité, la cour du travail aboutit à une conclusion différente en matière de pécule de vacances.

Sa conclusion, donnée à partir de la solution dégagée par la Cour constitutionnelle dans son arrêt du 4 mars 2008, est en effet que la question de la récupération de l’indu en matière de vacances annuelles doit être réglée autrement. Dans l’arrêt du 4 mars 2008, la Cour constitutionnelle avait souligné (B.3.4) que le législateur avait choisi d’aligner le délai de prescription ordinaire de l’action en répétition du pécule de vacances sur le délai de prescription de l’action en paiement de celui-ci (pécule de vacances des ouvriers), délai qui, à son tour, avait été aligné sur le délai de prescription des actions intentées par ou contre l’O.N.S.S.

La Cour constitutionnelle avait retenu que le choix du législateur n’était pas dénué de justification raisonnable. En outre, elle avait considéré que ce choix ne pouvait être réputé avoir des effets disproportionnés pour les intéressés dès lors que le délai était nettement plus court que celui qui résulterait de l’application du droit commun et que le délai de répétition ordinaire du pécule de vacances. La circonstance que le pécule n’est, contrairement à d’autres prestations sociales, versé qu’une fois par an et que les erreurs en la matière apparaissent moins rapidement que dans le cas du paiement d’autres prestations sociales, justifiait également ce choix.


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