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Une note de commentaire d’un récent arrêt de la Cour de cassation en matière de procédure judiciaire

Commentaire de Cass., 13 novembre 2017 (3e ch.), n° S.17.0028.F

Mis en ligne le lundi 15 janvier 2018


Cour de cassation, 13 novembre 2017 (3e ch.), n° S.17.0028.F

Terra Laboris

La Cour de cassation tranche la question de la date à prendre en considération pour vérifier si une requête introductive d’instance envoyée par lettre recommandée au tribunal du travail dans un cas permis par la loi a interrompu la prescription annale.

Mme C, employée contractuelle de la ville de Tournai, a été licenciée le 14 octobre 2010 moyennant le paiement d’une indemnité compensatoire de préavis. Elle a, dans le délai d’un an après la cessation du contrat, introduit une requête dans laquelle elle ne postule pas une condamnation de sommes mais invoque être victime d’un licenciement abusif et indique souhaiter une éventuelle réintégration dans un autre poste. Le 14 octobre 2011, elle introduit une nouvelle demande tendant à voir condamner la Ville au paiement d’une indemnité complémentaire de préavis et d’une indemnité pour licenciement abusif. Cette requête est introduite, d’une part, par une télécopie reçue au greffe le même jour mais après sa fermeture et, d’autre part, par une lettre recommandée envoyée le même jour et reçue au greffe le lundi 17.

Deux questions de recevabilité sont ainsi soulevées devant les juridictions du travail de Mons : le terme du délai de prescription est-il constitué par l’envoi de la requête par courrier recommandé ou par la réception de celui-ci au greffe et, si la deuxième solution est retenue, la demande nouvelle était-elle virtuellement comprise dans la première demande ?

Le Tribunal du travail de Mons et de Charleroi, par un jugement du 26 janvier 2015, puis la Cour du travail de Mons dans un arrêt du 6 juin 2016, y ont répondu négativement.

Seule la première question a été soumise à la censure de la Cour de cassation.

La décision de la Cour de cassation

Celle-ci casse l’arrêt attaqué. Elle relève que l’article 704, § 1er, du Code judiciaire dispose qu’en règle, les demandes principales peuvent, devant le tribunal du travail, être introduites par une requête contradictoire conforme aux articles 1034bis à 1034sexies de ce code et que, selon son article 1034quinquies, al. 1er, la requête est envoyée par lettre recommandée au greffier de la juridiction ou déposée au greffe. Il s’en déduit qu’une demande qui peut être introduite par requête contradictoire est soumise au tribunal du travail soit lorsque la requête est envoyée au greffe par lettre recommandée soit lorsqu’elle y est déposée. Dans la première hypothèse, la date à prendre en considération pour déterminer si la requête a l’effet interruptif de la prescription civile visée à l’article 2244, § 1er, alinéa 1er, du Code civil est celle du dépôt à la poste du pli recommandé.

Intérêt de la décision

La doctrine majoritaire était en ce sens mais l’arrêt commenté a le mérite de confirmer explicitement cette solution qui n’était pas unanimement admise. Ainsi, H. BOULARBAH soutient que l’effet interruptif de la prescription qui s’attache à la requête contradictoire se produit à la date de sa réception au greffe si elle y est expédiée par la poste (« L’introduction de l’instance », in Droit judiciaire. Tome 2, Manuel de procédure civile, Dir. G. de Leval, Larcier, Coll. Fac. dr. Liège, 2015, p.341, n° 3.86 et note 1384).

Il est essentiel de préciser que la solution s’applique lorsque la loi prévoit que le dépôt au greffe et l’envoi recommandé sont deux modalités équivalentes d’introduction de la cause par requête. Il en est de même pour la requête d’appel lorsque l’appel peut être formé par lettre recommandée à la poste envoyée au greffe en vertu de l’article 1056, 3°, du Code judiciaire (cf. Cass, 1er décembre 1997, Pas., n° 519). Par contre, lorsqu’en application de l’article 1056, 2°, du même code, la requête doit être déposée au greffe de la juridiction d’appel, l’appelant qui prend le risque de l’expédier par courrier doit savoir que seule la date de réception au greffe de ce pli a les effets prévus par la loi (cf. Cass., 9 octobre 1980, Pas., 1981, p.155).


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