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Accident du travail : notion d’adaptation du domicile en tant que prothèse

Commentaire de Cass., 9 octobre 2017, n° S.15.0133.N

Mis en ligne le mardi 13 février 2018


Cour de cassation, 9 octobre 2017, n° S.15.0133.N

Terra Laboris

Par arrêt du 9 octobre 2017, la Cour de cassation rejette un pourvoi contre un arrêt de la Cour du travail de Gand du 9 octobre 2014, qui avait conclu au caractère non limitatif des adaptations au domicile reprises à l’article 35, alinéa 1er, 4°, de l’arrêté royal du 21 décembre 1971 portant exécution de certaines dispositions de la loi sur les accidents du travail, définissant la notion de prothèse en la matière.

Rétroactes

Un accident du travail, intervenu en août 2009, cause à sa victime un traumatisme à la main droite. Le V.A.P.H. (Vlaams Agentschap voor Personen met een Handicap – Agence flamande pour les personnes handicapées) intervient dans le coût d’un mécanisme d’ouverture automatique pour sa porte de garage (environ 800 euros). Cet organisme introduit un recours (en sa qualité de subrogé dans les droits de la victime) contre l’assureur, demandant sa condamnation au paiement de ce montant, à majorer des intérêts.

Le Tribunal du travail de Courtrai rend un jugement le 16 octobre 2013 le déboutant de celui-ci, au motif que les aménagements au domicile d’une victime d’un accident du travail peuvent, en tant que prothèses, consister uniquement en un ascenseur d’escaliers et en un mono-lift.

Appel est interjeté devant la Cour du travail de Gand, qui fait droit à la demande. L’arrêt de la cour du travail rappelle l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 22 juin 2009 (Cass., 22 juin 2009, S.08.0139.N), qui a statué à propos d’une adaptation à une salle de bain et a défini les appareils de prothèse et d’orthopédie comme les moyens d’assistance artificielle dont une personne valide n’a pas besoin et qui, à la suite d’un accident du travail, sont nécessaires pour soutenir ou remplacer des parties du corps déficientes ou affaiblies pour en favoriser l’usage ou les fonctions.

La Cour considère qu’est en cause la question de savoir si l’énumération donnée à l’article 35, § 1er, 4°, de l’arrêté royal est une liste limitative, en ce sens qu’elle ne peut viser comme adaptations au domicile qu’un ascenseur d’escaliers et un mono-lift. La Cour relève que le pouvoir donné au Roi en vertu de l’article 28 de la loi ne permet pas de conclure qu’il s’est agi d’une telle liste limitative et elle conclut que l’ouverture automatique de la porte de garage est un tel moyen d’assistance et qu’il a été rendu nécessaire du fait de l’accident pour soutenir ou remplacer des parties du corps déficientes ou affaiblies.

L’assureur se pourvoit en cassation.

Le moyen du pourvoi

Le pourvoi est articulé en un seul moyen tiré de l’article 28 de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail et de l’article 35 de l’arrêté royal du 21 décembre 1971 portant exécution de certaines dispositions de la loi du 10 avril 1971, essentiellement en son alinéa 1er, 4° (relatif aux adaptations de l’habitation). Est également visé l’article 14, § 4, du Décret du Parlement flamand du 7 mai 2004 portant création de l’Agence autonomisée interne dotée de la personnalité juridique « Vlaams Agentschap voor Personen met een Handicap ».

L’article 28 de la loi prévoit que la victime a droit aux soins médicaux, chirurgicaux, pharmaceutiques et hospitaliers, et, dans les conditions fixées par le Roi, aux appareils de prothèse et d’orthopédie nécessités par l’accident. L’article 35 de l’arrêté royal énumère les appareils de prothèse ou d’orthopédie, étant qu’il s’agit (1°) de la prothèse proprement dite ou de l’appareil orthopédique proprement dit, (2°) de tous les accessoires fonctionnels, (3°) de l’appareil de réserve, en fonction de la nature des lésions, et (4°) des adaptations de l’habitation suivantes : l’ascenseur d’escaliers et le mono-lift (modification introduite par l’arrêté royal du 5 juin 2007).

Le pourvoi renvoie non seulement à l’arrêt de la Cour de cassation du 22 juin 2009, mais également à un précédent, du 15 octobre 1990 (Cass., 15 octobre 1990 n° 7.189). Le pourvoi considère que le texte de l’article 34, alinéa 1er, 4°, est conforme au pouvoir qui lui a été conféré par les articles 105 et 108 de la Constitution et que la portée de l’article 28 de la loi n’a pas été modifiée. Dans la mesure où l’ouverture automatique de garage ne fait pas partie des appareils visés à l’article 28, elle ne peut être considérée comme prothèse répondant à la définition légale. Le grief considère également que, même s’il n’est pas expressément fait référence à une énumération limitative (« enkel »), ceci ne peut faire échec au caractère limitatif de l’énumération.

La décision de la Cour

La Cour rend un bref arrêt, dans lequel elle reprend en premier lieu les dispositions ci-dessus. Elle rappelle la définition des appareils de prothèse et orthopédiques, étant qu’il s’agit des moyens d’assistance artificielle dont une personne valide n’a pas besoin et qui, à la suite d’un accident du travail, sont nécessaires pour soutenir ou remplacer les parties du corps déficientes ou affaiblies ou pour en favoriser l’usage ou les fonctions. Tel peut être le cas dans certaines hypothèses des aménagements au domicile, étant qu’ils peuvent s’avérer nécessaires pour soutenir ou remplacer des parties du corps déficientes ou affaiblies.

La Cour précise qu’il ne résulte pas de l’évolution législative que le législateur ait conféré au Roi le pouvoir de fixer limitativement les appareils ou prothèses nécessaires, mais qu’il l’a par contre chargé de préciser les conditions d’octroi. L’article 35 ne peut dès lors être vu comme une liste limitative des aménagements au domicile qui peuvent être admis à ce titre.

Elle rejette dès lors le moyen.

Intérêt de la décision

S’il est exact que l’article 35 de la l’arrêté royal est clair, en ce sens qu’il précise en son 4° deux seuls types d’adaptation de l’habitation, rien ne justifie, sur le plan de la réparation, que cette liste soit limitative. L’arrêté royal du 5 juin 2007 portant des dispositions diverses en matière d’accident du travail est d’ailleurs à l’origine de la disposition en cause, étant qu’il a inséré dans l’article 35 le 4° en cause (« les adaptations de l’habitation suivante : - l’ascenseur d’escaliers ; - le mono-lift ; »), mais nulle précision n’est donnée quant au fait que cette liste constituerait les seuls adaptations admissibles. Il s’est agi de deux adaptations introduites par un texte à l’époque, sans plus.

La Cour de cassation rappelle par ailleurs qu’il ne ressort d’aucun texte que le Roi aurait reçu pour mission de fixer limitativement les adaptations en cause.

L’arrêt rendu par la cour du travail avait judicieusement rappelé la définition légale des prothèses et rien ne s’oppose, en conséquence de celle-ci à ce que le juge alloue de tels moyens d’assistance dès lors qu’ils permettent de soutenir ou remplacer des parties du corps déficientes ou affaiblies.


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