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Associé actif d’une SPRL : critères pour la (non) requalification du contrat d’indépendant

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 28 juin 2017, R.G. 2016/AB/130

Mis en ligne le vendredi 23 février 2018


Cour du travail de Bruxelles, 28 juin 2017, R.G. 2016/AB/130

Terra Laboris

Dans un arrêt du 28 juin 2017, la Cour du travail de Bruxelles reprend les principes en matière de lien de subordination, appliquant ceux-ci à la situation d’un travailleur étranger, venu s’installer en Belgique, qui a acheté des parts d’une société dans laquelle il a presté et eu la qualité d’associé actif.

Les faits

Le gérant d’une société spécialisée dans des travaux de stucage et de finition de peinture cède 10% des parts à un ouvrier, qui souhaitait quitter la société pour entreprendre une activité concurrente. L’intéressé accepte de poursuivre les relations professionnelles. Son fils acquiert 37 parts de la société et y travaille. Cinq ans plus tard, en 2007, un contrôle est effectué par différents services d’inspection sur un chantier. Il apparaît que plusieurs travailleurs (de nationalité polonaise) sont occupés, dont le fils. Deux autres, en séjour illégal et sans autorisation d’occupation, sont expulsés.

Le troisième (le fils) expose qu’il a le statut d’associé actif et fait une déclaration dans laquelle il précise qu’il voulait travailler légalement en Belgique et qu’il a ainsi pu s’installer, lorsque ce statut lui a été accordé.

En ce qui concerne les deux travailleurs irrégulièrement occupés, la société procède à la régularisation. Cependant, pour le troisième, elle refuse le statut de salarié, au motif qu’il est associé actif.

Pour l’inspection sociale, il y a, cependant, contrat de travail, celle-ci retenant l’infraction continuée. L’O.N.S.S. demande le paiement des cotisations. Celles-ci sont payées sous toutes réserves pour les deux travailleurs en séjour illégal. Elle refuse cependant la régularisation du troisième.

L’O.N.S.S. décide, finalement, de l’assujettissement d’office.

Une procédure est introduite à l’initiative de la société, en contestation de cette décision. Dans le cadre de celle-ci, l’O.N.S.S. introduit une demande reconventionnelle en paiement des cotisations, majorations et intérêts.

Le tribunal du travail de Bruxelles déboute la société de sa demande et suit la position de l’O.N.S.S., faisant droit à sa demande reconventionnelle.

Appel est interjeté. Dans le cadre de celui-ci, la société persiste à considérer que l’intéressé avait le statut d’associé actif et qu’il ne devait pas, par conséquent, être assujetti au régime général de la sécurité sociale des travailleurs salariés. Elle demande à prouver certains faits cotés, relatifs à la gestion des chantiers, au fait que l’intéressé était au courant de ses prérogatives, qu’il avait un pouvoir de décision au sein de l’entreprise et, notamment, qu’il participait aux assemblées générales.

La décision de la cour

La cour examine l’existence du lien de subordination en l’espèce. Après un bref rappel des principes, dans lequel elle renvoie aux nombreux arrêts de la Cour de cassation, elle souligne que la possibilité de l’exercice de l’autorité suffit et qu’il n’est pas exigé que celle-ci soit effective.

Reprenant l’apport de la loi-programme du 27 décembre 2006 (avant sa modification par la loi du 25 août 2012), la cour examine si les conditions de la prestation de travail étaient incompatibles avec la qualification d’un travail indépendant. Deux arrêts reviennent, rendus par la Cour suprême les 23 décembre 2002 (Cass., 23 décembre 2002, n° S.01.0169.F) et 8 décembre 2003 (Cass., 8 décembre 2003, J.T.T., 2004, p. 122), étant que, d’une part, le fait que le commettant fixe les prix, l’absence d’indice d’une quelconque autonomie de gestion ou de propriété d’un fonds de commerce (les locaux, l’outillage et les matériaux étant fournis par le commettant), l’absence de prise en charge de risques économico-financiers, et, d’autre part, le fait que le collaborateur était intégré dans une organisation collective de travail, qu’il n’ait accepté le statut d’indépendant que pour pouvoir accéder à un emploi, sont des critères indifférents, n’étant pas incompatibles avec un contrat d’entreprise. La loi du 27 décembre 2006 a, ultérieurement, énoncé les critères généraux à retenir, étant la volonté des parties telle qu’exprimée dans la convention, la liberté d’organisation du temps de travail, la liberté d’organisation du travail lui-même et la possibilité d’exercer un contrôle hiérarchique.

Après ce rappel des principes, la cour relève que c’est l’O.N.S.S. qui a la charge de la preuve et que la situation des trois travailleurs n’est pas identique. Celui dont le cas est examiné est en effet venu en Belgique au moment où son père venait de conclure une convention d’association avec la société et n’ignorait dès lors pas le statut qui serait le sien. L’acquisition des parts sociales a été réelle et effective. De même, la participation de l’intéressé à de nombreuses assemblées générales. Enfin, il a, ultérieurement, revendu lesdites parts, en faisant un bénéfice non négligeable, et ce vu qu’il avait envisagé d’entreprendre une activité indépendante.

Il y a en l’espèce statut d’associé actif et aucun élément au dossier ne vient établir que les conditions de prestation n’étaient pas compatibles avec celui-ci. La cour attache une attention particulière à un point délicat, étant que les cotisations sociales ont été payées par la société et non par l’associé. Elle expose que ceci s’explique en l’occurrence eu égard à l’article 15 de l’arrêté royal n° 38, soulignant qu’il est fréquent que les personnes morales effectuent le paiement des cotisations sociales pour compte de leurs associés actifs, et ce eu égard à la règle de solidarité.

Elle donne, enfin, la définition de l’associé actif, étant que c’est celui qui, en dehors d’un lien de subordination, exerce des activités au sein de la société en vue d’y faire fructifier son investissement. Les activités de celui-ci ne doivent pas être d’ordre administratif ou juridique, ou constituer des actes de gestion engageant la société à l’égard des tiers. Le fait, par conséquent, que l’intéressé n’avait pas la signature, qu’il ne prospectait pas la clientèle et qu’il ne s’occupait que d’activités rentrant dans l’objet principal de la société, est sans incidence.

Surabondamment, la cour relève que l’O.N.S.S. n’a pas envisagé de requalifier le statut des autres associés actifs de la société, ceux-ci travaillant, pourtant, dans les mêmes conditions que celles examinées dans l’espèce tranchée.

Intérêt de la décision

Dans cet arrêt, les éléments de fait convergent grandement pour conclure que la réalité du statut choisi par les parties est conforme aux conditions d’exécution de la convention.

La cour examine deux niveaux d’activité concernant l’associé actif, étant d’une part son activité de travail, qui entrait dans le cadre de l’objet social (stucage et peinture) et, d’autre part, son activité en tant qu’associé de la société, dans laquelle il était amené à participer aux assemblées générales et, en conséquence, aux décisions de gestion.

La cour relève aussi le nombre de parts cédées au travailleur, ainsi que le bénéfice fait par ce dernier lors de la revente de ses parts. Il n’y a en l’espèce aucun élément permettant de retenir le caractère fictif du choix opéré.


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