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Allocations d’insertion et évaluation de la recherche active d’emploi

Commentaire de Trib. trav. Liège (div. Huy), 1er décembre 2017, R.G. 17/131/A

Mis en ligne le jeudi 15 mars 2018


Tribunal du travail de Liège, division Huy, 1er décembre 2017, R.G. 17/131/A

Terra Laboris

Dans un jugement du 1er décembre 2017, le Tribunal du travail de Liège (division Huy) reprend la jurisprudence de la Cour de cassation sur la question du contrôle de la recherche active d’emploi, rappelant que le juge a un pouvoir de substitution à l’administration, s’agissant d’un contrôle de pleine juridiction.

Les faits

Une assurée sociale d’une quarantaine d’années débute sa carrière professionnelle en 1992. Elle est admise aux allocations de chômage huit ans plus tard. Sa carrière professionnelle la voit évoluer, dans le secteur de la coiffure, comme apprentie, coiffeuse et gérante.

En 2014, elle envisage de se réorienter aux fins d’enseigner la coiffure et, pour ce, suit des cours du soir, s’occupant parallèlement de son enfant en bas âge.

Elle bénéficie des allocations d’insertion et fait l’objet d’un premier entretien d’évaluation en 2016. Ce premier entretien donne lieu à un avertissement, étant négatif. La motivation est que l’intéressée n’a effectué aucune démarche de recherche d’emploi pendant la période évaluée. Le deuxième entretien intervient en janvier 2017 et se clôture par une décision négative, intervenant suite à l’examen du dossier, effectué sur la base de l’analyse de documents après l’entretien lui-même. Le troisième entretien intervient en juin 2017 et donne lieu à un courrier circonstancié, concluant à une évaluation positive.

L’intéressée a introduit un recours contre la décision intervenue suite au deuxième entretien.

Elle expose non seulement être en possession d’un volumineux dossier de recherche d’emploi (qu’elle produit), mais également qu’elle a entrepris, depuis la naissance de son enfant, de se former afin de devenir professeure de coiffure, ayant réussi sa première année avec 78% et ayant également pris la décision de consacrer du temps à son enfant.

La décision du tribunal

Le tribunal examine en premier lieu l’étendue du contrôle judiciaire. Il rappelle la doctrine de Mireille DELANGE (M. DELANGE, Les pouvoirs du juge dans le droit de la sécurité sociale, « Questions de droit social », septembre 2002, C.U.P., vol. 56, p. 105), selon qui, s’agissant de l’exercice d’un contrôle de pleine juridiction, le tribunal doit se substituer à l’administration pour se prononcer sur l’évaluation positive ou non du comportement de recherche d’emploi et sur le maintien ou non de la sanction administrative infligée. Par ailleurs, dans son arrêt du 17 décembre 2001 (Cass., 17 décembre 2001, n° S.00.0012.F), la Cour de cassation a jugé que, en vertu de l’article 580, 2°, du Code judiciaire, le tribunal du travail, saisi d’une contestation relative aux droits et obligations des travailleurs salariés résultant de la législation en matière de chômage, exerce un contrôle de pleine juridiction sur la décision prise par le directeur. Tout ce qui relève de l’appréciation de celui-ci est dès lors soumis au contrôle de juge. Toutefois, lorsqu’il annule la décision infligeant la sanction administrative, il épuise son pouvoir de juridiction. Il ne peut se substituer à l’administration pour prononcer une nouvelle sanction, et ce en vertu du principe de la séparation des pouvoirs. Dans la mesure où le chômeur satisfait à toutes les autres conditions légales pour avoir droit aux allocations, il doit le rétablir dans les droits dont la sanction annulée avait pour effet de le priver.

Le tribunal souligne que la Cour de cassation a encore rappelé le pouvoir de pleine juridiction des tribunaux du travail sur les décisions du directeur de l’ONEm dans un arrêt du 10 mai 2004 (Cass., 10 mai 2004, n° S.02.0076.F).

En l’espèce, exerçant cette compétence de pleine juridiction, le tribunal entreprend d’apprécier les éléments du dossier eu égard à l’existence d’un important dossier de pièces confirmant les recherches d’emploi effectuées. Il tient également compte de la carrière professionnelle ainsi que, vu « divers aléas », le projet formé par l’intéressée de réorienter sa carrière professionnelle, projet faisant l’objet de mesures concrètes (cours du soir suivis depuis plusieurs années, dans le cadre d’un programme comprenant des stages et des travaux de fond). L’évaluation négative pose question pour le tribunal et celui-ci relève à diverses reprises que l’évaluateur a gardé l’anonymat.

La conclusion du tribunal est dès lors que la deuxième évaluation devait être positive, comme l’a été la troisième. Il fait dès lors droit au recours et met à néant la décision attaquée.

Intérêt de la décision

Ce jugement rappelle une donnée importante de la procédure de suivi de la recherche active d’emploi, étant que le tribunal a un pouvoir de pleine juridiction dans l’appréciation globale des efforts fournis.

L’on peut citer sur la même question l’intérêt d’un arrêt de la Cour du travail de Bruxelles du 21 mars 2012 (R.G. 2010/AB/1.078), qui avait conclu dans le même sens. La cour avait renvoyé à un arrêt de la Cour de cassation du 23 mai 2011 (Cass., 23 mai 2011, n° S.10.0087.F) rendu à propos d’une sanction d’exclusion prise pour non-respect d’un contrat d’activation. La Cour suprême y avait confirmé le principe selon lequel le tribunal contrôle la légalité de la décision d’exclusion et statue sur les droits du chômeur dont il est exclu. Pour la cour du travail, ceci signifie que le tribunal peut faire tout ce que le directeur du bureau régional (ou le facilitateur à qui il confie son pouvoir de décision) aurait pu faire.

La cour avait également renvoyé ici au « vade-mecum à l’usage des facilitateurs », qui permet au facilitateur de prendre en compte les éventuelles actions réalisées par le chômeur mais qui n’étaient pas prévues par le contrat et d’avoir ainsi égard au fait qu’une action non prévue compense la non-réalisation complète d’une action prévue par le contrat, ou encore le fait que les démarches effectuées au service de l’emploi ont conduit le chômeur à ne pas respecter strictement son contrat.


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