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Conséquence d’un manquement en matière de déclaration immédiate de l’emploi

Commentaire de C. trav. Mons, 26 octobre 2017, R.G. 2016/AM/420

Mis en ligne le vendredi 30 mars 2018


Cour du travail de Mons, 26 octobre 2017, R.G. 2016/AM/420

Terra Laboris

Par arrêt du 26 octobre 2017, la Cour du travail de Mons rappelle que la cotisation spéciale de solidarité est une sanction civile et que les conditions de débition de celle-ci sont distinctes des règles fixées à l’article 181 du Code pénal social, qui prévoit la sanction pénale correspondante.

Les faits

Lors d’un contrôle de l’Inspection sociale de l’O.N.S.S. dans un magasin de fleurs, il apparaît que deux personnes y sont occupées. La gérante expose qu’elle est indépendante complémentaire, bénéficiant d’une pension de l’O.N.P. Elle précise qu’une des deux personnes est un jeune homme à qui elle a demandé un coup de main de temps en temps, celui-ci venant aider afin de sortir les chars de fleurs sur le trottoir, et ce depuis quelques jours à raison de deux fois une demi-heure par jour. L’autre personne est la fille de la gérante, bénéficiaire de prestations sociales, et qui est venue l’aider. L’intéressée s’engage à déclarer cette journée pour sa fille, ainsi qu’à souscrire une assurance contre les accidents du travail.

Réentendue plus tard, l’intéressée expose avoir engagé l’ouvrier à temps partiel ainsi qu’une ouvrière. Il appert cependant qu’aucune déclaration d’entrée n’a été faite pour sa fille, de telle sorte qu’un procès-verbal de constatation d’infraction est dressé.

Une procédure est initiée par l’O.N.S.S., en paiement de la cotisation de solidarité (majorée), ainsi que des intérêts.

Le Tribunal du travail du Hainaut (division Charleroi) fait droit à la demande de l’Office.

Appel est interjeté eu égard au fait qu’il n’y aurait pas de contrat de travail entre la gérante et sa fille et que, en conséquence, la cotisation de solidarité n’est pas due. L’appelante estime n’être redevable que de la cotisation relative à l’occupation de l’ouvrier, et ce sur la base d’un temps partiel, conformément au contrat d’engagement qui a été souscrit plus tard.

La décision de la cour

La cour rappelle le siège de la matière, étant l’arrêté royal du 5 novembre 2002 instaurant une déclaration immédiate à l’emploi. Celui-ci a été pris en exécution de la loi du 26 juillet 1996 portant modernisation de la sécurité sociale et assurant la viabilité des régimes légaux des pensions. Il impose en son article 4 la communication de toute une série de données à l’O.N.S.S. relatives à l’identification du travailleur engagé, celles-ci devant, en application de l’article 8, être transmises au plus tard au moment où le travailleur débute ses prestations.

La sanction en cas de non-respect est l’imposition d’une cotisation de solidarité forfaitaire. Celle-ci correspond au triple des cotisations de base calculées sur le R.M.M.M.G. fixé par la convention collective de travail n° 43 portant modification et coordination des conventions collectives de travail n° 21 et 23.

Le minimum est de 2.500 euros et ce montant est indexé (indice septembre 2008). La loi prévoit cependant qu’en cas d’impossibilité pour le travailleur d’effectuer des prestations à temps plein (impossibilité matérielle), l’employeur est tenu de fournir les éléments permettant d’établir l’importance des prestations, aux fins de réduire la cotisation de manière correspondante.

En application de ces principes, la cour constate que, pour l’ouvrier, la déclaration d’entrée a été tardive et qu’elle pourrait être réduite à concurrence d’un temps partiel si l’appelante prouvait l’impossibilité matérielle pour lui d’effectuer des prestations de travail à temps plein. A défaut de ce faire, la cotisation est due sur la base de celui-ci. La gérante n’apporte pas une telle preuve, d’autant que, au moment des faits, le jeune ouvrier avait arrêté temporairement sa scolarité. Vu l’absence d’éléments permettant de suivre la position de la gérante, la cour confirme le jugement pour ce travailleur.

Pour sa fille, cependant, le débat est différent, puisque la gérante déclare qu’elle serait venue « lui rendre visite », et ce avant d’aller chercher son enfant à l’école. Les seuls éléments au dossier sont que la fille a été vue en train de mettre une collerette à un bouquet de fleurs qu’elle emballait. Son audition n’a cependant pas eu lieu et la cour constate que, si le simple fait de faire travailler une personne sous son autorité suffit pour l’application de l’article 181 du Code pénal social, il n’en va pas de même pour ce qui est de la cotisation de solidarité. Celle-ci, qui est une sanction civile, exige que des cotisations de sécurité sociale soient dues pour le travailleur en cause, soit, en d’autres termes, que l’occupation soit conforme aux conditions exigées par la loi du 27 juin 1969, étant que les éléments constitutifs du contrat de travail doivent être prouvés : l’existence d’une rémunération déterminée et déterminable notamment.

Rien de tel n’est établi en l’espèce. La cour retient qu’il s’agit d’une aide apportée à une personne proche de manière isolée et spontanée et en-dehors de toute contrainte. L’O.N.S.S. ne peut, dans une telle situation, considérer qu’il se déduit des faits qu’il y avait engagement d’une ouvrière à temps partiel.

La cour réforme dès lors le jugement sur ce point.

Une réouverture des débats est cependant ordonnée, eu égard à la demande de l’O.N.S.S. d’augmenter la cotisation de solidarité de 10%. La cour demande aux parties de se positionner sur le bien-fondé de celle-ci.

Intérêt de la décision

Cet arrêt rappelle le mécanisme mis en place en cas de manquement à l’obligation de déclaration immédiate à l’emploi, qui gît dans l’arrêté royal du 5 novembre 2002.

La communication à l’O.N.S.S. de toute une série de mentions (sept) est exigée en application de son article 4. Parmi celles-ci, figure la date de l’entrée en service du travailleur. Combinée avec l’obligation figurant dans l’article 8, qui précise que la communication doit intervenir au plus tard au moment où le travailleur débute ses prestations, la vérification du respect par l’employeur de ses obligations est en principe aisée. Quoiqu’il ne soit pas précisé ce qu’il faut entendre par « au plus tard au moment où le travailleur débute ses prestations », il est généralement admis qu’il doit s’agir du premier jour de travail.

L’intérêt de l’arrêt est par ailleurs d’avoir relevé, pour ce qui est de la cotisation de solidarité, que, s’agissant d’une sanction civile, elle n’est exigible que si les cotisations de sécurité sociale sont elles-mêmes dues.

L’article 181 du Code pénal social, relatif à la non-déclaration d’un travailleur à l’autorité, prévoit les sanctions applicables en cas de non-respect de l’obligation de déclaration immédiate de l’emploi. Cette sanction est de niveau 4. L’amende est multipliée par le nombre de travailleurs concernés.

En l’espèce, la cour du travail a fait la distinction entre les conditions dans lesquelles la sanction du Code pénal social peut être appliquée et celles dans lesquelles la cotisation de solidarité est due. Les effets de l’absence de déclaration sont donc tout à fait différents sur le plan pénal et sur le plan civil.


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