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Titulaire d’une attestation d’immatriculation et droit aux prestations familiales garanties : le débat se poursuit

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 19 octobre 2017, R.G. 2016/AB/302

Mis en ligne le vendredi 27 avril 2018


Cour du travail de Bruxelles, 19 octobre 2017, R.G. 2016/AB/302

Terra Laboris

Par arrêt du 19 octobre 2017, la Cour du travail de Bruxelles rend un arrêt admettant qu’un titulaire d’une attestation d’immatriculation peut bénéficier des prestations familiales garanties, l’Office des Etrangers ayant fait valoir que, si ce n’est pas un titre de séjour, il s’agit néanmoins d’un séjour légal sui generis. La jurisprudence sur la question reste partagée.

Les faits

Des citoyens arméniens autorisés au séjour en Belgique sur la base d’une attestation d’immatriculation se voient notifier une décision de FAMIFED le 16 juillet 2014. Ils bénéficient, à l’époque, des prestations familiales garanties, conformément à la loi du 20 juillet 1971 instituant celles-ci.

La décision se réfère à l’article 1er de la loi, selon lequel la personne qui introduit la demande doit être admise ou autorisée à séjourner en Belgique ou à s’y établir. Référence est faite à la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers.

L’attestation d’immatriculation qui est en leur possession ne signifie pas, pour FAMIFED, qu’il y a admission ou autorisation à séjourner sur le territoire.

Le droit doit dès lors être revu et prend fin le 30 juin 2014. Il est cependant susceptible d’être rétabli à l’avenir, en fonction de la décision que prendrait l’Office des Etrangers.

La décision du tribunal

Par jugement du 16 février 2016, la décision de FAMIFED est annulée. Le tribunal considère en substance que l’étranger en possession d’une attestation d’immatriculation est autorisé à séjourner en Belgique au sens de l’article 1er, alinéa 8, de la loi.

Appel est interjeté par FAMIFED.

La décision de la cour

La cour constate qu’elle est saisie de la notion de résidence visée à l’article 1er, alinéas 1er et 8, de la loi du 20 juillet 1971.

L’enfant bénéficiaire des prestations familiales garanties doit en effet être exclusivement ou principalement à la charge d’une personne physique qui réside en Belgique et, si elle est étrangère, elle doit y être admise ou autorisée.

La cour renvoie aux travaux préparatoires, qui visaient à instaurer un régime résiduel dans le secteur, dans la mesure où certains enfants ne pouvaient bénéficier des allocations familiales du fait qu’il n’y avait pas d’attributaire leur ouvrant ce droit dans le régime des salariés ou des indépendants. Il s’imposait dès lors de créer un régime résiduaire.

La question à régler est donc de savoir si la condition est remplie, vu la détention d’une attestation d’immatriculation.

Celle-ci est, comme le rappelle la cour, visée à l’Annexe 4 de l’arrêté royal du 8 octobre 1981, d’exécution de la loi du 15 décembre 1980. Elle atteste, pour la durée de sa validité, de la légalité et de la régularité du séjour.

L’Office des Etrangers a d’ailleurs signalé à l’occasion de ce litige à FAMIFED que l’attestation d’immatriculation n’est pas un titre de séjour mais un document de séjour. En conséquence, son titulaire n’est pas en séjour illégal. Il est valable tant que l’Office ne s’est pas prononcé sur la demande. La personne titulaire de cette attestation est en séjour légal sans pour autant être considérée comme admise ou autorisée au séjour de plus de 3 mois. Pour l’Office des Etrangers, il s’agit d’un séjour légal sui generis.

La cour du travail poursuit, sur la base de cette déclaration de l’Office, que, tant que l’attestation est valable, l’étranger séjourne de manière légale et régulière en Belgique. Rien ne permet d’ailleurs de lier la régularité du séjour à l’acceptation par l’Office des Etrangers de la demande de régularisation. La condition d’autorisation au sens de la loi du 20 juillet 1971 est dès lors remplie et la distinction entre le « document de séjour » et le « titre de séjour » est sans incidence. Il n’y a pas lieu d’avoir égard au caractère précaire ou provisoire du séjour pour décider de sa régularité ou de sa légalité. Par ailleurs, exiger que l’autorisation de séjour soit valable pour une certaine durée (ou une durée minimale) serait contraire à la loi. Il s’agit d’une condition qui n’y figure pas.

La cour considère dès lors que la décision de FAMIFED doit être annulée.

Intérêt de la décision

La condition de séjour est régulièrement débattue, dans le secteur des prestations familiales garanties.

Ainsi, dans un arrêt du 12 janvier 2017 (C. trav. Bruxelles (ch. néerl.), 12 janvier 2017, R.G. 2015/AB/867 – précédemment commenté), la Cour du travail de Bruxelles (autrement composée) avait considéré que les prestations familiales garanties ne peuvent être octroyées aux étrangers qui sont détenteurs d’une seule attestation d’immatriculation et ne sont, dès lors, pas admis ou autorisés au séjour au sens de la loi du 20 juillet 1971.

La cour avait examiné les conditions posées par la loi du 15 décembre 1980, pour l’accès au territoire et le séjour de courte durée, situations dans lesquelles sont exigés un passeport et la preuve de moyens de subsistance suffisants. Elle avait également considéré, sur la base de la jurisprudence du Conseil d’Etat (C.E., 26 novembre 2012, n° 221.518), que le détenteur d’une attestation d’immatriculation ne peut être considéré comme admis ou autorisé à un séjour de plus de 3 mois. Cette attestation ne permet, pour la cour du travail, dans cet arrêt du 12 janvier 2017, qu’une inscription provisoire dans les registres. Elle avait précisé que l’interprétation selon laquelle la délivrance de l’attestation d’immatriculation suffirait pour bénéficier des prestations familiales garanties serait par ailleurs inconciliable avec l’exigence d’une résidence d’une période de 5 ans posée par le même article 1er. Il découlerait également de ce raisonnement que toute personne titulaire d’un droit de séjour de moins de 3 mois pourrait y prétendre.

La cour du travail avait suivi la thèse de FAMIFED, renvoyant également à divers arrêts de la Cour constitutionnelle.

Le commentaire fait dans cet arrêt du 12 janvier 2017 avait relevé que la jurisprudence n’est pas unanime sur la question.

L’arrêt rendu par la cour du travail le 19 octobre 2017 en est une nouvelle preuve et vient, par ailleurs, confirmer la jurisprudence qui avait déjà statué en ce sens dans une décision du 14 août 2017 (C. trav. Bruxelles (ch. fr.), 14 août 2017, R.G. 2016/AB/19 – précédemment commenté).


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