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Obligation de remplacement d’un travailleur licencié dans le cadre de la prépension conventionnelle : sanctions

Commentaire de Trib. trav. Hainaut (div. Tournai), 16 janvier 2018, R.G. 14/950/A et 15/44/A

Mis en ligne le jeudi 31 mai 2018


Tribunal du travail du Hainaut (division Tournai), 16 janvier 2018, R.G. 14/950/A et 15/44/A

Terra Laboris

Dans un jugement rendu le 16 janvier 2018, le Tribunal du travail du Hainaut (division Tournai) examine les conditions de l’arrêté royal du 9 décembre 1992 relatif à l’octroi d’allocations de chômage en cas de prépension conventionnelle, pour ce qui est de l’obligation de remplacement par l’employeur.

Les faits

Une société du secteur de la construction a occupé un travailleur pendant une période de près de 10 ans, en tant que carreleur. La fonction ayant évolué, celle-ci n’est pas précisément définie au moment où, le 1er octobre 2012, il sollicite une prépension, demande à laquelle l’ONEm fait droit après vérification du passé professionnel de l’intéressé. L’employeur a, conformément au régime conventionnel de prépension, engagé un remplaçant immédiatement. Celui-ci a cependant été licencié neuf mois plus tard. Il ne convenait pas, selon motif du C4. Aucun nouvel engagement n’est intervenu. L’employeur a demandé un délai pour ce faire, de même qu’un délai supplémentaire. L’ONEm lui rappelle alors que le remplacement du prépensionné doit être d’une durée de trente-six mois à partir de la date d’entrée en fonction.

De nouvelles vérifications interviendront dans les mois qui suivent et, en fin de compte, l’ONEm prend deux décisions, l’une le 28 avril 2014, réclamant une indemnité compensatoire forfaitaire de plus de 8.000 euros, demande ramenée à 3.800 euros environ vu qu’un remplacement intervient finalement.

Le tribunal est dès lors saisi de deux recours, l’un concernant le montant initialement réclamé et l’autre le montant corrigé.

Position des parties devant le tribunal

La société – demanderesse – fait valoir que la fonction initiale avait disparu au fil du temps. Elle expose avoir effectué les démarches requises pour le remplacement, que celui-ci ne s’est pas avéré possible et qu’elle est dans les conditions pour bénéficier des dispositions de l’article 4, § 2, alinéa 1er, de l’arrêté royal du 7 décembre 1992, à savoir qu’elle apporte de façon objective la preuve qu’il n’y a, parmi la catégorie des chômeurs complets indemnisés ou des personnes y assimilées, aucun remplaçant disponible du même niveau que la fonction exercée par le travailleur en cause, ou du niveau d’une autre fonction qui se serait libérée suite à ce licenciement.

Elle fait également valoir que son entreprise a besoin de travailleurs avec une compétence spécifique et que l’aide pour un recrutement a été infructueusement demandée au FOREm.

Pour l’ONEm, au contraire, les conditions pour l’octroi de la dispense ne sont pas remplies et la société n’a jamais introduit une telle demande auprès du directeur du bureau de chômage. Enfin, l’ONEm fait valoir que très peu de démarches ont été faites pour trouver le remplaçant en question.

La décision du tribunal

Les règles sont rappelées : l’article 132 de la loi du 1er août 1985 portant des dispositions sociales est repris textuellement dans le jugement, le tribunal soulignant la partie de la disposition qui fait obligation à l’employeur de remplacer le travailleur âgé licencié (dans les conditions prévues par le texte) dès lors qu’il bénéficie d’un chômage avec complément d’entreprise. Les conditions particulières à respecter pour l’obligation de remplacement du travailleur prépensionné sont prévues à l’arrêté royal du 7 décembre 1992 relatif à l’octroi d’allocations de chômage en cas de prépension conventionnelle. Ses articles 4 à 7 sont également repris in extenso, dans la mesure où ils constituent le cœur de la discussion, d’une part imposant des obligations à l’employeur en matière de remplacement et, d’autre part, prévoyant les conditions de l’amende administrative qui peut être infligée.

Le tribunal relève que les dispositions en cause imposent à l’employeur une obligation de remplacement (qui n’est ni une faculté ni un simple engagement contractuel) et que l’ONEm a un pouvoir de vérification sur cette question. Il appartient à l’employeur d’apporter la preuve du remplacement et, s’il manque à son obligation de procéder à celui-ci, il ressort, pour le tribunal, « vu la philosophie générale du régime de prépension conventionnelle », que l’employeur a l’obligation de démontrer qu’il ne peut être tenu pour responsable de l’absence de remplacement.

Sur le plan des faits, la société fait valoir qu’aucun remplaçant n’était disponible, et ce ni dans la catégorie des chômeurs complets indemnisés ni dans celle des personnes y assimilées.

Cependant, aucune demande de dispense n’a été introduite conformément à la réglementation auprès du directeur du bureau de chômage, alors que la société demande à bénéficier de celle-ci devant le tribunal et que les éléments produits sont, sur le plan factuel, peu clairs, notamment la fonction exacte exercée par le travailleur au moment de la rupture.

Le Tribunal fait grief à l’employeur de ne pas apporter la preuve qu’il n’y avait pas de candidats disponibles pour remplacer le travailleur dans sa fonction, constatant que la société ne prouve pas qu’elle se serait trouvée confrontée à un cas de force majeure l’ayant empêchée de remplir son obligation.

Intérêt de la décision

Ce type de litige ne semble pas fréquent, s’agissant de sanctionner l’employeur sur la base des articles 4 et suivants de l’arrêté royal du 7 novembre 1992 relatif à l’octroi d’allocations de chômage en cas de prépension conventionnelle, du fait qu’il n’a pas satisfait à son obligation de recruter un remplaçant. L’arrêté royal fait en effet obligation à celui-ci de remplacer le travailleur licencié avec complément d’entreprise par un chômeur complet indemnisé dont le régime de travail comprend en moyenne le même nombre d’heures de travail par cycle de travail que celui du prépensionné qu’il remplace. L’employeur peut remplacer le prépensionné par un ou deux chômeurs aux fins de remplir les conditions ci-dessus.

Il est expressément prévu dans le texte qu’une dispense à l’obligation de remplacement peut être introduite par l’employeur s’il apporte de façon objective la preuve qu’il n’y a pas de remplaçant disponible du même niveau que la fonction exercée par le travailleur licencié ou du niveau d’une autre fonction qui s’est libérée dans l’entreprise après ce licenciement. L’absence de candidats possibles doit être appréciée non seulement parmi la catégorie des chômeurs complets indemnisés, mais également parmi celle des personnes assimilées à ces derniers.

La demande doit être introduite par lettre recommandée auprès du Ministre de l’Emploi et du Travail. Elle ne peut dès lors être formée devant le juge.

L’on notera également l’exigence de la comparabilité des fonctions, chose dont le contrôle a été apparemment rendu malaisé en l’espèce, vu le flou entretenu par la société quant aux fonctions exactes du travailleur lors de son licenciement.


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