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La suspension du contrat de travail pour cause de force majeure et l’indemnisation par l’Onem : quid de la charge de la preuve ?

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 11 janvier 2007, R.G. 43.164

Mis en ligne le mercredi 26 mars 2008


Cour du travail de Bruxelles, 11 janvier 2007, R.G. 43.164

TERRA LABORIS ASBL – Sophie Remouchamps

La Cour de travail de Bruxelles, dans un arrêt du 11 janvier 2007, rappelle que c’est à l’ONEm, s’il veut refuser les droits aux allocations pour chômage temporaire, d’établir l’absence d’une cause de force majeure ayant justifié la suspension du contrat.

Les faits

Monsieur C. prestait pour une société x, en qualité d’ouvrier dans un restaurant exploité par cette société. Apparemment, les locaux étaient situés dans un bâtiment appartenant à l’administration communale et donné en location à une société tierce.

Cette société tierce est mise en faillite et, dans ce décours, elle est expulsé des locaux où est situé le restaurant tandis que les biens l’équipant sont enlevés.

Suite à cette situation, la société x, employeur de Monsieur C., introduit auprès du bureau de chômage une notification de chômage temporaire pour cause de force majeure. Dans ce cadre, le travailleur introduit 4 formulaires C.3.2. pour les mois d’octobre, novembre, décembre 1996 et janvier 1997. Le travailleur perçoit ainsi des allocations pour chômage temporaire du 1er novembre 1996 au 31 janvier 1997.

L’ONEm informe cependant, début 1997, l’employeur de sa décision de refuser la situation comme cas de force majeure. L’ONEm conteste l’existence d’un événement imprévisible, indépendant de la volonté de la société.

L’ONEm prend par ailleurs une décision vis-à-vis du travailleur, l’excluant du bénéfice des allocations de chômage perçues et ordonnant leur récupération.

Le travailleur introduit un recours à l’encontre de cette décision, recours accueilli par le Tribunal du travail, qui annule en conséquence la décision de l’ONEm. Celui-ci interjette appel du jugement.

La position des parties

Devant la Cour du travail, l’ONEm a fait valoir, quant à l’absence d’une cause de force majeure, le fait qu’une mesure d’expulsion constitue la dernière étape d’une procédure initiée par le propriétaire des locaux, de sorte que l’employeur aurait pu prendre des mesures pour éviter celle-ci.

Le travailleur invoquait quant à lui qu’il appartient à l’ONEm de prouver l’existence de l’indu allégué, et donc d’établir l’inexactitude du motif de mise en chômage temporaire.

La décision de la cour

La Cour rappelle que, lorsque l’employeur suspend le contrat de travail pour cause de force majeure, il lui appartient d’établir la cause invoquée. Il faut ainsi établir l’existence d’un obstacle insurmontable à la poursuite de l’exécution du contrat, relevant d’une cause imprévisible et indépendante de sa volonté. Si l’événement de force majeure ne rend que momentanément impossible la poursuite de l’exécution du contrat, celui-ci est suspendu. Par contre, s’il rend définitivement impossible cette poursuite, l’événement de force majeure rompt le contrat. La Cour rappelle également, selon le prescrit de l’article 26 de la loi du 3 juillet 1978 sur les contrats de travail, que la faillite de l’employeur ou la fermeture de l’entreprise ne constituent pas des événements de force majeure mettant fin au contrat.

Quant à la charge de la preuve, dans les relations travailleurs/ONEm, la Cour estime que c’est à l’ONEm d’établir l’inexistence de la cause de force majeure invoquée par l’employeur pour suspendre le contrat. Ce n’est que si l’ONEm établit l’irrégularité de la suspension que les allocations perçues devraient être répétées par le travailleur.

Examinant les éléments du dossier, dont elle regrette le caractère parcellaire, la Cour estime que l’événement de force majeure est l’expulsion des lieux suite à la faillite de l’exploitant d’une société tierce ayant son siège à l’adresse du restaurant, de sorte qu’il s’agit d’un événement indépendant de la volonté de l’employeur, sur lequel celui-ci n’a pas de prise.

Concernant le caractère temporaire de l’impossibilité créée par l’événement, la Cour estime qu’il n’était pas établi, au moment de la notification au bureau de chômage des suspensions de contrat, qu’une cessation définitive était prévisible. L’événement a donc suspendu l’exécution du contrat et ne l’a ainsi pas rompu (quoique l’employeur sera ultérieurement déclaré en faillite).

En définitive, la Cour estime que l’ONEm échoue à prouver que l’événement invoqué par l’employeur n’est pas constitutif de force majeure. C’est par ailleurs à lui de supporter les incertitudes liées au caractère incomplet des informations disponibles sur les circonstances de l’expulsion et les liens juridiques entretenus entre l’employeur, l’exploitant des lieux et le propriétaire de ceux-ci.

Intérêt de la décision

L’intérêt de la décision réside principalement dans le rappel des règles de la charge de la preuve en cas de constatation par l’ONEm de la régularité de la suspension du contrat de travail pour cause de force majeure : c’est à lui d’établir l’inexistence d’une cause de force majeure.

Ceci devrait faciliter les tracas des travailleurs, dont le contrat est suspendu d’autorité par l’employeur, sur la base d’une cause de force majeure. Il faut en effet relever que le travailleur ne dispose pas des moyens d’investigation de l’ONEm et, sauf l’introduction d’une procédure contre l’employeur, n’est pas en possession des éléments lui permettant d’établir ou expliquer l’événement invoqué par son employeur.


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