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Aggravation des séquelles d’un accident du travail après l’expiration du délai de revision : les règles à suivre

Commentaire de Cass., 18 juin 2018, n° S.17.0080.N

Mis en ligne le mardi 11 décembre 2018


Cour de cassation, 18 juin 2018, n° S.17.0080.N

Terra Laboris

Dans un arrêt important du 18 juin 2018, la Cour de cassation enseigne comment combiner les règles issues de l’article 25 de la loi du 10 avril 1971 et de l’article 9 (alinéa 1er) de l’arrêté royal du 10 décembre 1987 relatif aux allocations accordées dans le cadre de la loi sur les accidents du travail.

Le contexte juridique de l’affaire soumise à la Cour de cassation

La Cour de cassation est saisie d’une question d’aggravation des lésions consécutives à un accident du travail, aggravation survenant après l’expiration du délai de de revision fixé à l’article 72 de la loi.

La question lui posée consiste à savoir si toute indemnité d’incapacité temporaire doit être prise en charge, dans cette période, à supposer que la condition première de l’article 25 de la loi du 10 avril 1971 soit remplie, étant que la victime ait été reclassée.

Cette question concerne la combinaison des règles relatives à la survenance d’une incapacité temporaire dans ce délai ainsi que d’une autre incapacité mais de nature permanente celle-ci, qui serait également apparue.

Les dispositions légales visées

Pour ce qui est de la loi du 10 avril 1971, c’est l’article 25 qui doit être interprété, et particulièrement son alinéa 3. La question implique également d’interpréter et de combiner l’article 9, alinéa 1er de l’arrêté royal du 10 décembre 1987 relatif aux allocations accordées dans le cadre de la loi du 10 avril 1971 sur les accidents du travail (M.B. 6 janvier 1988).

La discussion porte sur les conditions mises par la loi à la réparation d’une aggravation permanente ou d’une aggravation temporaire survenue après l’expiration du délai de revision et, pour ce qui est plus précisément la question posée, de la combinaison des règles, étant de savoir s’il y a lieu à indemnisation de l’incapacité temporaire si une incapcité permanente a également été constatée dans ce délai.

L’arrêt de la Cour de cassation

La Cour procède à l’examen des deux règles : celle contenue dans la loi du 10 avril 1971 et celle fixée par l’arrêté royal du 10 décembre 1987.

L’article 25 de la loi prévoit que si l’incapacité permanente causée par l’accident s’aggrave à un point tel que la victime ne peut plus exercer temporairement la profession dans laquelle elle a été reclassée, elle peut prétendre, pendant cette période, aux indemnités prévues par la loi en cas d’incapacité temporaire, étant les articles 22, 23 et 23bis.

La Cour suprême précise que sont assimilées à cette situation (article 25, alinéa 2) toutes les périodes nécessaires pour revoir ou reprendre toutes les mesures de réadaptation médicale et professionnelle, y compris tous les problèmes posés par les prothèses, lorsque ceux-ci empêchent totalement ou partiellement l’exercice de la profession dans laquelle la victime a été reclassée.

Dans chacune de ces deux hypothèses (incapacité temporaire ou période de réadaptation médicale ou professionnelle), l’aggravation temporaire ne peut, si elle se produit après le délai fixé à l’article 72, c’est-à-dire après l’expiration du délai de revision, être indemnisée que s’il y a une incapacité permanente d’au moins 10%.

Par ailleurs, l’article 9, 1er alinéa de l’arrêté royal du 10 décembre 1987 prévoit que la victime peut bénéficier d’une allocation d’aggravation si son état résultant de l’accident du travail s’aggrave de manière définitive après l’expiration du délai de revision, pour autant que le taux d’incapacité de travail après cette aggravation soit de 10% au moins (alinéa 1er).

En cas d’aggravation temporaire, survenant après l’expiration du délai de revision, il en découle que les indemnités journalières prévues aux articles 22, 23 et 23bis ne sont dues que si l’incapacité permanente était de 10% au moment où l’aggravation temporaire est survenue.

Dans l’hypothèse, en conséquence, où a été constatée une aggravation de l’incapacité permanente après le délai de revision et que celle-ci a donné lieu à l’octroi d’une allocation d’aggravation, dans la mesure où l’aggravation justifiait un taux de 10% ou plus, les indemnités journalières correspondant à une incapacité temporaire qui survient doivent être accordées à partir du moment où il a été admis que l’octroi d’une incapacité permanente de 10% pouvait être décidée, vu l’aggravation du taux d’incapacité permanente après l’expiration du délai de revision.

Intérêt de la décision

Cet arrêt n’échappera pas. A notre sens, il s’agit de la première décision rendue sur la question.

L’indemnisation de l’aggravation de l’incapacité temporaire ou de l’incapacité permanente après l’expiration du délai de revision répond en effet à des règles particulièrement strictes.

L’intérêt de la décision rendue est d’enseigner comment combiner les règles au cas où, à la fois, une aggravation de l’incapacité permanente interviendrait après le délai de revision, ainsi qu’une aggravation de l’incapacité temporaire.

La Cour de cassation fait une conclusion logique et déterminante de l’application des dispositions en cause : dès lors que l’octroi d’une incapacité permanente de 10% pouvait être décidée, vu l’aggravation du taux d’incapacité permanente après l’expiration du délai de revision, les indemnités journalières correspondant à une incapacité temporaire qui survient doivent être accordées à partir de ce moment.


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