Terralaboris asbl

Champ d’application de la commission paritaire n° 124 : un cas d’application

Commentaire de C. trav. Liège (div. Namur), 24 août 2018, R.G. 2017/AN/153

Mis en ligne le lundi 11 février 2019


Cour du travail de Liège (division Namur), 24 août 2018, R.G. 2017/AN/153

Terra Laboris

Par arrêt du 24 août 2018, la Cour du travail de Liège (division Namur) reprend les règles permettant de déterminer la commission paritaire compétente pour une entreprise effectuant des travaux de traitement et de préparation du sol, faisant par là droit à une demande de l’O.N.S.S. de paiement de cotisations sur les rémunérations applicables dans la C.P. n° 124.

Objet du litige

L’O.N.S.S. poursuit la condamnation d’une société à des cotisations de sécurité sociale sur les rémunérations de son personnel ouvrier selon les barèmes de la commission paritaire n° 124, dont elle estime que la société dépend. Celle-ci conteste, estimant qu’elle dépend de la C.P. n° 132.

Les faits

La société, constituée en 1991, fait l’objet d’une notification de la Direction des relations collectives du travail du SPF Emploi en 2010, au motif qu’elle relève de la commission paritaire n° 124. Le dossier fait l’objet d’un nouvel examen à la demande de la société et, à part un correctif relatif à la description des travaux, la décision est confirmée. Ceci a deux reprises. Le SPF maintient, en fin de compte, sa décision, malgré les dénégations de la société.

L’O.N.S.S. notifie, en conséquence, la modification des indices de catégorie.

Suite à une action introduite en référé en 2015, une ordonnance est rendue, disant pour droit que l’O.N.S.S. doit réattribuer provisoirement l’indice correspondant à la commission paritaire n° 132. C’est dans ce contexte que l’action est introduite au fond, par une requête conjointe des parties.

Position des parties devant la cour

La position de l’O.N.S.S.

L’O.N.S.S. plaide qu’il ressort de l’enquête menée que l’activité de construction de la société correspond à 95% de l’emploi et à 96,50% du chiffre d’affaires. Seul un pourcentage minime est affecté à son activité de type agricole. Il y a lieu de prendre en compte l’activité habituelle ou normale de la société et non l’objet social, le code administratif qui lui a été reconnu, la catégorie de travailleurs ou encore le type de matériel employé.

Les travaux effectués sont visés par ceux envisagés par la commission paritaire n° 124 (terrassement, déblais, fondations, consolidation du sol). Il considère que ceux-ci sont effectués dans le cadre de chantiers de construction parfois importants et que les travaux de nature strictement agricole sont sinon inexistants, en tout cas marginaux. Pour ce qui est du travail de préparation des sols, l’O.N.S.S. estime qu’il ne peut s’agir de travaux agricoles, seule étant visée dans la C.P. n° 132 la préparation de terres agricoles ou horticoles.

La position de la société

La société fait valoir qu’elle a, depuis sa constitution, en 1991, été active dans le domaine des cultures (sylviculture, activités forestières) et y a ajouté l’aménagement de vignobles ainsi que des activités de préparation de sites.

Ses ouvriers sont des ouvriers agricoles et son charroi est essentiellement composé d’engins agricoles (tracteurs, engins de labour, etc.). Elle conteste son rattachement à la C.P. n° 124, exposant en outre ne pas disposer de matériel de construction et précise ne pas effectuer de travail d’édification, de transformation, de terrassement, etc., mais uniquement de préparation des sols (épandage).

La décision de la cour

Sur le plan de sa compétence, la cour qualifie l’objet de la demande comme étant la reconnaissance d’une créance de l’O.N.S.S. ou encore du droit subjectif à obtenir le paiement d’une somme d’argent à l’égard de la société. Il s’agit d’une contestation relative à l’obligation de celle-ci de payer des sommes dues en vertu de la législation en matière de sécurité sociale. La compétence des juridictions du travail est fondée sur pied de l’article 580, 1°, C.J.

Après avoir rappelé que l’O.N.S.S. bénéfice du privilège du préalable. La cour fait grief au tribunal d’avoir limité la demande de l’O.N.S.S. à compter de l’introduction de la procédure judiciaire. S’est en effet posée la question de la régularité d’un acte de l’O.N.S.S. eu égard aux exigences de motivation formelle. Pour la cour, le tribunal devait, indépendamment de cette irrégularité éventuelle, examiner la demande pour la totalité de la période envisagée par l’O.N.S.S.

En ce qui concerne l’identification de la commission paritaire, la cour reprend les principes dégagés par la loi du 5 décembre 1968 à cet égard. En règle, une entreprise dépend d’une seule commission paritaire, l’appartenance à deux commissions différentes étant exceptionnelle. En ce qui concerne le ressort d’une commission paritaire, celui-ci est déterminé par l’activité principale de l’entreprise (sauf si un autre critère est dégagé dans l’arrêté d’institution de la commission).

Une première conclusion est dégagée par la cour, étant que l’argumentation de la société relative au matériel, à ses projets futurs, à son objet social, etc., est sans pertinence. Seule compte l’activité exercée.

Elle reprend ensuite le champ d’application de l’arrêté royal du 4 mars 1975, qui a institué la commission paritaire de la construction, étant que celle-ci est compétente pour les travailleurs dont l’occupation est de caractère principalement manuel ainsi que pour leurs employeurs, pour une toute une série de travaux, que la cour liste. Elle reprend la longue énumération de l’article 1er de l’arrêté royal. Elle reprend également, mais en termes plus succincts, le champ d’application de la commission paritaire n° 132 instituée par l’arrêté royal du 17 mars 1972.

Elle constate ensuite que les deux champs de compétence visent des travaux de traitement et de réparation du sol.

L’enquête menée a retenu que les activités de la société (par ordre décroissant d’importance) consistent en stabilisation des sols, terrassement et engazonnement. Examinant les types de travaux, ainsi que le chiffre d’affaires, la cour en déduit que l’activité principale, voire exclusive, gravite autour de travaux de terrassement et de consolidation et que ceci dépend de la commission paritaire de la construction. Elle confirme dès lors l’appartenance à celle-ci et fait également droit à l’appel de l’O.N.S.S., limitant cependant la condamnation prononcée à 1 euro provisionnel.

Intérêt de la décision

Les critères légaux aux fins de déterminer la commission paritaire compétente pour une activité exercée sont en règle, comme le reprend la cour, l’activité principale, étant l’activité réellement exercée.

La cour reprend la jurisprudence de la Cour de cassation, qui, dans divers arrêts, a précisé l’interprétation à donner à l’article 35 de la loi du 5 décembre 1968 et, notamment, un arrêt du 17 février 1992 (Cass., 17 février 1992, n° 7.688), qui a posé le principe que, même s’il n’existe pas de principe général du droit en ce sens, une entreprise ne dépend que d’une seule commission paritaire. L’appartenance à deux commissions pourrait se concevoir de manière exceptionnelle, s’il y a des activités différentes exercées, c’est-à-dire des activités n’ayant aucun lien entre elles, développées dans des locaux différents et éloignés, avec du personnel spécialement affecté à chacune.

L’on relèvera que, parmi les critères retenus par la cour, figurent essentiellement la nature des tâches, ainsi que l’importance du chiffre d’affaires. L’on peut y ajouter le volume du personnel occupé pour les tâches et le chiffre d’affaires considéré. Les autres éléments sont indifférents.


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be