Terralaboris asbl

Travail pour compte d’un tiers : conséquences de l’absence de bonne foi

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 8 février 2007, R.G. 46.048

Mis en ligne le mercredi 26 mars 2008


Cour du travail de Bruxelles, 8 février 2007, R.G. N° 46.048

TERRA LABORIS ASBL – Mireille Jourdan

Dans un arrêt du 8 février 2007, la Cour du travail de Bruxelles a rappelé les conditions requises pour que la bonne foi puisse être retenue dans le chef d’un chômeur qui a perçu des allocations indues. Cette bonne foi doit exister au moment où la demande d’allocations a été introduite et pendant toute la période susceptible de faire l’objet de récupération.

Les faits

Après plusieurs années de chômage partiel, Monsieur X sollicite en novembre 1999 des allocations de chômage complètes. Lors de sa demande d’allocations initiale, il signale que son épouse a un cabinet médical. Dans une déclaration ultérieure, faisant suite à sa demande d’allocations de chômage complètes, il déclare que celle-ci est salariée et qu’il n’a pas d’activité accessoire.

Un an plus tard, il retravaille en qualité d’ouvrier.

L’ONEm est avisé, ultérieurement, par l’I.N.A.S.T.I. que l’intéressé et son épouse ont demandé au Ministère des Finances, pour l’année 2000 de le considérer comme conjoint aidant et, de ce fait, de lui attribuer des revenus forfaitaires de BEF 600.000.

Monsieur X sera réentendu et il s’expliquera sur la teneur de cette lettre adressée au Ministère des Finances, ainsi que sur des constatations du service contrôle, dont il ressortait qu’il avait aidé son épouse, dans le courant de l’année 2000, notamment en nettoyant les fenêtres de son cabinet et en exécutant certaines tâches administratives, ce qui ne correspondait pas à sa déclaration.

L’ONEm prit, ensuite une décision considérant que, vu le défaut de déclaration préalable d’une activité complémentaire, et ce lors de sa demande d’allocations, il ne satisfaisait pas, pour toute l’année 2000, aux conditions d’octroi des allocations.

L’intéressé introduisit un recours devant le tribunal du travail de Bruxelles contre cette décision.

La décision du tribunal

Le premier juge débouta Monsieur X de son recours et confirma la décision administrative en toutes ses dispositions, et ce au motif qu’il ressortait à suffisance des éléments du dossier que qu’il avait exercé une activité pour compte de tiers, celle-ci étant établie par les déclarations de l’intéressé, ainsi que par le courrier adressé au Ministère des Finances. Sur la sanction, le premier juge confirma la période couverte, étant l’exclusion pour toute l’année 2000.
Il retenait également la fraude et, en conséquence, appliquait la prescription de cinq ans et refusait les termes et délais pour le remboursement.
Le tribunal confirmait les autres sanctions d’exclusion ainsi que la transmission du dossier à l’auditeur du travail.
En ce qui concerne le remboursement, il fixa la période à toute l’année 2000.

La position des parties en appel

Monsieur X faisait valoir qu’il n’avait pas travaillé de manière systématique pour son épouse mais qu’il s’agissait de tâches d’ordre ménager, effectuées de manière irrégulière et qui avaient surtout un caractère privé ; quant à la déclaration faite, sur le plan fiscal, il s’agissait d’une initiative de leur conseiller fiscal. Il faisait également valoir sa bonne foi et demandait en conséquence l’application du délai de prescription de trois ans, considérant qu’il n’y avait ni fraude ni mauvaise foi dans son chef.

L’ONEm demandait la confirmation du jugement, faisant essentiellement valoir que Monsieur X avait demandé la qualité de « conjoint aidant » et qu’il exerçait son activité en dehors des conditions réglementaires. Pour l’Office, il y avait incontestablement fraude.

La décision de la cour

La Cour devait statuer dans le cadre des articles 44 et 45 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, qui disposent que pour bénéficier des allocations de chômage, l’intéressé doit être privé de travail et de rémunération pour des raisons indépendantes de sa volonté et que est considéré comme « travail » notamment, l’activité exercée pour soi-même, qui peut être intégrée dans le circuit des échanges économiques de biens et de services et qui n’est pas limitée à la gestion normale de son patrimoine ou encore celle qui est exercée pour compte d’un tiers, dont le travailleur retire soit une rémunération, soit un avantage matériel, susceptible de contribuer à son entretien ou à celui de sa famille.

Pour la Cour, la déclaration faite au Ministère des Finances est importante, et en conséquence, une partie des revenus de l’épouse a été affectée à l’intéressé, ce qui n’est possible que si le conjoint aide réellement le travailleur indépendant. Ceci a été le cas, sur le plan fiscal, pour l’année de revenus 2000 ainsi que 2001. en janvier 2003, après le contrôle de l’ONEm et l’audition de Monsieur X en septembre 2002, le couple a effectué une démarche inverse vis-à-vis du Ministère afin de modifier leur déclaration fiscale.

Par ailleurs, la Cour retient que les déclarations de l’intéressé reflètent également la réalité de cette situation. L’activité exercée par Monsieur X pendant son chômage pour compte de son épouse est une activité pour compte de tiers, dont la Cour retient que l’intéressé a retiré une rémunération ou un avantage matériel qui peuvent contribuer à son entretien ou à celui de sa famille. En conséquence, il y avait obligation de faire la déclaration préalable prévue à l’article 48, § 1er, 1° de l’arrêté royal, et ce lors de la demande d’allocations. En l’absence de cette déclaration, il n’y a pas de droit aux allocations de chômage.
La Cour se penche, alors, sur la question de la prescription pour la récupération des allocations payées indûment. Ce délai, de trois ans, est porté à cinq ans en cas de manœuvres frauduleuses ou de dol.
La Cour considère, toutefois, que l’ONEm n’établit pas les manœuvres frauduleuses dans le chef du chômeur, de telle sorte que les allocations qui ont été payées jusqu’au 31 mars 2000 ne peuvent plus être récupérées.

En ce qui concerne la bonne foi, elle relève par contre que celle-ci doit être établie par le chômeur lui-même. Pour la Cour, la bonne foi implique l’absence d’un manquement quelconque de l’assuré social dans sa relation concrète avec la réglementation en matière de chômage. Le chômeur doit donc établir qu’il est tout à fait étranger aux circonstances qui ont abouti au paiement des allocations indues. En outre, les circonstances susceptibles de constituer la bonne foi doivent exister au moment où les formulaires de demande d’allocations ont été remplis ainsi que pendant toute la période susceptible de faire l’objet d’une récupération.

Il ressort du dossier que le formulaire C1 ne permet pas de retenir la bonne foi, d’autant qu’il mentionne que l’épouse est salariée et que Monsieur X n’exerce pas d’activité accessoire.
Vu l’absence de bonne foi, la Cour considère ne pas devoir admettre les termes et délais sollicités.
Le jugement est dès lors confirmé dans toutes ses dispositions, sauf en ce qui concerne la prescription de la récupération des indemnités perçues indûment, qui est fixée à trois ans au lieu de cinq.

Intérêt de la décision

La Cour du travail fait, dans cet arrêt, un bref mais intéressant rappel de la notion de « bonne foi » en matière de chômage. Elle rappelle en outre les règles relatives à la preuve et les conséquences sur le remboursement des allocations, lorsque, particulièrement comme en l’espèce, il y a absence de bonne foi mais pas de manœuvres frauduleuses.

Rappelons également sur cette problématique que dans un arrêt du 27 février 2006 (S.040142F), la Cour de cassation a considéré que lorsque le chômeur n’est pas en mesure d’apporter une aide appréciable au travailleur indépendant avec lequel il cohabite, son absence de déclaration ne donne pas lieu à exclusion, sanction et récupération.


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