Terralaboris asbl

Mandat d’administrateur de société exercé à titre gratuit et droit aux allocations de chômage

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 24 mai 2007, R.G. 44.901

Mis en ligne le mercredi 26 mars 2008


Cour du travail de Bruxelles, 24 mai 2007, R.G. N° 44.901

TERRA LABORIS ASBL – Sophie Remouchamps

Dans un arrêt du 24 mai 2007, la Cour du travail de Bruxelles a rappelé la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle la qualité d’administrateur d’une société commerciale dans laquelle le chômeur est titulaire de ce mandat même à titre gratuit doit être considéré comme une activité effectuée par le chômeur pour son propre compte.

Les faits

Une salariée acheta des parts sociales dans une S.A. (distincte de la société qui l’employait), opération suite à laquelle elle détenait la très grande majorité de celles-ci. Elle était administrateur de la société.

Elle fut licenciée en janvier 2000 et sollicita le bénéfice d’allocations de chômage à partir du 1er février. Quelques semaines pus tard, elle fut engagée comme barmaid à temps partiel par la société dont elle était administrateur.

Une enquête de l’inspection des lois sociales permit en juillet 2001 de constater des irrégularités dans l’occupation à temps partiel et un Pro Justitia fut transmis à l’ONEm. L’Office convoqua l’intéressée pour avoir omis de déclarer qu’elle était actionnaire principale de la S.A.

Celle-ci fut licenciée une dizaine de jours plus tard moyennant préavis.

Elle fut alors exclue par l’ONEm des allocations de chômage pour la période du 1er février 2000 au 20 octobre 2001, avec en outre demande de récupération des allocations pour la période concernée et exclusion durant sept semaines avec sursis partiel de 4 semaines.

L’ONEm poursuivait ainsi la récupération d’une somme de plus de 10.000 EUR.

L’intéressée introduisit un recours devant le tribunal du travail.

Celui-ci déclara le recours non fondé.

La position des parties devant la Cour

La chômeuse reprochait au premier juge à titre principal d’avoir considéré qu’elle exerçait une activité indépendante au sein de la S.A. et à titre subsidiaire d’avoir d’omis de statuer sur sa demande fondée sur l’article 169, alinéa 2 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 (limites de la récupération en cas de bonne foi).

Pour l’intéressée, les articles 44 et 45 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 ne pouvaient servir de base à la décision car elle avait été privée de travail indépendamment de sa volonté (licenciée) et le fait de détenir des parts sociales ne pouvait être considéré comme un travail au sens de l’article 45.

Elle exposait également que la S.A. n’avait jamais distribué de dividendes, qu’elle-même n’avait jamais été considérée comme indépendante, n’avait jamais cotisé à une caisse d’assurances sociales et que, enfin, sa fonction de présidente du conseil d’administration ne constituait pas en soi un mandat de société.

En ce qui concerne la demande subsidiaire, fondée sur l’article 69, alinéa 2, elle demandait de limiter la récupération aux 150 derniers jours, au motif de bonne foi, vu l’ignorance de la réglementation ainsi que celle d’avoir à déclarer la détention de parts sociales.

L’Office poursuivit quant à lui la thèse qu’il avait défendue devant le tribunal, sur la base des constatations du dossier administratif.

La position de la Cour

La Cour trancha d’abord une question de recevabilité. En effet, l’appel fut introduit tardivement par rapport au délai légal (tel que calculé à partir de la notification du jugement) mais constata une erreur du greffe, qui avait notifié à une adressé précédente, communiquée par voie de conclusions. La Cour constata que la notification d’un jugement faite à l’ancienne adresse d’une partie, lorsqu’il ressort des pièces de procédure que le tribunal a été valablement avisé du changement de domicile, ne fait pas courir le délai d’appel à l’égard de celle-ci. La remise de conclusions au greffe vaut signification en vertu des articles 32 et 746 du Code judiciaire R. Dès lors, par la mention d’une nouvelle adresse dans les conclusions déposées au greffe du tribunal, celui-ci a valablement été avisé du changement de domicile de l’intéressée.

Sur le fond, la Cour constata que, non seulement l’appelante disposait de la majorité des parts sociales, mais en outre qu’elle était également administrateur de la société (et vraisemblablement présidente du conseil d’administration) et que le siège de la société était établi à son domicile. Elle rappela que, pour pouvoir bénéficier des allocations, le chômeur doit être privé de travail et de rémunération par suite de circonstances indépendantes de sa volonté. Et, au sens de la réglementation, est considérée comme travail l’activité effectuée pour son propre compte, qui peut être intégrée dans le courant des échanges économiques dse biens et des services et qui n’est pas limitée à la gestion normale des biens propres.

Selon la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass., 3 janvier 2005, S040091F), même si un mandat d’administrateur est exercé à titre gratuit, il doit être considéré comme une activité exercée par le chômeur pour son propre compte pendant son chômage, qui peut être intégrée dans le courant des échanges économiques de biens et de services et qui n’est pas limitée à la gestion normale des biens propres. Il s’agissait, selon la Cour, d’une activité accessoire. L’absence de cotisations ou l’absence de perception de dividendes est sans incidence.

Poursuivant la lecture de l’arrêté royal du 25 novembre 1991, la Cour rappelle que le chômeur qui exerce à titre accessoire une activité au sens de l’article 45 peut bénéficier d’allocations de chômage pour autant qu’il satisfasse aux trois conditions réglementaires d’avoir au préalable déclaré cette activité lors de la demande d’allocations, d’avoir exercé celle-ci pendant la période pendant laquelle il avait été occupé comme travailleur salarié, et ce pendant au moins les trois mois précédant la demande d’allocations de chômage et enfin d’exercer cette activité principalement entre 18 heures et 7 heures. L’absence de déclaration justifie l’exclusion du bénéfice des allocations de chômage pendant toute la période considérée.

En ce qui concerne la demande de limiter la récupération à 150 jours, au motif de bonne foi, la Cour rappelle que la preuve de la bonne foi incombe au chômeur et qu’il ne suffit pas pour celui-ci d’affirmer qu’il ignorait ses obligations légales pour que la bonne foi soit établie. En l’occurrence elle ne l’est pas.

La Cour va dès lors confirmer la décision administrative.

Enfin, sur la demande de termes et délais, la Cour la rejette au motif qu’elle n’est nullement étayée par des pièces permettant d’établir les revenus de l’intéressée. Elle renvoie dès lors celle-ci vers l’ONEm, afin de négocier avec l’Office l’octroi de facilités de remboursement.

Intérêt de la décision

La décision, rendue en matière d’exercice d’un mandat d’administrateur de société commerciale, a le mérite de rappeler que le mécanisme réglementaire d’assimilation à une activité exercée par le chômeur pour son propre compte vise tant le mandat rémunéré que le mandat exercé à titre gratuit.

Un deuxième point d’intérêt est de rappeler que le chômeur doit prouver sa bonne foi, s’il entend demander la limitation de la récupération aux 150 derniers jours et que cette preuve doit être une preuve certaine et complète. Il ne peut à cet égard se fonder sur des généralités afin de faire excuser son omission.


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