Commentaire de Trib. trav. Hainaut (div. Charleroi), 5 septembre 2018, R.G. 14/2.079/A
Mis en ligne le jeudi 27 juin 2019
Tribunal du travail du Hainaut (division Charleroi), 5 septembre 2018, R.G. 14/2.079/A
Terra Laboris
Dans un jugement du 5 septembre 2018, le Tribunal du travail du Hainaut (division Charleroi) rappelle que les juridictions du travail ne sont pas compétentes pour statuer sur une demande d’indemnisation de journées d’incapacité post-consolidation, la question étant réglée en Communauté française par le Décret du 5 juillet 2000. Il reprend également la distribution des compétences organisée par l’arrêté royal du 24 janvier 1969 entre la Communauté française, le MEDEX et le S.P.S.P.
Les faits
Suite à un accident du travail, une cuisinière d’un institut technique de la Communauté française connaît diverses périodes d’incapacité. L’accident étant reconnu (l’intéressée ayant trébuché sur un saut d’eau qui n’était pas rangé), une procédure est introduite par l’intéressée, celle-ci considérant ne pas pouvoir marquer accord sur la décision du MEDEX. Pour le MEDEX, il y avait consolidation des lésions environ 9 mois plus tard, sans I.P.P., en raison du retour à l’état antérieur.
Suite à la procédure introduite, et le tribunal ayant désigné un expert, les conclusions de celui-ci sont distinctes de celles du MEDEX, étant d’une part que l’incapacité temporaire doit être sensiblement plus longue et, d’autre part, qu’il y a une I.P.P. de 7%.
Position des parties après le dépôt du rapport de l’expert judiciaire
La demanderesse s’en réfère à justice et demande à bénéficier de sa subvention-traitement à concurrence de 100% pour la période qui n’avait pas été admise dans le cadre de l’incapacité temporaire. Elle sollicite également cette subvention-traitement jusqu’à la date de sa mise à la pension, intervenue le 1er janvier 2016, et, à tout le moins, pour une période de 9 semaines, compte tenu de sa mise en disponibilité.
La Communauté française donne les périodes pendant lesquelles l’intéressée a déjà perçu sa subvention-traitement et demande au tribunal de lui donner acte qu’elle s’engage à régulariser la situation administrative et financière de celle-ci pour la période d’I.T.T. Elle considère, pour la rente afférente à l’incapacité permanente, qu’elle n’est pas tenue au paiement de celle-ci, qui est de la compétence du Service des Pensions du Service Public (article 27 de l’arrêté royal du 24 janvier 1969). Elle demande également que lui soit donné acte qu’elle prendra un arrêté ministériel fixant les bases de calcul de la rente d’invalidité, arrêté qui sera transmis pour paiement au S.P.S.P. Pour ce qui est des absences post-consolidation, elle demande au tribunal de se déclarer incompétent et de renvoyer l’affaire devant le Tribunal de première instance du Hainaut (division Charleroi).
La décision du tribunal
S’agissant d’appliquer les règles de l’arrêté royal du 24 janvier 1969 (intervenu en exécution de la loi du 3 juillet 1967), le tribunal du travail rappelle qu’il faut distinguer :
Il en résulte que l’indemnisation des accidents du travail est mise à charge de la Communauté française mais que celle-ci n’est pas débitrice directe des rentes, le débiteur étant l’Etat fédéral. La Communauté française devra cependant prendre certains frais en charge (frais de procédure administrative, frais de déplacement, dépens et indemnisation de l’incapacité temporaire).
Le tribunal fait dès lors droit à la demande de la Communauté française de lui donner acte de ce qu’elle prendra un arrêté ministériel en ce qui concerne la rente.
Il examine ensuite brièvement la question de l’incapacité temporaire, qui doit être couverte par la rémunération et pendant laquelle, en vertu de l’article 32bis de l’arrêté royal, la victime continue à percevoir la totalité de sa rémunération à temps plein si elle a repris ses fonctions à mi-temps, trois-quarts-temps ou quatre-cinquième-temps.
Plus complexe est la question des absences postérieures à la consolidation. Le tribunal renvoie ici à une autre réglementation, étant le Décret du 5 juillet 2000 fixant le régime des congés et de disponibilité pour maladie ou infirmité de certains membres du personnel de l’enseignement, en vertu duquel (articles 7 à 9) les enseignants bénéficient d’un capital congés de maladie leur permettant de bénéficier de la totalité du traitement alors même qu’ils ne peuvent exercer leur fonction vu une maladie ou une infirmité. Une fois la période expirée, il y a mise en disponibilité avec un traitement dégressif, passant de 80 à 60% du dernier traitement. Ces règles ne sont pas applicables en cas d’accident du travail ou de maladie professionnelle. L’intégralité du traitement doit dès lors être assurée.
Le tribunal renvoie à l’arrêt de la Cour de cassation du 14 février 2011 (Cass., 14 février 2011, n° S.09.0105.F), qui a rappelé que l’article 10 du Décret ne prévoit aucune distinction suivant que le congé qu’il concerne est accordé avant ou après la consolidation des lésions. Il n’existe dès lors, pour le tribunal, aucune contradiction à fixer une date de consolidation différente de la date ultime d’absence justifiée par l’accident du travail, le taux d’I.P.P. étant fixé en fonction de la capacité résiduelle de la victime sur le marché du travail et les absences au travail se jugeant par la seule fonction exercée par la victime au moment de l’accident (7e feuillet).
Reste encore sur la question une discussion à propos de la compétence des juridictions du travail et le tribunal reprend ici très longuement une décision du Tribunal d’arrondissement de Liège du 24 janvier 2013 (Trib. arr. Liège, 24 janvier 2013, R.G. 12/69/E), qui a considéré que les deux demandes (indemnisation de l’accident du travail et absences après consolidation) ne sont en aucune manière connexes, puisqu’il n’y a aucun risque de décisions inconciliables si elles sont jugées séparément. Par ailleurs, la question des absences n’est pas une question incidente ou une prétention accessoire à la demande qui relève de la compétence des juridictions du travail, n’étant pas nécessaire pour apprécier la recevabilité ou le fondement de l’action en accident du travail et n’étant pas unie à la prétention première par un lien de dépendance et de subordination.
Le jugement renvoie encore à la jurisprudence de la Cour de cassation dans plusieurs arrêts (dont Cass., 8 mai 2006, n° S.05.0028.F), selon laquelle le tribunal du travail ne connaît pas des contestations qui ne sont pas relatives à l’application de la loi du 3 juillet 1967, mais qui touchent à l’application des dispositions réglant le statut de la victime. Il en résulte, dans l’affaire tranchée par le tribunal d’arrondissement, qu’une demande d’expertise sur le lien causal entre l’accident du travail et les absences postérieures à la date de consolidation n’est pas de la compétence du tribunal du travail.
Le tribunal applique dès lors ces principes au cas d’espèce, se déclarant, sur ce dernier point, incompétent pour connaître de la demande des indemnisations post-consolidation et renvoyant sur ce point la cause au tribunal de première instance.
Intérêt de la décision
Dans ce beau jugement, le Tribunal du travail du Hainaut (division Charleroi) rappelle très clairement les règles de l’arrêté royal du 24 janvier 1969, qui vient appliquer aux membres du personnel du secteur public la loi du 3 juillet 1967.
Il reprend les divers intervenants ainsi que leurs missions respectives. Si le rôle de la Communauté française et du S.P.S.P. est connu, peut-être celui du MEDEX l’est-il moins, en tout cas pour le remboursement des frais médicaux, chirurgicaux, pharmaceutiques et hospitaliers. L’article 25 de l’arrêté royal prévoit en effet qu’ils sont payés par l’administration de l’expertise médicale et sont à charge du Trésor public.
Les compétences du MEDEX dépassent, dès lors, l’examen médical du dossier, celui-ci ayant une réelle compétence d’octroi.
Il doit également intervenir en ce qui concerne les frais de déplacement lorsque ceux-ci sont l’accessoire d’un traitement prescrit par le médecin de la victime.