Terralaboris asbl

La charte de l’assuré social et les intérêts de retard dus sur les indemnités payées par le F.M.P.

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 27 août 2007, R.G. 49.187

Mis en ligne le mercredi 26 mars 2008


Cour du travail de Bruxelles, 27 août 2007, R.G. n° 49.187

TERRA LABORIS ASBL – Sandra CALA

Dans un arrêt du 27 août 2007, la cour du travail de Bruxelles, décide, comme la cour du travail de Liège dans un arrêt du 7 mars 2006, déjà commenté, que les intérêts légaux visés par la charte de l’assuré social sont dus sur les arriérés d’indemnités alloués par une décision judiciaire réformant la décision administrative de rejet.

Les faits

La demande originaire introduite le 5 mars 1998 vise une indemnisation suite au décès provoqué par la maladie professionnelle.

S’en suit une décision de rejet du FMP, qui est contestée devant la juridiction du travail.

Suite à une mesure d’expertise, le tribunal du travail fait droit à la demande et condamne le FMP à liquider les indemnités « échues, augmentées des intérêts et à échoir ».

Sur la base du dispositif du jugement, le FMP estime ne devoir calculer les intérêts qu’à partir de la date de la citation (28 mai 2001).

La veuve introduit alors un appel uniquement sur la question des intérêts.

La position des parties

Aux termes de son appel, l’intéressée postule la condamnation du FMP au paiement des intérêts légaux à dater du 6 novembre 1998 et des intérêts judiciaires à dater du 28 mai 2001. Elle réclame les intérêts légaux sur la base de l’article 20 de la loi du 11 avril 1995 visant à instituer « la charte » de l’assuré social.

Le FMP relève :

  • A titre principal : que la partie appelante sollicitait en première instance le paiement des indemnités légales, « montant à majorer des intérêts légaux et judiciaires ». Le tribunal a réservé suite à cette demande et ne pouvait, sous peine de remettre en cause le principe du dispositif, statuer au-delà des demandes qui lui étaient soumises. Aussi, en sollicitant en degré d’appel les intérêts légaux depuis la date d’exigibilité des allocations et au plus tôt à partir du 6 novembre 1998 ainsi que les intérêts judiciaires à dater de la citation, la partie appelante introduirait une demande nouvelle formulée pour la première fois en degré d’appel, empêchant de ce fait le FMP de bénéficier d’un double degré de juridiction.
  • A titre subsidiaire : que le fondement de la demande tel que précisé en degré d’appel, à savoir les articles 10 et 20 de la loi du 11 avril 1995 instituant la « charte » de l’assuré social, n’a jamais été débattu devant les premiers juges. Cette demande constitue dès lors une nouvelle prétention formulée pour la première fois en degré d’appel.

Le FMP invoque également un arrêt de la cour du travail de Liège du 21 juin 2005 suivant lequel, à défaut de mise en demeure préalable à la citation, seuls les intérêts judiciaires sont dus en application de l’article 1153 du Code civil.

La décision de la cour

Sur la recevabilité, pour la cour, en réclamant paiement des intérêts « légaux », la partie appelante a visé les intérêts de retard prévus par une disposition légale particulière en l’occurrence « la charte » de l’assuré social. Le jugement dont appel a fait droit à la demande sans, toutefois, préciser la base légale ni la date de prise de cours des intérêts sollicités. L’objet de l’appel est d’obtenir ces précisions. L’appel n’est pas seulement une voie d’annulation et de réformation, mais « aussi une voie de parachèvement pour faire juger l’ensemble des relations litigieuses entre parties » (A. FETTWEIS, Manuel de procédure civile, 2e éd., Fac. de droit, de Liège, 1987, p.492). Du reste, suivant l’article 888 du Code judiciaire, les parties peuvent introduire une demande additionnelle en tout état de cause et même par défaut.

La cour conclut dès lors que la contestation relative aux intérêts n’est pas une demande nouvelle. La partie appelante est en droit de préciser en degré d’appel le fondement légal de sa réclamation.

Sur le fond, la position de la cour est la suivante. Les dispositions des lois coordonnées le 3 juin 1970 relatives à la réparation des dommages résultant des maladies professionnelles, ne contiennent aucune règle relative à la prise de cours des intérêts moratoires. Suivant l’article 1, § 2, de l’arrêté royal du 10 décembre 1987 fixant les modalités de paiement des indemnités dues en vertu des lois relatives à la réparation des dommages résultant des maladies professionnelles, les allocations annuelles sont payables à terme échu. Les prestations sociales dont il est question à l’article 20 de la « charte » sont notamment les allocations que le FMP doit payer aux victimes de maladies professionnelles. En vertu de l’article 10 de la « charte », l’institution de sécurité sociale statue au plus tard dans les 4 mois de la réception de la demande ou du fait donnant lieu à l’examen d’office. Il ajoute que le Roi peut porter temporairement ce délai à 8 mois au plus dans les cas qu’il détermine. Pour ce qui concerne les demandes introduites durant la période du 1er janvier 1997 au 31 décembre 2001 et du 1er janvier 2002 au 31 décembre 2003, le FMP dispose de 8 mois pour statuer sur la demande.

En l’espèce, la décision administrative a été notifiée par le FMP plus de 8 mois après la réception de la demande (violation de l’article 10 de la « charte » de l’assuré social). Le paiement des prestations aurait dû intervenir au plus tard dans les 4 mois de la décision d’octroi et au plus tôt à partir de la date à laquelle les conditions de paiement son remplies (article 12 de la « charte »). La décision administrative de rejet a été réformée par le tribunal du travail, rendant les prestations exigibles.

La cour estime sur cette base qu’application des articles 10, 12, et 20, alinéa 1er de la « charte », les intérêts de retard sont dus à partir de l’expiration du délai visé à l’article 10 et au plus tôt à partir de la date de prise de cours de la prestation.

Par ailleurs, la cour n’approuve pas l’arrêt de la cour du travail de Liège invoqué par le FMP qui est contraire à l’enseignement de la Cour constitutionnelle dans son arrêt du 8 mai 2002 (arrêt n°78/2002) et de la Cour de cassation du 2 octobre 2003 (R.G. S020002F).

La cour conclut dès lors que l’appel est fondé en ce qu’il tend au paiement des intérêts légaux à dater du 6 novembre 1998, qui correspond à l’expiration du délai de 8 mois dans lequel le FMP devait statuer.

Intérêt de la décision

Comme l’arrêt de la cour du travail de Liège du 7 mars 2006, cet arrêt de la cour du travail de Bruxelles tranche la question souvent débattue par le FMP de la débition des intérêts légaux en application de la « charte » de l’assuré social lorsqu’il est condamné à payer les indemnités qu’il avait refusées. Cette jurisprudence se fonde sur l’enseignement de la Cour constitutionnelle et de la Cour de cassation.

Relevons que la cour du travail de Bruxelles semble avoir retenu un « retard imputable à l’institution de sécurité sociale » visé à l’article 20, alinéa 2 de la « charte », pour estimer que les intérêts de retard sont dus à partir de l’expiration du délai visé à l’article 10 et au plus tôt à partir de la date de prise de cours de la prestation. Elle relève à cet égard que :

  • la décision administrative a été notifiée par le FMP plus de 8 mois après la réception de la demande (violation de l’article 10 de la « charte » de l’assuré social),
  • la décision administrative de rejet a été réformée par le tribunal du travail.

Précisons encore que, vu les difficultés qui peuvent être opposées par le FMP quant au paiement des intérêts, les demandeurs ont intérêt à fonder leur réclamation sur la date de prise de cours des intérêts en application des dispositions de la « charte » de l’assuré social.


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