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Activité accessoire pendant le chômage : rappel utile

Commentaire de C. trav. Mons, 20 mars 2019, R.G. 2018/AM/147

Mis en ligne le jeudi 31 octobre 2019


Cour du travail de Mons, 20 mars 2019, R.G. 2018/AM/147

Terra Laboris

Par arrêt du 20 mars 2019, la Cour du travail de Mons reprend les conditions d’exercice de l’activité accessoire autorisée pendant une période de chômage, le litige indiquant une nouvelle fois l’importance de la déclaration sur le document C1A.

Les faits

Suite à la rupture de son contrat de travail, un employé sollicite le bénéfice des allocations de chômage et déclare sur le formulaire C1A exercer une activité accessoire en qualité d’indépendant (certification PEB + installation chauffage sanitaire).

Il répond cependant négativement à la question posée relative à l’exercice de l’activité pendant le chômage.

Une enquête est faite ultérieurement à propos de cette activité, et l’intéressé déclare, en février 2015, soit près de 6 mois après le début du chômage, qu’il exerce en tant qu’ingénieur civil comme chauffagiste, et ce très peu (un chantier par an depuis 2 ans, selon ses explications). Il déclare prester le week-end et ignorer qu’il devait noircir ses cartes de contrôle pour ces périodes. Il fait valoir 3 samedis depuis le début du chômage et signale qu’il s’agit de petits chantiers de rénovation. Ses achats sont faits auprès d’un fournisseur de la région, et ce uniquement le samedi. Il précise également suivre des cours du soir dans un autre secteur, afin de changer d’orientation.

L’ONEm rend, en avril 2015, une décision, portant sur l’exclusion des allocations depuis l’inscription, la récupération, ainsi que le refus d’allocations pour l’avenir, ces décisions étant accompagnées d’une sanction de 4 semaines au motif de déclarations inexactes.

Le montant à récupérer est de l’ordre de 5.700 euros.

Une procédure est introduite devant le Tribunal du travail du Hainaut (division de Binche), qui déboute le demandeur.

Celui-ci interjette appel.

Position des parties devant la cour

L’appelant estime qu’il remplissait toutes les conditions requises pour exercer une activité accessoire durant son chômage. En effet, il avait déclaré celle-ci sur le formulaire C1A, exerçait l’activité depuis plus de 3 ans, et ce après 18h00 ou les week-ends, cette activité ne figurant par ailleurs pas parmi les activités interdites. Il fait également valoir sa bonne foi, eu égard aux mentions qu’il a apportées sur le C1A.

Il demande en conséquence à ne pas devoir rembourser les allocations et, à titre subsidiaire, sollicite que la récupération ne porte que sur les journées pendant lesquelles l’activité accessoire a été exercée. Il renvoie à l’article 169, alinéa 3, de l’arrêté royal en ce qui concerne la limitation de la récupération.

Quant à l’ONEm, il considère que les conditions de l’article 48 – conditions cumulatives – n’ont pas été respectées et que la preuve de l’exercice de cette activité pendant les jours visés n’est pas démontrée à suffisance.

La décision de la cour

La cour procède au rappel des conditions relatives à l’exercice d’une activité accessoire, étant la teneur des articles 44, 45 et 48 de l’arrêté royal organique. Pour ce qui est de la déclaration, elle rappelle que cette obligation a pour seul objectif d’assurer l’effectivité du contrôle de l’activité accessoire, une déclaration inexacte équivalant, dans cette matière, à un défaut de déclaration et entraînant le refus du droit aux allocations à partir du jour de la demande, la cour renvoyant ici à un arrêt de la Cour de cassation du 3 janvier 2005 (Cass., 3 janvier 2005, n° S.04.0117.F).

L’exclusion est totale et la limitation de la récupération ne peut intervenir qu’en application de l’article 169, alinéa 3, de l’arrêté royal si le chômeur rapporte la preuve que son activité s’est limitée à certains jours ou à certaines périodes (la cour renvoyant au même arrêt de la Cour suprême). Le chômeur a la charge de la preuve.

Pour ce qui est de la déclaration, la cour souligne que l’intéressé a précisé sur le formulaire qu’il n’exercerait pas son activité pendant son chômage, et ce même s’il a signalé l’existence de cette activité. Il lui est également reproché de ne pas avoir complété une grille horaire, de telle sorte qu’il n’a pas satisfait à l’ensemble des conditions de l’article 48.

La cour rejette l’appel sur ce point.

Pour ce qui est de la période de récupération, la cour examine les jours ou périodes travaillés, et ce sur la base des éléments déposés, à savoir les avertissements-extraits de rôle (exercices 2015 et 2016), les déclarations TVA, les factures adressées aux clients ainsi que les listings d’achats et de ventes. Ceux-ci démontrent l’absence de prestations effectives jusqu’au premier trimestre de l’année 2015. Cependant, à partir des factures émises, la cour considère que l’ampleur des travaux qui y sont repris ne permet pas de limiter la durée des prestations aux seules journées en cause. Il y a activité réelle, qui, pour la cour, a couvert 25 journées de travail et l’indu à recouvrer doit concerner 25 allocations journalières pour ce trimestre.

La cour réforme le jugement en ce qu’il a ordonné la récupération pour toute la période.

Enfin, sur la sanction, la cour la considère légale et justifiée. Elle est adéquatement motivée et raisonnable.

L’appel est dès lors partiellement accueilli, pour ce qui est de la récupération. La décision fixant l’indu est annulée et la cour substitue aux 95,50 allocations journalières qui y étaient reprises le montant de 25 allocations en vertu de l’article 169, alinéa 3, de l’arrêté royal.

Intérêt de la décision

La cour du travail rappelle dans cet arrêt le caractère cumulatif des conditions fixées à l’article 48 de l’arrêté royal organique, permettant la poursuite pendant la durée du chômage d’une activité accessoire effectivement exercée précédemment.

En l’espèce, ne sont pas litigieuses les conditions relatives à l’exercice antérieur (qui était avéré), non plus qu’à la nature de l’activité (activité ne figurant pas parmi celles interdites), le point principal étant la question de la déclaration.

Celle-ci doit intervenir sur le formulaire C1A et il y a lieu d’être particulièrement attentif à l’obligation de donner, sur celui-ci, diverses informations quant à l’intention du chômeur d’exercer effectivement cette activité pendant son chômage, ainsi que sur les conditions de cet exercice. Cette dernière question est relative à l’obligation fixée à l’article 48 d’exercer l’activité après 18h00 ou les week-ends, et ce aux fins de maintenir la disponibilité sur le marché de l’emploi.

Cet arrêt fait par ailleurs application de l’article 169, alinéa 3, de l’arrêté royal. Si son alinéa 2 (bonne foi) est davantage connu, l’alinéa 3 s’applique dans l’hypothèse de l’exercice irrégulier de l’activité accessoire, à savoir en cas de contravention aux articles 44 ou 48 de l’arrêté royal. Dans cette hypothèse, lorsque le chômeur prouve qu’il n’a travaillé (ou n’a prêté une aide à un travailleur indépendant) que certains jours ou pendant certaines périodes, la récupération est limitée à ces jours ou à ces périodes.

L’on notera enfin que la cour a procédé, à partir de l’examen des factures, à une évaluation de la durée du travail correspondant, sans recourir à un autre critère, ainsi le chiffre d’affaires.


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