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Une travailleuse enceinte susceptible d’être touchée par un risque professionnel dû à une maladie contractée sur les lieux du travail peut-elle demander son écartement préventif pour une maladie non reprise dans la liste ?

Commentaire de C. trav. Mons, 14 mars 2006, R.G. 19.577

Mis en ligne le mercredi 26 mars 2008


Cour du travail de Mons, 14 mars 2006, R.G. 19.577

TERRA LABORIS ASBL - Mireille JOURDAN

Les faits

La travailleuse, infirmière, introduisit auprès du Fonds des Maladies Professionnelles une demande d’écartement temporaire, due à son état de grossesse. Cette demande était fondée sur un avis de la médecine du travail selon lequel l’intéressée était susceptible d’être atteinte ou menacée par la tuberculose et l’hépatite virale. Quant à la demande elle-même, elle visait les « autres maladies infectieuses » reprises au code 1.404.03 de l’arrêté royal du 28 mars 1969, étant les autres maladies infectieuses du personnel s’occupant de prévention, soins, assistance à domicile ou travaux de laboratoire et autres activités professionnelles dans les institutions de soins où un risque accru d’infection existe.

Le Fonds rejeta sa demande et elle dut introduire une action devant le tribunal du travail.

La position des parties

Le Fonds expliquait refuser son intervention, au motif particulièrement succinct qu’il n’existait pas de raisons médicales suffisantes pour justifier la demande d’écartement au sens de l’article 37, § 1er, des lois coordonnées.

La décision du tribunal

Le premier juge condamna le Fonds à payer les indemnités, vu l’existence d’un risque professionnel.

La position des parties en appel

Pour le Fonds des Maladies Professionnelles, le code visé couvrait à la fois la tuberculose, l’hépatite virale et les autres maladies infectieuses (reprises ci avant). Il considérait que son intervention n’était prévue que pour les infirmières travaillant en M.R.S. (Maisons de Repos et de Soins) et non pas pour celles travaillant en maison de repos, comme tel était le cas de l’intéressée. Il faisait grief à la travailleuse de ne pas démontrer une exposition particulière au risque d’une maladie infectieuse susceptible de contrarier sa grossesse.

La travailleuse sollicitait la confirmation du jugement, étant le bénéfice des indemnités pour la période considérée.

La décision de la cour

La cour rappelle que l’objectif des articles 37 à 40 de la loi coordonnée est d’organiser un système de prévention permettant d’écarter un travailleur d’une activité l’exposant au risque de maladie professionnelle. L’article 37 prévoit la possibilité pour le Fonds de proposer à toute personne atteinte ou menacée par une telle maladie de s’abstenir de toute activité susceptible de l’exposer encore au risque de cette maladie, abstention temporaire ou définitive, ainsi que de cesser l’activité exercée, arrêt également temporaire ou définitif.

Le système d’indemnisation prévu par le texte légal est le bénéfice des indemnités d’incapacité temporaire totale en cas de cessation temporaire (cessation pouvant débuter au plus tôt 365 jours avant la date de la demande). Pour les travailleuses enceintes, ce droit est limité à la période s’écoulant entre le début de la grossesse et le début des 6 semaines préalables à la date présumée de l’accouchement.

La cour précise d’abord que les personnes qui sollicitent le bénéfice de l’article 37, § 1er peuvent invoquer une maladie qui n’aurait pas été expressément citée dans l’attestation médicale, dans la mesure où le formulaire de demande vise la réparation pour l’écartement du risque de maladie professionnelle, et ce sans autres précisions.

Quant aux conditions émises par le Fonds pour la reconnaissance du droit aux indemnités d’incapacité temporaire, la cour n’accueille pas les considérations de celui-ci selon lesquelles les maladies reprises sous les numéros de code visés ne sont à prendre en compte que chez certaines catégories de travailleurs, à savoir ceux précisément repris dans la description de ces codes. La cour relève en effet qu’aucun argument de texte ne permet de considérer que l’écartement préventif ne s’appliquerait qu’aux seules maladies professionnelles figurant dans la liste des maladies reprises dans l’arrêté royal du 28 mars 1969. Cet arrêté royal exécute en effet l’article 30 de la loi et les maladies non reprises dans celui-ci peuvent également donner lieu à réparation, en vertu de l’article 30bis. Pour la cour, les maladies visées à cette disposition doivent également être prises en compte pour l’application de l’article 37bis.

Quant aux critères définis par le Conseil technique du Fonds, la cour rappelle – et ceci est une jurisprudence constante – qu’ils n’ont pas légalement force obligatoire.

Partant des principes ainsi dégagés, la cour procède à un examen concret de l’exposition au risque : l’infirmière au service d’une maison de repos pour personnes âgées peut être exposée à un risque accru d’infections. Une expertise doit déterminer s’il en est bien ainsi dans le cas d’espèce. A défaut d’admettre, par ailleurs, que la maison de repos puisse être considérée comme une « institution de soins » au sens des codes visés, il y a lieu de préférer les critères de l’article 30bis, étant de savoir si l’intéressée était exposée au risque d’une maladie infectieuse trouvant sa cause déterminante et directe dans l’exercice de sa profession.

L’expertise se justifie d’autant plus qu’il faut connaître les taches précises que l’intéressée devait accomplir et être documenté sur l’état des pensionnaires de la maison de repos, notamment.

L’importance de l’arrêt

L’importance de l’arrêt – et il n’est certes pas le premier en la matière – est de fixer trois règles :

  1. dans la mesure où un travailleur sollicite le bénéfice de la réparation légale, sa demande ne doit pas être examinée dans les limites strictes qui peuvent lui avoir été données par le médecin du travail ou le médecin traitant ;
  2. les critères établis par le Conseil technique du Fonds des Maladies Professionnelles ne sont pas en tant que tels opposables, même si l’on s’accorde à leur reconnaître une valeur indicative ;
  3. les mesures de prévention du risque professionnel de maladie prévues à l’article 37 bis de la loi (écartement / cessation temporaire ou définitive) valent pour tout risque professionnel de maladie.

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