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Mesures d’exclusion dans la procédure d’activation : absence de caractère pénal

Commentaire de C. trav. Liège (div. Liège), 27 mai 2019, R.G. 2018/AL/353

Mis en ligne le lundi 13 janvier 2020


Cour du travail de Liège (division Liège), 27 mai 2019, R.G. 2018/AL/353

Terra Laboris

Par arrêt du 27 mai 2019, la Cour du travail de Liège (div. Liège) renvoie à la jurisprudence de la Cour de cassation à propos de la nature des mesures d’exclusion de l’article 58/9 de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 : il ne s’agit pas de sanctions à caractère pénal et elles ne peuvent être modulées, seule l’exclusion prévue par le texte réglementaire devant être retenue.

Les faits

Une assurée sociale âgée de 26 ans est activée à l’emploi. Dans le cadre de la procédure, ses efforts de recherche d’emploi sont évalués négativement et un avertissement lui est donné, en janvier 2017. Un second entretien est prévu dans les six mois et il s’avère également négatif. Une exclusion de treize semaines sur pied de l’article 58/9 §2 de l’arrêté royal est décidée, éventualité dont elle avait été informée dans le cadre du compte rendu de la première évaluation.

Un recours est déposé devant le tribunal du travail de Liège (div. Liège), la demanderesse se désintéressant cependant de la procédure.

Un jugement est rendu par défaut le 20 avril 2018 et confirme la ‘sanction’ d’exclusion dans son principe. Il prévoit cependant un sursis (justifié par les principes de contrôle de pleine juridiction et de standstill). Ce sursis est partiel, couvrant la période excédant six semaines.

Le FOREM interjette appel.

Il considère que la décision administrative est la conséquence de l’évaluation négative et qu’il ne s’agit pas d’une sanction au sens de l’article 6 de la CEDH. Sa nature est civile. Il critique également la référence au standstill, aucune régression significative dans les droits de l’intéressée n’ayant été démontrée.

L’intimée fait défaut.

La position du Ministère public

Le Ministère public rejoint le FOREM en ce qui concerne le standstill, dont la référence ne se justifie pas dans le dossier. Par ailleurs, il estime qu’il y a lieu de maintenir la distinction entre une mesure et une sanction.

La décision de la cour

La cour reprend le parcours de l’intéressée, qui a interrompu ses études en 4e secondaire. Elle n’a jamais travaillé et n’a pas davantage suivi des formations. Elle n’est pas inscrite en agence d’intérim et n’a produit ni C.V. ni lettre de motivation.

Elle bénéficie d’allocations d’insertion et a été régulièrement activée à l’emploi. La cour constate que son comportement est insuffisant. Pour les bénéficiaires d’allocations d’insertion, l’article 58/9 §1er de l’arrêté royal organique prévoit une sanction d’avertissement en cas de première évaluation négative. Le texte fixe ensuite la procédure à suivre si le chômeur a reçu un avertissement écrit formel dans le cadre de la disponibilité active, mesures qui vont dépendre de sa qualité (travailleur ayant charge de famille au sens de l’article 110 §1er ou travailleur isolé conformément à l’article 110 §2 ou encore travailleur cohabitant au sens de l’article 110 §3, dernière hypothèse à laquelle est assimilée le bénéficiaire d’allocations d’insertion).

En cas de deuxième évaluation négative, le travailleur ayant charge de famille ou le travailleur isolé bénéficie en effet d’une allocation réduite, le travailleur cohabitant ou le bénéficiaire d’allocations d’insertion étant exclu pendant une période de treize semaines).
C’est cette dernière mesure qui a été prise à l’encontre de l’intéressée.

Le tribunal ayant, pour la cour, considéré qu’il s’agit d’une sanction au sens de l’article 6 CEDH, la cour rappelle que tel n’est pas le cas. Elle reforme le jugement.

Elle précise que l’exclusion du jeune travailleur (tant sous l’empire de l’ancienne formule que dans le cadre de la formule actuelle), qui n’a pas donné suite à l’avertissement et qui n’a pas mis en œuvre les recommandations reçues, ne constitue pas une sanction mais une mesure prise à l’égard d’un travailleur qui ne remplit pas les conditions d’octroi. Il s’agit des conditions pour bénéficier en l’espèce des allocations d’insertion, le bénéficiaire étant tenu de rechercher activement un emploi.

Dans la mesure où il n’établit pas être privé de travail et de rémunération par suite de circonstances indépendantes de sa volonté (et ce par des recherches et démarches jugées suffisantes), il n’a pas droit à ces allocations. L’article 6 §3, de la CEDH ne s’applique pas à ce type de mesures. La cour renvoie par analogie à l’arrêt de la Cour de cassation du 5 novembre 2012 (Cass., 5 novembre 2012, S.10.0097.F). En conséquence, le tribunal ne pouvait assortir l’exclusion d’un sursis.

Enfin, la cour confirme qu’est dénuée de pertinence la référence au standstill, la nouvelle procédure d’activation, en charge du FOREM depuis le 1er janvier 2017, n’étant pas plus défavorable que l’ancienne. L’intéressée est actuellement soumise aux articles 58/1 et s. de l’arrêté royal alors que précédemment il s’agissait des articles 58bis/1 et s.

Intérêt de la décision

Cet arrêt de la Cour du travail de Liège (div. Liège) est l’occasion de rappeler l’important arrêt rendu par la Cour de cassation le 5 novembre 2012 (Cass. 5 novembre 2012, S.10.0097.F).

La Cour suprême y a sanctionné un arrêt de la Cour du travail de Liège (section Namur), du 22 juin 2010, la cour du travail ayant examiné la nature de la mesure d’exclusion au regard de l’article 6, 1, de la CEDH.

La cour du travail avait considéré que ces sanctions ont une nature pénale et, bien que l’arrêté royal ne donne pas au juge le pouvoir de remplacer la sanction par un avertissement, elle s’était référée à la jurisprudence de la Cour de cassation en matière fiscale pour décider que le principe de proportionnalité de la sanction permet d’appliquer une mesure inférieure à celle prévue par le texte réglementaire.

La Cour de cassation a sanctionné cette manière de voir, confirmant à propos des sanctions pour non respect du contrat d’activation sa jurisprudence selon laquelle les sanctions prononcées par l’ONEm lorsque le chômeur ne respecte pas les conditions subjectives d’octroi des allocations sont des mesures prises à l’égard du travailleur qui ne remplit pas les conditions d’octroi des allocations et n’ont pas de nature pénale.

Dans cet arrêt (- précédemment commenté), nous avions rappelé la position des cours du travail francophones du pays sur la question.

Précisons encore que le jugement du Tribunal du travail de Liège (div. Huy) du 20 avril 2018 réformé par cet arrêt de la cour du 27 mai 2019 a été précédemment commenté (R.G. n° 17/267/A).


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