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Annulation d’assujettissement à l’O.N.S.S. : prescription du délai en répétition des cotisations indues

Commentaire de C. trav. Mons, 23 mai 2019, R.G. 2017/AM/289

Mis en ligne le mardi 25 février 2020


C. trav. Mons, 23 mai 2019, R.G. 2017/AM/289

Terra Laboris

Annulation d’assujettissement à l’O.N.S.S. : prescription du délai en répétition des cotisations indues

Par arrêt du 23 mai 2019, la Cour du travail de Mons rappelle le texte de l’article 42, alinéa 2, de la loi du 27 juin 1969, relatif au délai de prescription d’une demande en répétition de cotisations indues, délai qui en principe prend cours à la date du paiement, sauf si les obligations du redevable des cotisations telles qu’elles existaient à ce moment n’ont subi aucune modification en raison d’un événement ultérieur qui a fait naître des droits dans son chef.

Les faits

Une société exploitant un commerce de boulangerie a engagé un travailleur en 2012, étant un vendeur, avec statut d’employé.

Un contrôle social effectué en 2015 a permis de constater la présence d’un autre travailleur, non déclaré. Lors de ce contrôle, il est également apparu que l’employé, en place depuis 2012, ne devait pas avoir la qualité de salarié. Après l’audition de celui-ci, il a été procédé à l’annulation de son assujettissement au régime général de la sécurité sociale des travailleurs salariés. L’O.N.S.S. s’est fondé sur l’absence de lien de subordination.

Par citation du 15 avril 2016, et la boulangerie et l’intéressée ont introduit une procédure devant le Tribunal du travail du Hainaut (division La Louvière), demandant de constater le lien de subordination et de dire pour droit qu’il y avait lieu, en conséquence, de rétablir l’assujettissement.

Cette instance s’est clôturée par un rejet de la demande. Les demandeurs originaires ont interjeté appel devant la Cour du travail de Mons.

Devant la cour, les parties appelantes répètent leur demande initiale, étant qu’il y avait contrat de travail et que l’assujettissement doit être rétabli. Elles sollicitent également que, dans l’hypothèse où l’appel ne soit pas admis, l’O.N.S.S. soit condamné à restituer les cotisations du travailleur et patronales ainsi que toute somme indûment perçue. Elles sollicitent que ces montants soient versés à une caisse d’assurances sociales pour travailleurs indépendants ou à l’I.N.A.S.T.I.

Pour l’O.N.S.S., il y a lieu de confirmer le jugement et, en ordre subsidiaire, au cas où il serait fait droit à la demande originaire, l’Office demande la condamnation de la société au paiement de 1 euro provisionnel (à valoir sur les cotisations, majorations, intérêts et frais restant dus).

Les arrêts de la cour du travail

L’arrêt du 27 septembre 2018

Sur le lien de subordination, la cour du travail a confirmé le jugement entrepris, ordonnant cependant la réouverture des débats.

L’objet de celle-ci est de statuer sur une demande nouvelle (remboursement des cotisations) et de permettre aux parties de s’expliquer sur l’exception de prescription soulevée par l’O.N.S.S. dans ses dernières conclusions. Des précisions ont également été demandées à la fois sur le fondement légal des demandes ainsi que sur les paiements intervenus.

L’arrêt du 23 mai 2019

La cour reprend, en premier lieu, la position des parties, étant d’une part la demande nouvelle formée pour la première fois en degré d’appel par la société, ainsi que l’exception de prescription soulevée par l’O.N.S.S.

L’O.N.S.S. s’oppose en effet à la demande nouvelle, considérant qu’elle n’est pas virtuellement comprise dans la demande originaire et, à titre subsidiaire, il soutient qu’elle est prescrite pour l’année 2014 (un délai de prescription de trois ans devant être compté, et ce à dater du paiement – délai qui n’a pas été interrompu, sauf par les conclusions déposées dans le cadre de la procédure d’appel le 7 mars 2018).

Sur l’exception de prescription de l’action en répétition d’indu, la société et le travailleur font valoir que ce délai prend cours au moment du paiement des cotisations (sauf si l’action résulte d’un fait ultérieur). Il y a en l’espèce fait ultérieur, étant l’arrêt du 27 septembre 2018, ou, à tout le moins, la décision de l’O.N.S.S. prise en janvier 2016 (annulation de l’assujettissement). Ils font encore valoir comme mode d’interruption de la prescription la citation en justice et, enfin, une situation de compte émise par l’O.N.S.S.

La cour tranche ces deux points de contestation comme suit.

Pour ce qui est de la demande nouvelle, elle renvoie aux articles 807 et 1042 du Code judiciaire. La demande nouvelle étant fondée sur un fait ou un acte invoqué en citation, étant la décision administrative qui a annulé l’assujettissement, cette demande est recevable.

Par ailleurs, sur la demande de répétition des cotisations de sécurité sociale, la cour rappelle que cette action appartient uniquement à l’employeur (et non à l’autre partie appelante – qui s’en voit déboutée).

Le délai de prescription est de trois ans à partir de la date du paiement, et ce conformément à l’article 42, alinéa 2, de la loi du 27 juin 1969. Ce délai prend cours à la date du paiement. Il n’est applicable cependant que dans la mesure où les obligations du redevable des cotisations telles qu’elles existaient à ce moment n’ont subi aucune modification en raison d’un événement ultérieur qui aurait fait naître dans son chef des droits pour la période correspondante.

Pour la cour, la lettre adressée par l’O.N.S.S. suite à l’enquête ne constitue pas un tel événement ultérieur, qui viendrait modifier les obligations du redevable des cotisations telles qu’elles existaient au moment du paiement.

La cour poursuit (7e feuillet) que la déclaration introduite par un employeur auprès de l’O.N.S.S. concernant une personne qui n’a pas la qualité de travailleur n’est pas justifiée au sens de l’article 21 de la loi du 27 juin 1969. Elle ne soumet donc pas l’employeur à l’obligation de payer les cotisations. En conséquence, l’annulation de cette déclaration n’a aucune incidence sur l’absence d’obligation dans le chef de l’employeur et ne fait pas naître à son avantage des droits pour la période pour laquelle le paiement a été effectué. C’est l’enseignement de la Cour de cassation dans un arrêt du 30 octobre 2006 (Cass., 30 octobre 2006, Pas., 2006, p. 2201). Le délai de prescription n’a dès lors pas pris cours aux dates proposées par la société, étant la date de l’arrêt confirmant le jugement ou encore la date de la décision annulant l’assujettissement.

Pour ce qui est de l’interruption de la prescription, celle-ci intervient, en la matière, conformément aux règles de droit commun (articles 2244 et suivants d Code civil), un des modes prévus (article 2248) étant la reconnaissance que le débiteur ou le possesseur fait du droit de celui contre lequel il prescrivait.

L’avis de rectification des cotisations constitue une telle reconnaissance.

La cour conclut à l’existence d’une cause d’interruption de la prescription et, en conséquence, décide que celle-ci n’est pas acquise.

Elle ordonne, ensuite, une nouvelle réouverture des débats, portant essentiellement sur les décomptes. Constatant qu’après l’avis du Ministère public, des pièces ont été déposées (ce qui n’est pas autorisé), et que les répliques ne doivent être prises en compte que dans la mesure où elles répondent à cet avis, elle organise la poursuite du débat contradictoire en prévoyant un calendrier de (fin de) mise en état.

Intérêt de la décision

La première question réglée par la cour, étant la recevabilité de la demande nouvelle introduite pour la première fois en degré d’appel, connaît une solution logique, dans la mesure où elle a pu aisément constater que cette demande nouvelle était fondée sur un fait ou un acte invoqué en termes de citation. Il s’agit de la décision administrative annulant l’assujettissement.

La question du point de départ de la prescription de l’action en répétition des cotisations indues présente cependant un intérêt tout particulier, la cour ayant rappelé le mécanisme de l’article 42, alinéa 2, de la loi du 27 juin 1969 ainsi que l’arrêt de la Cour de cassation du 30 octobre 2006 (Cass., 30 octobre 2006, n° S.05.0034.N). Cet arrêt renvoyait lui-même à une précédente décision du 24 janvier 2000 (Cass., 24 janvier 2000, n° S.98.0150.N). La Cour y a conclu que la décision d’annuler la déclaration de l’employeur concernant une personne qui n’a pas la qualité de travailleur salarié ne constitue pas un événement ultérieur venant modifier l’obligation de l’employeur en matière de cotisations, de sorte que le délai de prescription de l’action en répétition des cotisations indues prend cours au jour du paiement et non lors de l’annulation précitée.

La Cour a également précisé qu’une lettre adressée par l’O.N.S.S. à un employeur annonçant qu’il est apparu d’une enquête qu’une des personnes inscrites en qualité de travailleur et pour laquelle des cotisations avaient été payées n’effectuait pas ses prestations en cette qualité (de sorte qu’il y avait lieu d’annuler la déclaration la concernant) ne constitue pas un événement ultérieur qui modifie les obligations du redevable des cotisations telles qu’elles existaient au moment du paiement et qui fait naître dans son chef des droits pour la période pour laquelle le paiement a été effectué.

Il convient d’être attentif à cette règle, en cas d’annulation de l’assujettissement.

En l’espèce, l’absence de prescription a malgré tout été retenue eu égard à une cause interruptive.


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