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Convocation d’un chômeur par le Service de l’Emploi à une mauvaise adresse

Commentaire de C. trav. Mons, 9 mai 2019, R.G. 2018/AM/143

Mis en ligne le mardi 3 mars 2020


C. trav. Mons, 9 mai 2019, R.G. 2018/AM/143

Terra Laboris

Convocation d’un chômeur par le Service de l’Emploi à une mauvaise adresse

Par arrêt du 9 mai 2019, la Cour du travail de Mons fait le point sur la question, rappelant les dispositions de la loi du 8 août 1983 organisant un Registre national des personnes physiques ainsi que de celle du 15 janvier 1990 relative à l’institution de la Banque-carrefour, dispositions qu’il y a lieu de lire en parallèle avec l’article 58, § 1er, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991.

Les faits

Une bénéficiaire d’allocations de chômage est convoquée par le Service Accompagnement du FOREm pour un entretien individuel, convocation à laquelle elle ne réserve pas de suite. Elle est reconvoquée à la même adresse et le pli revient à l’expéditeur, avec la mention « ne reçoit plus le courrier à l’adresse indiquée ».

Elle est alors invitée à un entretien par un autre service aux fins d’évaluer ses efforts dans le cadre de la recherche d’emploi et se présente à cet entretien. L’évaluation est négative et elle reçoit un avertissement. Ayant reçu des recommandations de l’évaluatrice, dont celle de se rendre à la Maison de l’Emploi, elle effectue cette démarche spontanément, deux mois plus tard, n’ayant pas été contactée par le Service social. Elle apprend alors la radiation de son inscription comme demandeur d’emploi, au motif qu’elle n’avait pas réservé de suite aux deux convocations ci-dessus. Elle fait rectifier la question de l’adresse et se réinscrit.

Elle est ensuite entendue en ses moyens de défense à la fois vu la non-présentation aux deux convocations et pour ce qui est de la radiation de son inscription. Elle signale avoir déménagé et avoir transmis cette information à la fois au FOREm, à l’ONEm et à son organisme de paiement. Elle signale que l’entretien relatif à l’évaluation de sa recherche active d’emploi a pu avoir lieu, la convocation ayant été envoyée à son adresse exacte.

Le FOREm décide alors d’exclure l’intéressée pour treize semaines (articles 52 et 52bis de l’arrêté royal) et pour trente-sept jours calendrier, durée qui correspond à la durée de radiation comme demandeur d’emploi (article 58, § 1er).

Un recours est introduit devant le Tribunal du travail du Hainaut et, par jugement du 16 mars 2018, celui-ci l’accueille, annulant la décision administrative. La motivation du premier juge est que la sanction est fondée non sur le fait que l’intéressée n’avait pas communiqué son déménagement, mais parce qu’elle n’avait pas réagi à deux convocations envoyées à une adresse ancienne. Est également pointé le fait que la convocation en vue de l’évaluation des efforts de recherche active d’emploi a été envoyée à l’adresse correcte. Pour le tribunal, le renseignement devait dès lors figurer au dossier, puisqu’il en a été fait usage. Il y a faute dans le chef du FOREm.

Appel est interjeté par celui-ci.

La décision de la cour

La cour examine essentiellement la question du changement d’adresse, ainsi que les obligations du chômeur dans ce cadre. L’article 51, § 1er, 4°, de l’arrêté royal organique prévoit que le défaut de présentation sans justification suffisante au Service de l’Emploi et/ou de la Formation professionnelle compétent constitue une hypothèse de chômage par suite de circonstances dépendant de la volonté du chômeur.

La cour reprend encore les articles 52bis (relatif à la sanction au cas où une des hypothèses de l’article 51, § 1er, est rencontrée) et 58, § 1er, alinéas 1er et 3 (concernant la recherche active d’emploi).

Se pose la question de la preuve de la communication du changement d’adresse.

La cour reprend les arguments du FOREm, selon lequel l’intéressée reste en défaut d’établir cette preuve alors qu’elle lui incombe. Il renvoie notamment à un arrêt de la Cour de cassation du 31 octobre 2005 (S.04.0188.F) et souligne que cet enseignement a été suivi par la Cour du travail de Mons dans un arrêt du 8 mai 2014 (R.G. 2013/AM/329).

Cet arrêt avait jugé que le Service régional a le droit, en vertu de l’article 58, § 1er, de l’arrêté royal de se fonder exclusivement sur les données qui figurent au dossier, pour ce qui est de l’adresse du chômeur. Malgré le fait qu’il l’ait convoquée à deux reprises à une adresse qu’il devait savoir inexacte (vu notamment le changement de la commune de pointage), ceci ne constituait pas une faute.

En l’espèce, le Service s’est référé exclusivement aux données figurant au dossier.

La cour considère, sur ce point, que le dossier n’est pas limité aux données figurant au dossier du Service Accompagnement. L’assurée sociale ne peut pas présumer de ce que, pour des motifs d’organisation interne, seul le Service Contrôle disposait de son adresse exacte par la consultation de la Banque-carrefour et qu’il n’a pas été jugé utile de modifier ses données dans le dossier ou, à tout le moins, d’en informer le Service Accompagnement. Il y a, dans le chef de l’intéressée, une justification suffisante pour ne pas s’être présentée au Service de l’Emploi et la cour annule la sanction. La radiation étant par ailleurs en lien causal, celle-ci l’est également.

Dans sa motivation, la cour a renvoyé, sur la question du principe relatif à l’adresse de l’assurée sociale, d’abord à l’article 6 de la loi du 8 août 1983 organisant un Registre national de personnes physiques. Celui-ci dispose que les autorités, les organismes, etc., qui sont autorisés à consulter les données du Registre national, ne peuvent plus demander directement lesdites données à une personne, ni à la commune sur le territoire de laquelle elle réside. Dès qu’une donnée a été communiquée au Registre national et qu’elle a été enregistrée, la personne concernée n’est pas tenue de la communiquer directement à ces autorités et organismes, vu l’autorisation qui leur est conférée de consulter le Registre national.

En l’occurrence, le FOREm est autorisé à accéder à ces informations et à utiliser le numéro d’identification du Registre national des personnes physiques, et ce par un arrêté royal du 20 novembre 1997.

La cour a également renvoyé à la loi du 15 janvier 1990 relative à l’institution et l’organisation d’une Banque-carrefour de la sécurité sociale, qui prévoit que toutes les institutions de sécurité sociale recueillent les données sociales dont elles ont besoin auprès de la Banque-carrefour, lorsque celles-ci sont disponibles dans le réseau. Cette disposition a été précisée par une loi du 5 mai 2014 en vue d’alléger les obligations administratives des citoyens et des personnes morales en leur garantissant que les données déjà disponibles dans une source authentique ne devront plus être communiquées une nouvelle fois à un service public fédéral. L’objectif est également d’assimiler complètement les formulaires électroniques et les formulaires papier.

Intérêt de la décision

Dans ce bref arrêt, des dispositions légales importantes sont rappelées concernant les obligations d’un assuré social eu égard à la situation d’un déménagement (qui aura dès lors des conséquences inévitables sur la poursuite de la procédure administrative).

C’est, sur le plan des principes en matière de preuve, à un arrêt de la Cour de cassation du 31 octobre 2005 que la cour du travail renvoie. Cet arrêt a cassé une décision de fond, qui avait retenu qu’il incombait à l’assuré social de prouver qu’il avait effectivement averti le FOREm de son changement d’adresse, preuve qui n’était en l’espèce pas rapportée. L’arrêt avait poursuivi que le FOREm avait cependant commis une faute en le convoquant à deux reprises à une adresse qu’il devait savoir inexacte, puisque le changement de la commune de pointage dont il était informé et le retour de deux convocations recommandées lui révélaient nécessairement l’anomalie de l’adresse à laquelle il envoyait ses convocations. La cour du travail a, pour la Cour de cassation, fait une mauvaise application de l’article 58, § 1er, de l’arrêté royal du 25 novembre 1991 (ainsi que des articles 1382 et 1383 du Code civil).

Un arrêté royal du 4 juillet 2004 (arrêté royal portant modification de la réglementation du chômage à l’égard des chômeurs complets qui doivent rechercher activement un emploi) est venu modifier l’article 58, § 1er, alinéa 1er, en précisant que, pour bénéficier des allocations, le chômeur complet doit rechercher activement un emploi et doit être et rester inscrit comme demandeur d’emploi. La preuve de cette inscription doit être apportée par le chômeur.

Cet alinéa est inchangé actuellement.

Pour ce qui est des conditions de la radiation d’office (prévue à la même disposition, alinéa 3), celle-ci peut intervenir du fait (i) que le chômeur n’est plus disponible pour le marché de l’emploi, (ii) qu’il ne s’est pas présenté à ce service quand il a été convoqué, (iii) qu’il n’a pas averti ce service de son changement d’adresse et (iv) qu’il n’a pas accompli les formalités requises par celui-ci aux fins de maintenir l’inscription comme demandeur d’emploi.

La cour a très judicieusement rappelé dans son arrêt les limites à cette obligation d’avertissement, limites contenues à la fois dans la loi du 8 août 1983 organisant un Registre national des personnes physiques et la loi du 15 janvier 1990 relative à l’institution et l’organisation de la Banque-carrefour. Dès lors que le Registre national est informé, l’ensemble des institutions visées sont censées l’être également.


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