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Garantie de revenus aux personnes âgées : condition de résidence et langue de la procédure judiciaire

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 23 mai 2007, R.G. 48.386

Mis en ligne le mercredi 26 mars 2008


Cour du travail de Bruxelles, 23 mai 2007, R.G. n° 48.386

TERRA LABORIS ASBL – Mireille Jourdan

Dans un arrêt du 23 mai 2007, la Cour du travail de Bruxelles a rappelé les règles relatives à la langue de la procédure en cas de recours contre une décision d’une institution de sécurité sociale introduit par un assuré social ressortissant de l’Union européenne. Elle a également brièvement rappelé l’exigence de la condition de résidence sur le territoire belge pour bénéficier de la garantie de revenus aux personnes âgées.

Les faits

Un travailleur de nationalité portugaise, bénéficiant d’une pension de retraite et de survie à la fois dans le régime des travailleurs salariés et des travailleurs indépendants avait été admis au bénéficie du revenu garanti aux personnes âgées en 1997, ce revenu étant transformé en garantie de revenus à partir du 1er juin 2001 (GRAPA).

Fin février 2004, il quitta définitivement la Belgique pour s’installer en Espagne et remit un document officiel confirmant la radiation.

L’Office national des pensions considéra alors que les conditions d’octroi de la garantie de revenus aux personnes âgées n’étaient plus remplies, l’article 42 de l’arrêté royal du 23 mai 2001 portant règlement général en matière de GRAPA exigeant que le bénéficiaire ait sa résidence en Belgique, la seule exception autorisée étant un séjour à l’étranger pendant moins de trente jours, situation assimilée à un séjour effectif. En vertu de cette disposition, il y a lieu de suspendre le paiement de la garantie de revenus pour chaque mois au cours duquel le bénéficiaire n’a pas séjourné de façon ininterrompue en Belgique.
En conséquence, du fait du départ définitif, la période de séjour à l’étranger autorisée se trouvait d’office dépassée et le paiement devait dès lors être suspendu.

L’O.N.P. réclamait en outre le remboursement de la prestation sociale pour le mois de février.

La position du tribunal

Le tribunal du travail statua par défaut par jugement du 14 février 2006 et déclara le recours non fondé.

L’appel

L’intéressé forma appel par requête d’appel adressée au greffe du tribunal du travail, et ce en langue portugaise.

La position de la Cour

La Cour fut dès lors amenée à examiner en premier la recevabilité de l’appel, vu la contestation de celle-ci par l’O.N.P.

En ce qui concerne l’erreur commise par l’appelant, la Cour constata que, l’article 1056, 3° du Code judiciaire prévoyant que l’appel est formé par requête déposée au greffe de la juridiction d’appel, il y avait une erreur manifeste du fait que l’intéressé avait envoyé sa requête au greffe du tribunal. Celle-ci pouvait s’expliquer du fait que l’adresse du tribunal figurait à l’entête de la lettre de notification du jugement a quo.

La Cour releva que, quoi qu’il en soit, il fallait constater que le greffe du tribunal avait immédiatement transmis la requête d’appel au greffe de la Cour, de telle sorte qu’elle y parvint dans le délai légal. La Cour considéra, en conséquence, que l’acte d’appel avait bien été « déposé » au greffe de la juridiction d’appel au sens de l’article 1056, 3° du Code judiciaire. En outre, l’O.N.P. ayant été avisé du dépôt de la requête par le greffe, il n’avait subi aucun préjudice particulier suite à cette « erreur d’aiguillage ».

La Cour refusa donc de déclarer l’irrecevabilité de l’appel pour ce motif.

Par contre, en ce qui concerne la langue de la procédure, elle rappela que la loi du 15 juin 1935 concernant l’emploi des langues en matière judiciaire fixe les règle en la matière mais que lorsque l’assuré social est un ressortissant de l’union européenne, celui-ci peut introduire un recours dans la langue de l’Etat membre dont il est originaire. En vertu de l’article 84, §4 du Règlement européen 1408/71, les « autorités », institutions et juridictions d’un Etat membre ne peuvent rejeter les requêtes ou autres documents qui leur sont adressés du fait qu’ils sont rédigés dans une langue officielle d’un autre Etat. La Cour rappelle la jurisprudence en la matière, jurisprudence qui n’est pas unanime.
Elle distingua toutefois cette situation de l’hypothèse de la poursuite d’une procédure et considéra que, dans cette hypothèse, la loi sur l’emploi des langues retrouve son empire.

Dans le cas d’espèce, l’intéressé avait rédigé son acte introductif d’instance en français (la Cour relevant qu’il eut pu le faire en portugais et que dans cette hypothèse la procédure se serait poursuivie en français). Toutefois, en l’espèce c’est la requête d’appel qui avait été rédigée en portugais. N’étant pas un acte introductif d’instance mais un acte se situant dans le prolongement de la procédure entamée en français en juin 2004, ladite requête devait être rédigée en français.

La Cour retiendra donc l’irrecevabilité de celle-ci pour ce motif.

Elle examinera néanmoins brièvement l’affaire quant au fond, et à titre subsidiaire, confirmant que le point de vue de l’O.N.P. était tout à fait correct.

Intérêt de la décision

Cette décision vient rappeler une règle utile, sur l’emploi des langues dans un recours en matière de sécurité sociale, à l’initiative d’un assuré social originaire d’un autre Etat membre de l’Union européenne. Elle distingue toutefois l’hypothèse autorisée par le Règlement européen 1408/71 de celle de la poursuite d’une procédure, en l’espèce au niveau de l’appel, situation où il y a lieu de revenir aux règles nationales.


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