Terralaboris asbl

Répudiation unilatérale et remariage : quel droit à la pension ?

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 8 février 2007, R.G. 45.308

Mis en ligne le mercredi 26 mars 2008


Cour du travail de Bruxelles, 8 février 2007, R.G. 45.308

TERRA LABORIS ASBL – Sophie Remouchamps

Dans un arrêt du 8 février 2007, la Cour du travail de Bruxelles a rappelé les principes applicables en vue de la reconnaissance, en Belgique, d’une répudiation unilatérale effectuée au Maroc, et ce afin de déterminer les effets d’un remariage sur le droit à la pension (taux isolé ou taux ménage).

Les faits

Monsieur B., de nationalité marocaine, avait épousé, au Maroc, une dame G. En septembre 1971, celle-ci fut répudiée. Concomitamment, il épousa, également au Maroc, une dame B. De cette dernière union il eut trois enfants.

Postérieurement au remariage, il y a reprise des liens entre Monsieur B. et Mme G. Il « divorça » une seconde fois de la même Mme G. par acte notarial du 27 février 1973. Il s’agit d’une répudiation unilatérale révocable (l’intéressé conservant le droit de la reprendre en mariage).

Monsieur B., qui a travaillé en Belgique, demande, en date du 15 octobre 2001, le bénéfice de la pension de retraite, signalant comme conjoint Mme B. ainsi que l’existence de Mme G. comme conjoint précédent (il mentionne le 15 septembre 1971 comme date de divorce).

Par décision du 18 mars 2002, l’ONP lui reconnaît le droit à une pension de retraite au taux isolé. Celui-ci refuse en effet d’accorder effet au second mariage (avec Mme B. qui est le conjoint cohabitant), la procédure de répudiation de Mme G. étant considérée contraire à l’ordre public et violant les droits de défense. L’ONP estime dès lors que Monsieur B. est séparé, de sorte qu’il ne peut prétendre qu’à une pension au taux isolé.

Monsieur B. introduit un recours contre cette décision devant le Tribunal du travail de Bruxelles.

La position des parties

L’ONP avance que, en conséquence de l’arrêt rendu par la Cour de cassation le 29 avril 2002, il doit vérifier, pour chaque cas, si la répudiation peut produire ses effets. En l’espèce, il estime les droits de défense non respectés, la procédure étant purement unilatérale. Il soutient par ailleurs que la déclaration sur l’honneur signée par l’intéressée (Mme G.) ne peut avoir d’effet, étant largement postérieure à l’acte (octobre 2002).

Monsieur B. soutient que la répudiation a été menée à la connaissance et avec l’accord de Mme G., de sorte que ses droits ont été respectés. Il s’appuie également sur la déclaration sur l’honneur signée par celle-ci et sur la présence de cette dernière lors de l’acte de fixation de la pension alimentaire (considéré comme acte implicite de reconnaissance de la répudiation).

La décision du tribunal

Le Tribunal fait droit à la thèse de Monsieur B., estimant que la procédure au Maroc est régulière, menée dans le respect des droits de défense. Il estime en conséquence que la rupture doit être pourvue d’effet en Belgique et que, dès lors, Mme B. a la qualité de conjoint cohabitant.

La décision de la cour

Sur appel de l’O.N.P., la Cour estime être saisie de la question des effets en Belgique de la répudiation accomplie au Maroc (conformément à la législation de ce pays) sur le mariage contracté avec Mme B.

Elle relève tout d’abord que c’est à Monsieur B. (qui se prévaut des effets de la répudiation et de la validité du mariage avec Mme B.) de prouver l’invocabilité de ces éléments.

La Cour note ensuite que, en vertu de l’article 570 du Code judiciaire (version applicable au litige), il n’appartient pas au juge de poser un jugement sur les lois étrangères mais de vérifier in concreto si les effets qu’elles produisent sont compatibles ou non avec l’ordre public belge. En l’occurrence, la violation de droits de défense de l’épouse répudiée peut constituer un obstacle à la reconnaissance de la répudiation unilatérale.

La Cour relève également que le Code de droit international privé (applicable depuis le 1er octobre 2004) n’empêche pas la reconnaissance en Belgique de la répudiation, dès lors que les conditions stipulées (à vérifier dans chaque cas d’espèce), dont le respect des droits de défense, sont réunies.

Dans le présent cas d’espèce, la Cour note cependant que l’acte de répudiation invoqué par le demandeur est celui de février 1973, soit un acte postérieur au mariage avec Mme B. (septembre 1971). Pour la Cour, cette circonstance peut constituer un obstacle à la reconnaissance en Belgique du mariage avec cette dernière, et ce indépendamment de la question de la validité de la répudiation de 1973.

Les parties ne s’étant pas expliquées sur ce point, la Cour ordonne la réouverture des débats.

Intérêt de la décision

L’intérêt de la décision réside dans le rappel des principes et conditions pour qu’une répudiation puisse recevoir effet en droit belge, rappel toujours pertinent. L’arrêt contient également une analyse des dispositions du nouveau Code de droit international privé belge sur la question de la validité de l’acte de répudiation.


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be