Terralaboris asbl

Critères permettant de déterminer le degré d’autonomie

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 24 septembre 2007, R.G. 49.803

Mis en ligne le mercredi 26 mars 2008


Cour du travail de Bruxelles, 24 Septembre 2007, R.G. n° 49.803

TERRA LABORIS ASBL – Mireille Jourdan

Dans un arrêt du 24 septembre 2007, la Cour du travail de Bruxelles a considéré qu’il faut tenir compte, dans l’appréciation de la diminution de l’autonomie au sens de l’allocation d’intégration, de l’existence d’une même difficulté dans chacune des fonctions influencées.

Les faits

Par décision du 24 septembre 2004, l’Etat belge refuse à l’intéressée à la fois l’allocation de remplacement de revenus et l’allocation d’intégration, au motif que les revenus portés en compte dépassent le montant barémique de l’allocation prévue par la loi du 27 janvier 1987 relative aux allocations aux personnes handicapées.

En ce qui concerne les conditions d’octroi, l’Etat belge considère qu’il y a perte de capacité de gain d’un tiers ou plus et que, en ce qui concerne la perte d’autonomie, elle est de 7 points sur 18, ce qui correspond à l’allocation de catégorie 1. L’Etat belge prend en considération les revenus de l’année 2002.

Une attestation générale est délivrée par décision du 23 mai 2005, en vue de l’obtention des avantages sociaux et fiscaux.

L’intéressée introduit un recours, à la fois sur l’allocation d’intégration et sur les revenus à prendre en considération.

La position du tribunal

Le premier juge, après avoir désigné un expert, entérine les conclusions de celui-ci par jugement du 21 mars 2007. Celui-ci va annuler la décision de l’état belge et admettre une allocation d’intégration en catégorie 3 à partir du 1er janvier 2005. La situation de l’intéressée sera à revoir le 1er mai 2008.

La position des parties en Appel

L’Etat belge interjette appel, demandant la confirmation de sa décision administrative, étant qu’il y a perte d’autonomie autorisant une allocation d’intégration de catégorie 1, de sorte que l’intéressée n’a pas droit à cette allocation, ni à partir du 1er avril 2004 (date contenue dans sa décision), ni à partir du 1er janvier 2005 ainsi que l’a décidé le tribunal.

L’assurée sociale demande confirmation du jugement, sous réserve des revenus à prendre en compte.

La position de la Cour

La Cour va reprendre minutieusement les considérations de l’expert judiciaire, développées dans son rapport, mais, préalablement à cet examen, pose une règle, importante, pour la définition de la perte ou de la diminution d’autonomie.

Pour la Cour, de manière générale, une même difficulté, par exemple la crainte du regard des autres, peut diminuer l’autonomie d’une personne en ce qui concerne différentes fonctions, différents aspects de la vie quotidienne. Il faut tenir compte de cette difficulté pour déterminer le degré d’autonomie de la personne concernée, et ce dans chacune des fonctions que la difficulté en cause va influencer. La Cour considère qu’il importe peu que l’une de ces difficultés fasse « double emploi ». Ce qui compte, pour la Cour, c’est le degré d’autonomie de la personne au niveau de chacune des fonctions visées, à savoir lorsqu’elle se déplace, se nourrit, assume son hygiène et celle de son habitat, se protège et échappe aux dangers et enfin dans ses contacts sociaux.

La Cour va considérer, en l’espèce, que l’expert judiciaire a correctement procédé à son évaluation de chacune de ces difficultés, l’évaluation étant justifiée par une argumentation détaillée qui tient compte de la réalité concrète.

Sont ainsi considérés comme des difficultés importantes,

  • pour le déplacement : le fait que l’intéressée ne conduit pas de voiture et n’est pas en mesure de conduire un autre véhicule à moteur, non plus qu’un vélo, le fait qu’elle utilise les transports en commun et que d’autres moyens (chemin de fer, avion ou taxi) ne la concernent que très peu au quotidien ;
  • pour la nourriture : la difficulté d’affronter le regard d’autrui, même si une partie de son approvisionnement peut être commandé, de même que la difficulté, voire l’impossibilité de transporter des objets lourds ou encore encombrants, de même que la manipulation d’instruments de cuisine ;
  • pour l’hygiène personnelle : le fait que de nombreux gestes sont très difficiles ou impossibles et que l’intéressée doit adapter son choix vestimentaire en conséquence ;
  • sur la possibilité d’échapper aux dangers : non seulement les limitations physiques mais également les considérations d’ordre psychologique, qui peuvent influencer la volonté, l’envie et l’énergie nécessaires pour sortir de situations dangereuses. A cet égard, la Cour précise que le fait de suivre un traitement ou pas est sans incidence sur l’évaluation de l’autonomie. Les difficultés seront ici considérées comme très importantes ;
  • sur les contacts sociaux : l’existence d’un handicap certain pour tout contact social mettant l’intéressée en présence de tiers, ainsi que les troubles de la voix et de la parole.

De cet ensemble de considérations, la Cour va retenir qu’il y a lieu de placer l’intéressée dans la catégorie 3 pour la fixation de l’allocation d’intégration, le total des points étant de 12 sur 18.

L’état de la personne évoluant, la Cour dit que celui-ci sera revu au 1er mai 2008 mais attire l’attention de l’Etat belge sur le fait qu’il ne s’agira pas alors de faire valoir une nouvelle fois à cette occasion son appréciation des difficultés actuelles mais d’examiner l’évolution éventuelle de l’état de santé de l’intéressée ainsi que ses conséquences sur son autonomie.

Enfin, sur le calcul de l’allocation d’intégration, la Cour va rappeler que pour la période d’avril à décembre 2004, elle prend en compte non pas les revenus de 2002, mais ceux de 2003, dans la mesure où ils ont diminué de plus de 20% par rapport à ceux de 2002. Pour la période à partir du 1er janvier 2005, elle confirme le jugement, étant que l’on tiendra compte des revenus de 2004.

Intérêt de la décision

L’intérêt de cet arrêt est certain, puisqu’il coupe court à toute considération selon laquelle une difficulté pour l’appréciation d’un des critères de la limitation d’autonomie ne devrait intervenir « qu’une fois », c’est-à-dire pour un des critères uniquement. La Cour précise qu’une même difficulté doit être prise en compte chaque fois qu’elle va influencer une des fonctions de référence.


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