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Exercice par un fonctionnaire d’un mandat dans une intercommunale et assujettissement au statut social des travailleurs indépendants

Commentaire de Cass., 4 mai 2020, n° S.18.0034.F

Mis en ligne le mercredi 28 octobre 2020


Cass., 4 mai 2020, n° S.18.0034.F

Exercice par un fonctionnaire d’un mandat dans une intercommunale et assujettissement au statut social des travailleurs indépendants

Par arrêt du 4 mai 2020, la Cour de cassation rejette un pourvoi contre un arrêt rendu par la Cour du travail de Mons le 13 octobre 2017, qui avait retenu, à partir des conditions d’exercice d’une mission remplie par un fonctionnaire communal auprès d’une intercommunale, que celle-ci n’avait pas été exercée dans le cadre du statut, les conditions d’exonération à l’assujettissement n’étant pas remplies.

L’objet du litige

La Cour de cassation est saisie d’un pourvoi contre un arrêt rendu par la Cour du travail de Mons le 13 octobre 2017 (inédit). Cet arrêt oppose le demandeur à l’I.N.A.S.T.I.

L’affaire concerne un fonctionnaire communal, exerçant la fonction de responsable financier, qui a été désigné par le Collège communal en qualité d’expert auprès d’une intercommunale. En vertu des statuts de celle-ci, un expert choisi parmi les fonctionnaires des communes doit assister et conseiller chaque administrateur, ces experts n’ayant pas le droit de vote et ne s’agissant pas d’un mandat. Les experts se réunissent en Collège, qui se réunit avant chaque Conseil d’administration.

Pour cette mission, l’intéressé a perçu de la part de l’intercommunale des revenus non prévus au statut pécuniaire. Elle a déclaré ces paiements et ils ont été imposés comme rémunérations de dirigeant d’entreprise.

La mission rémunérée s’est poursuivie pendant plusieurs années et même après la mise à la pension du demandeur.

L’arrêt de la cour du travail

Il ressort de l’arrêt de la Cour de cassation que la cour du travail de Mons, qui a conclu que le fonctionnaire n’a pas exercé cette mission dans le cadre du lien statutaire de subordination qui le lie à la Ville, a considéré que le critère fiscal figurant à la présomption de l’article 3, § 2, alinéa 2, de l’arrêté royal n° 38 du 27 juillet 1967 organisant le statut social des travailleurs indépendants doit être abandonné lorsque la réalité sociologique, seule déterminante, est en sens contraire.

La cour du travail s’est appuyée sur la circonstance que l‘intéressé a reçu des revenus déclarés et imposés comme rémunération de dirigeant d’entreprise et sur le fait que ces revenus n’étaient pas prévus par son statut de fonctionnaire, considérant que la mission d’expert est sans lien avec les fonctions exercées dans le cadre de celui-ci.

Pour arriver à cette conclusion, la cour a retenu que le procès-verbal du Collège communal ne précise pas que l’intéressé a été choisi en raison des fonctions précises exercées à la Ville ou qu’il allait la représenter, et ceci ne figure pas davantage dans le procès-verbal de la société intercommunale. En outre, le domaine d’expertise dont il serait question n’est pas davantage précisé, la pension et la cessation de ses fonctions à la Ville n’ayant par ailleurs pas mis fin à la mission d’expert.

La cour a encore retenu que la direction des ressources humaines des pouvoirs locaux dépendant du SPF Wallonie considère qu’à première vue, cette activité ne paraît pas inhérente ou même avoir trait à l’exercice de la fonction de responsable financier communal.

La mission n’a dès lors jamais été définie ni par la Ville ni par l’intercommunale quant à ses liens avec l’exercice de la fonction communale. La seule référence faite par l’intercommunale à ses statuts ainsi qu’à l’article 5bis de l’arrêté royal n° 38 est purement abstraite, le contenu précis de la mission n‘ayant jamais été décrit. L’intéressé non plus n’a pas précisé en quoi consistait précisément celle-ci et n’a d’ailleurs produit ni document, ni registre de présence, ni rapport ou procès-verbal de réunion permettant de se faire une idée du contenu de la mission.

La décision de la Cour de cassation

La Cour de cassation répond essentiellement au premier moyen, ainsi qu’à la deuxième et la quatrième branches du second.

Pour ce qui est du premier moyen, elle renvoie à l’article 3, § 1er, alinéa 1er, de l’arrêté royal n° 38, dont elle rappelle le texte, ainsi qu’à la présomption figurant dans son alinéa 2 : est présumée jusqu’à preuve du contraire se trouver dans les conditions d’assujettissement au statut social toute personne qui exerce en Belgique une activité professionnelle susceptible de produire certains revenus, notamment des rémunérations de dirigeant d’entreprise au sens de l’article 30, 2°, C.I.R., 1992.

Reprenant les constatations de la cour du travail selon lesquelles, conformément au statut de l’intercommunale, un expert choisi parmi les fonctionnaires des communes devait assister et conseiller chaque administrateur, constituant un Collège d’experts et étant rémunéré pour cette mission, la Cour de cassation retient que, si il ressort de ces constatations que la qualité de fonctionnaire subordonné à une commune dans les liens d’un statut constituait une condition de la désignation de l’intéressé, il ne s’ensuit pas que cette mission a été exercée sous statut.

Pour les autres critiques de la motivation de l’arrêt, la Cour conclut que la cour du travail a justifié légalement sa décision que la mission exercée constitue une activité en raison de laquelle l’intéressé n’est pas engagé dans les liens d’un statut.

Le pourvoi est dès lors rejeté.

Intérêt de la décision

Cet arrêt renvoie à l’hypothèse prévue à l’article 5bis de l’arrêté royal n° 38, cette disposition concernant un cas d’exonération d’assujettissement. Il s’agit d’une exception au principe général d’assujettissement résultant de l’exercice d’une activité professionnelle susceptible de produire des revenus, deux conditions cumulatives devant être remplies, étant qu’il doit s’agir d’un mandat dans un organisme public ou privé et que l’intéressé doit être chargé de celui-ci (i) soit en raison des fonctions qu’il exerce auprès d’un pouvoir public, (ii) soit en qualité de représentant d’une organisation représentative (travailleurs, employeurs ou indépendants), (iii) soit en qualité de représentant de l’Etat, d’une province ou d’une commune.

L’on peut renvoyer sur la question à une décision rendue précédemment par la Cour du travail de Mons (C. trav. Mons, 13 février 2009, R.G. 19.547), qui a retenu que devait être appliquée ladite disposition dans l’hypothèse où un mandat d’administrateur d’une société anonyme avait été confié à un membre du personnel statutaire d’un pouvoir public, et ce dans le cadre d’une représentation de celui-ci. Il n’y avait pour la cour pas lieu à l’assujettir au statut social. Dès lors cependant que d’autres fonctions d’administrateur étaient en cause mais n’étaient pas concernées par le mandat, la cour décida que la seule qualité de conseiller communal ne suffisait pas à exonérer le titulaire de l’assujettissement. Après avoir ordonné une réouverture des débats, elle arriva à la conclusion que la thèse de la représentation de l’administration communale ne pouvait être suivie, celle-ci n’étant étayée par aucun document au dossier.


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