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Prestations familiales garanties et condition de séjour

Commentaire de C. trav. Mons, 26 mars 2020, R.G. 2019/AM/64

Mis en ligne le lundi 16 novembre 2020


Cour du travail de Mons, 26 mars 2020, R.G. 2019/AM/64

Terra Laboris

Par arrêt du 26 mars 2020, la Cour du travail de Mons rappelle que la Cour de cassation a admis que satisfait à la condition d’autorisation de séjour au sens de l’article 1er, alinéa 8, de la loi du 20 juillet 1971 le titulaire d’une attestation d’immatriculation.

Les faits

Arrivée en Belgique en juin 2013 (et ayant introduit une demande d’asile), une citoyenne camerounaise donne naissance à un enfant en août 2013 (avec nationalité camerounaise) ainsi qu’à un second en juillet 2015 (avec nationalité belge).

L’intéressée introduit alors une demande de séjour en tant que membre de la famille d’un citoyen de l’Union européenne. Lui est en conséquence délivrée une attestation d’immatriculation, de même qu’une « annexe 15 ». En juillet 2016, après avoir obtenu une carte F (autorisation de séjour de 5 ans), elle sollicite auprès de FAMIFED les prestations familiales garanties pour son premier enfant.

Il n’est pas fait droit à la demande, au motif que l’intéressée n’était pas admise ou autorisée au séjour et que, par ailleurs, elle ne justifiait pas d’une résidence effective ininterrompue en Belgique au cours des 5 dernières années précédant l’introduction de la demande.

Une procédure est introduite et le Tribunal du travail du travail Hainaut (division de Mons) déboute la demanderesse par jugement du 23 janvier 2019. Il considère, sur le premier point, que l’attestation d’immatriculation ne constitue pas un titre de séjour valable et que, par ailleurs, la condition de résidence de 5 ans n’est pas remplie.

Appel est interjeté devant la cour du travail.

Les moyens des parties devant la cour

L’appelante fait valoir que l’attestation d’immatriculation doit être considérée comme satisfaisant à la condition de l’article 1er, alinéa 8, de la loi du 20 juillet 1971 et que, pour ce qui est de la résidence effective sur le territoire belge, celle-ci couvre à la fois le séjour régulier et le séjour irrégulier.

La Caisse (Caisse publique wallonne d’allocations familiales) ne conclut pas.

La décision de la cour

Reprenant les conditions posées par la loi du 20 juillet 1971 dès lors qu’il s’agit d’un enfant exclusivement à la charge d’une personne physique étrangère résidant en Belgique, la cour rappelle que celle-ci doit être admise ou autorisée au séjour (ou à l’établissement) au sens de la loi du 15 décembre 1980 sur l’accès au territoire, le séjour, l’établissement et l’éloignement des étrangers. Le séjour doit avoir été effectif et ininterrompu pendant au moins les 5 dernières années précédant l’introduction de la demande.

La Cour constitutionnelle a confirmé la validité de ces exigences dans un arrêt du 21 février 2013 (C. const., 21 février 2013, n° 12/2013, s’agissant en l’espèce d’une demande de prestations familiales garanties d’un enfant ressortissant d’un Etat tiers à l’Union européenne (les allocations étant accordées pour un autre enfant, de nationalité belge).

Se pose, dès lors, la question de savoir si l’attestation d’immatriculation peut être considérée comme un titre de séjour au sens des dispositions légales. La cour du travail rappelle ici que la Cour de cassation a pris position, sur la question, dans un arrêt du 8 avril 2019 (Cass., 8 avril 2019, n° S.17.0086.F), admettant qu’un titre de séjour matérialisé par une attestation d’immatriculation, fût-ce de manière temporaire et précaire, constitue une autorisation de séjour valable.

La cour renvoie également à l’avis de M. l’Avocat général GENICOT, qui a fait valoir que le caractère résiduel non contributif des prestations familiales garanties justifie l’exigence d’un « certain lien », étant une « certaine effectivité relationnelle » avec la Belgique. La loi prévoit précisément à cet égard une condition de résidence effective pendant au moins 5 ans précédant la demande. M. l’Avocat général considère que cette condition peut ainsi apparaître aux yeux de la loi rencontrer l’exigence d’un tel lien.

La cour du travail confirme en conséquence que, tant que l’attestation d’immatriculation est valable, l’étranger est autorisé au séjour et que le caractère précaire ou provisoire de celui-ci est sans incidence. Il n’y a pas dans la loi de condition supplémentaire, qui porterait sur une exigence de durée. La première condition est dès lors remplie.

La seconde ne l’est cependant pas, étant que l’appelante ne justifie pas avoir résidé de manière ininterrompue pendant au moins les 5 années (ou 4 années – selon la circulaire ministérielle n° 599 du 16 juillet 2007). La décision de refus est dès lors légalement justifiée. Il est en effet constaté que, la demande datant de juillet 2016, cette condition ne peut en aucune manière être remplie, puisque l’intéressée déclare elle-même être arrivée sur le territoire belge 3 ans auparavant.

Intérêt de la décision

Dans cet arrêt, la Cour du travail de Mons rappelle très utilement que la Cour de cassation est intervenue sur la problématique – récurrente jusque-là – de la validité de l’attestation d’immatriculation, eu égard aux conditions exigées par la loi du 20 juillet 1971.

Dans son arrêt du 8 avril 2019, elle a mis un point final à la question, admettant que l’attestation d’immatriculation – tant qu’elle est valable – est de nature à remplir la première condition relative au séjour. La Cour de cassation a rejeté un pourvoi contre un arrêt de la Cour du travail de Bruxelles du 14 août 2017 (C. trav. Bruxelles, 14 août 2017, R.G. 2016/AB/19 – précédemment commenté), qui avait considéré ne pas voir de disposition légale qui permettrait d’exclure du séjour l’étranger titulaire d’une attestation d’immatriculation tant que sa demande de régularisation n’aurait pas été déclarée fondée et de la priver ainsi des droits en matière de prestations familiales garanties. Pour la cour du travail, il n’y a pas de distinction entre « document de séjour » et « titre de séjour ». Le caractère précaire ou provisoire du séjour n’a pas d’incidence et il n’y a pas lieu d’ajouter à la loi des conditions qu’elle ne contient pas.

Suite au pourvoi introduit, la Cour de cassation a considéré dans son arrêt du 8 avril 2019 (Cass., 8 avril 2019, n° S.17.0086.F – précédemment commenté) que les prestations familiales sont accordées dans les conditions fixées par ou en vertu de la loi du 20 juillet 1971 en faveur de l’enfant qui est exclusivement à la charge d’une personne physique résidant en Belgique. Celle-ci, si elle est étrangère, doit être admise ou autorisée au séjour ou à s’y établir. L’article 9ter permet à un étranger, dans les conditions qu’il prévoit, de demander l’autorisation de séjourner dans le Royaume, les cas où la demande doit être déclarée irrecevable étant prévus par la loi. La loi du 15 décembre 1980 ayant été modifiée par celle du 15 septembre 2006, un arrêté royal du 17 mai 2007 (fixant des modalités d’exécution de celle-ci) a prévu, en son article 7, alinéa 2, que le délégué du Ministre donne instruction à la Commune d’inscrire l’intéressé au registre des étrangers et de le mettre en possession d’une attestation d’immatriculation. Dès lors, il est autorisé à séjourner dans le Royaume, conformément aux dispositions de la loi du 15 décembre 1980, fût-ce de manière temporaire et précaire.

L’on peut encore rappeler que la Cour constitutionnelle avait été interrogée par la Cour du travail de Bruxelles dans un arrêt du 21 mai 2014 (R.G. 2010/AB/333) sur la condition de cinq ans de résidence ininterrompue exigée dans le chef de la personne physique qui demande les prestations familiales garanties pour un enfant né en Belgique et y résidant depuis lors. La Cour avait considéré dans son arrêt du 23 octobre 2014 (n° 155/2014) qu’il n’y avait pas violation des articles 10 et 11 de la Constitution (lus en combinaison avec l’article 22).


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