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Condition de revenus pour l’octroi de l’intervention majorée en soins de santé et indemnités

Commentaire de C. trav. Liège (div. Liège), 22 avril 2020, R.G. 2019/AL/115

Mis en ligne le lundi 30 novembre 2020


Cour du travail de Liège (division Liège), 22 avril 2020, R.G. 2019/AL/115

Terra Laboris

Dans un arrêt du 22 avril 2020, la Cour du travail de Liège (division Liège) rappelle comment se fixe le plafond des revenus à prendre en compte en vue de déterminer les conditions d’octroi de l’intervention majorée en matière de soins de santé et indemnités, en l’absence de période de référence.

Les faits

Un bénéficiaire d’indemnités AMI se voit refuser, à partir du 1er janvier 2016, le bénéfice de l’intervention majorée (tarif préférentiel BIM), au motif que la condition de revenus n’est pas remplie. Les revenus du ménage dépassent en effet le plafond autorisé (17.649,88 € à l’époque).

Suite au recours introduit, le Tribunal du travail de Liège (division Liège) fait droit à la demande. Il considère que les revenus à prendre en compte sont ceux du mois d’avril 2016, multipliée par 12. Le montant est inférieur au plafond et le tribunal dit pour droit, en conséquence, que les conditions légales sont remplies.

Appel est interjeté par l’institution de sécurité sociale, qui fait valoir que, pour vérifier la condition des revenus, le calcul doit se faire en multipliant le taux journalier par 312, montant auquel il faut ajouter la prime de rattrapage. Le tribunal ne pouvait dès lors se fonder sur le mois précédant la demande, soulignant en outre que cette interprétation est discriminatoire, dans la mesure où elle donne des résultats différents selon le mois au cours duquel la demande est introduite. En outre, le premier juge a omis de prendre en compte la prime de rattrapage.

La décision de la cour

La cour constate que le bénéfice de l’intervention majorée a été accordé à l’intéressé jusqu’au 31 décembre 2015 et qu’il a alors été supprimé. Dès qu’il en a été informé, l’intéressé a fait une nouvelle demande le 20 mai 2016. Il s’agit de la décision litigieuse. Une nouvelle demande a encore été introduite en septembre 2016, la situation étant modifiée à partir du 1er août 2016.

La période litigieuse est donc de 7 mois (1er janvier – 31 juillet 2016).

La cour en vient à l’examen des conditions légales permettant de bénéficier de l’intervention majorée de l’assurance soins de santé et indemnités. Celles-ci sont prévues à l’article 31, § 19, de la loi du 14 juillet 1994, s’agissant de fixer les conditions de revenus permettant de déterminer les ménages à revenus modestes.

Les revenus pris en compte sont les revenus bruts imposables, la référence étant faite aux revenus admis fiscalement avant toute déduction. D’autres ressources visées par la réglementation peuvent également rentrer en compte.

Pour l’ouverture du droit, l’on tient compte de l’année civile durant laquelle le ménage a bénéficié de revenus modestes. Il s’agit de la période de référence. Dans certaines situations, il peut être dérogé à celle-ci.

L’intervention majorée prévue par la loi du 14 juillet 1994 est régie par l’arrêté royal du 15 janvier 2014. Une enquête sur les revenus à l’initiative de la mutualité doit intervenir. Est vérifiée la condition de revenus pendant l’année de référence. Une dérogation vise la situation où un des membres perçoit, au moment de l’introduction, notamment une indemnité d’invalidité (au sens de l’article 93 de la loi). Il n’y a ici pas de période de référence. Dans cette hypothèse, le plafond à prendre en considération est en règle celui applicable pendant le mois précédant celui de la demande.

A l’époque des faits, la version du texte (article 28, § 3, de l’arrêté royal) prévoyait, en l’absence de période de référence, qu’étaient pris en considération, qu’il s’agisse de revenus professionnels ou de revenus de remplacement (en ce compris les pensions), les montants du mois précédant l’introduction de la demande (augmentés de tous les avantages y liés), multipliés par 12. Parmi ces avantages figure la prime de rattrapage (prévue à l’article 98, alinéa 2, de la loi et à l’article 237quinquies de l’arrêté royal d’exécution).

La cour applique ces règles au cas de l’espèce, l’intéressé percevant une indemnité d’invalidité. Il n’y a dès lors pas de période de référence à prendre en compte dans l’examen des revenus du ménage. Cette indemnité était d’ailleurs perçue précédemment. Le calcul à opérer est dès lors de comparer les revenus du mois précédant la demande, multipliés par 12 et augmentés de tous les avantages y liés, calcul à comparer avec le plafond applicable pendant ce mois d’avril.

La cour arrive à une différence de 5 centimes, qui l’oblige à constater que le plafond applicable est dépassé. Même si celui-ci est minime, c’est cette conclusion qui doit être retenue.

L’intéressé a expliqué à la cour que c’est pour des raisons indépendantes de sa volonté que la demande a été introduite en mai, entraînant ainsi la prise en compte du mois d’avril. Pour la cour, les circonstances indépendantes de sa volonté ne sont pas établies et ceci ne modifie d’ailleurs pas les règles de calcul légales.

Intérêt de la décision

Cet arrêt est l’occasion de rappeler que l’intervention majorée peut être accordée d’office (en cas de perception du RIS, de la GRAPA ou d’allocations pour personnes handicapées – situations auxquelles il faut ajouter les enfants reconnus atteints de handicap d’au moins 66%, les MENA et les enfants orphelins de père et de mère) ou être accordée à la demande. Cette deuxième hypothèse vise notamment les chômeurs ou les assurés sociaux en incapacité de travail depuis au moins un an, les veufs et pensionnés, ainsi que les personnes reconnues handicapées et les familles monoparentales. Dans cette hypothèse, doit être fournie une déclaration relative aux revenus du ménage. Le plafond annuel des revenus évolue d’année en année.

Le litige soumis à la cour du travail concernait la détermination des revenus à prendre en compte, dans l’hypothèse où n’est pas exigée une période de référence. La règle – admise tant par le tribunal que par la cour – est dès lors la multiplication par 12 du montant perçu le mois précédant l’introduction de la demande, aux fins d’obtenir l’équivalent du montant annuel, s’agissant des revenus bruts. Le tribunal n’avait cependant pas pris en compte une prime de rattrapage, étant la prime visée à l’article 237quinquies de l’arrêté royal d’exécution. Cette prime de rattrapage annuelle est allouée aux titulaires invalides qui, au 31 décembre de l’année précédant l’année de son octroi, sont reconnus incapables de travailler depuis une durée minimum d’un an et qui sont encore reconnus invalides au mois de mai de l’année d’octroi durant au moins un jour calendrier. Elle est payée avec les indemnités du mois de mai (un montant différent étant octroyé dès lors que l’incapacité de travail a une durée minimum de deux ans). Cette indemnité est forfaitaire.

L’on notera encore que la cour a relevé que le libellé de l’article 28, § 3, de l’arrêté royal du 15 janvier 2014 relatif à l’intervention majorée a fait l’objet d’une modification (arrêté royal du 26 mars 2020), le texte actuel étant que, si aucune période de référence n’est applicable, sont pris en considération les montants se rapportant au mois précédant le mois de l’introduction de la demande ou au mois de l’introduction de la demande, augmentés du montant de tous avantages qui y sont liés. Ces montants sont multipliés par le coefficient permettant de les convertir en revenus annuels, qui est fonction du mode d’établissement des revenus, qui peuvent être mensuels, bimensuels, hebdomadaires ou journaliers. Il s’agit de prendre en compte, outre le montant lui-même, celui de tous les avantages qui y sont liés.


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