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Allocations d’interruption pour congé parental : absence de discrimination

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 11 mars 2020, R.G. 2018/AB/808

Mis en ligne le vendredi 15 janvier 2021


Cour du travail de Bruxelles, 11 mars 2020, R.G. 2018/AB/808

Terra Laboris

Dans un arrêt du 11 mars 2020, la Cour du travail de Bruxelles examine une question de discrimination, alléguée au motif que les allocations d’interruption sont différentes pour les travailleurs ayant moins de cinquante ans et ceux ayant atteint cet âge : pour la cour, la disposition de l’arrêté royal du 2 janvier 1991 qui prévoit ces deux hypothèses n’est pas discriminatoire.

Les faits

Un travailleur salarié réduit ses prestations d’un cinquième dans le cadre de son droit au congé parental. La durée de cette réduction est de cinq mois, du 1er mai au 30 septembre 2017. Il demande à l’ONEm le paiement de l’allocation d’interruption applicable pour les travailleurs âgés de plus de cinquante ans, considérant le montant de l’allocation réduite discriminatoire. L’ONEm lui paie cependant celle-ci (136,12 euros). Le calcul est fait en fonction notamment du fait qu’il n’a pas cinquante ans.

L’intéressé introduit un recours devant le Tribunal du travail francophone de Bruxelles, demandant l’annulation de la décision et le paiement à titre provisionnel d’un montant mensuel de 572,90 euros. A titre subsidiaire, il sollicite la condamnation de l’ONEm à des dommages et intérêts.

Par jugement du 23 juillet 2018, la décision de l’ONEm a été confirmée. Appel est interjeté, l’intéressé reprenant les mêmes arguments.

Il fait valoir qu’il y a une discrimination, le texte de l’arrêté royal du 2 janvier 1991 relatif à l’octroi d’allocations d’interruption prévoyant que le montant mensuel de l’allocation en cas de réduction des prestations d’un cinquième est supérieur si le travailleur qui réduit ses prestations de travail a atteint l’âge de cinquante ans.

La décision de la cour

La cour rappelle que le siège du droit au congé parental est la Directive n° 2010/18/UE du 8 mars 2010, appliquant l’accord-cadre révisé conclu par les interlocuteurs sociaux au niveau européen (Business Europe, U.E.A.P.M.E., C.E.E.P. et C.E.S). Celle-ci vise une meilleure conciliation entre vie professionnelle et vie familiale et tend à assurer l’égalité de chances et de traitement entre hommes et femmes. La cour relève qu’elle ne prévoit pas d’indemnisation du congé parental.

La matière est réglée en droit interne par la convention collective de travail n° 64 du 29 avril 1997 d’une part et par un arrêté royal du 29 octobre 1997 de l’autre, cet arrêté royal réglant le droit au congé parental dans le cadre d’une interruption de la carrière professionnelle (celle-ci ayant elle-même été introduite par la loi de redressement du 22 janvier 1985).

La base de l’indemnisation du congé parental repose dans l’arrêté royal et non dans la C.C.T.

La cour entreprend dès lors de vérifier si les dispositions de l’arrêté royal du 2 janvier 1991 visées (étant son article 8, § 2bis, alinéas 1er et 2) sont génératrices de discrimination. La cour rappelle que, à propos de la discrimination directe, peut être admise une distinction directe objectivement justifiée par un but légitime lorsque les moyens pour réaliser celui-ci sont appropriées et nécessaires.

Elle examine dès lors le but poursuivi et retient que, dans le contexte du vieillissement de la population et dans un objectif de financement de la sécurité sociale, priorité a été donnée au maintien au travail des travailleurs dits « âgés ». Dans ce cadre, ont été favorisées les possibilités de réduction du temps de travail de ces travailleurs moyennant des incitants, les possibilités de recourir à des fins de carrière anticipées étant parallèlement découragées.

Tel est l’objectif de la réglementation en matière de congé parental et, dans ce cadre, du montant payé par l’ONEm au titre d’allocation d’interruption. Il y a dès lors une différence de traitement, fondée sur un critère objectif. L’analyse de la cour est que cette différence poursuit un but légitime, qui est de favoriser le maintien au travail des travailleurs âgés. Par ailleurs, il y a un rapport raisonnable de proportionnalité entre les moyens employés (ceux-ci portant sur l’octroi d’une allocation plus élevée à la catégorie de personnes visée) et le but recherché.

Il n’y a dès lors pas de discrimination et la cour conclut qu’il n’y a pas lieu d’écarter la disposition litigieuse (article 8, § 2bis), en application de l’article 159 de la Constitution.

Intérêt de la décision

L’arrêt commenté permet de revenir sur les allocations d’interruption accordées dans le cadre de l’arrêté royal du 2 janvier 1991 relatif à l’octroi d’allocations d’interruption. Le montant de ces allocations est effectivement majoré pour les travailleurs âgés de cinquante ans et plus par rapport aux autres travailleurs. La discrimination alléguée était, de ce fait, manifestement fondée sur l’âge, deux régimes ayant été prévus.

Pour la Cour du travail de Bruxelles, même si une distinction directe est constatée, elle n’est pas pour autant illégale. Le contrôle de la discrimination suppose en effet de procéder par étape et de vérifier si la mesure poursuit un but légitime et s’il y a un rapport de proportionnalité raisonnable entre les moyens utilisés et cet objectif. La vérification à laquelle la cour a procédé aboutit à la constatation que tant l’objectif que les moyens utilisés sont admissibles et qu’il n’y a pas lieu d’écarter la disposition en cause.

La cour a rappelé également dans cet arrêt que la matière de congé parental a fait l’objet d’un Accord-cadre au niveau européen et que celui-ci a été « coulé » dans une Directive du 8 mars 2010 (n° 2010/18/UE). L’objectif de cet Accord-cadre est dès lors intégré dans le droit communautaire, mais celui-ci ne règle pas la question de l’indemnisation du congé parental. C’est dès lors le droit interne qui contiendra les règles à cet égard.

Rappelons encore que la directive a été transposée en droit par un arrêté royal du 20 juillet 2012.


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