Terralaboris asbl

Période de garde sous régime d’astreinte

Commentaire de C.J.U.E. (grande chambre), 9 mars 2021 (Aff. n° C-344/19, D. J. c/ RADIOTELEVIZIJA SLOVENIJA), EU:C:2021:182 et de C.J.U.E. (grande chambre), 9 mars 2021 (Aff. n° C-580/19, RJ c/ STADT OFFENBACH AM MAIN), EU:C:2021:183

Mis en ligne le vendredi 12 mars 2021


Cour de Justice de l’Union européenne (Grande Chambre), 9 mars 2021 (Aff. n° C-344/19, D. J. c/ RADIOTELEVIZIJA SLOVENIJA), EU:C:2021:182

Et

Cour de Justice de l’Union européenne (Grande Chambre), 9 mars 2021 (Aff. n° C-580/19, RJ c/ STADT OFFENBACH AM MAIN), EU:C:2021:183

Terra Laboris

La Cour de Justice de l’Union européenne a rendu le 9 mars dernier deux arrêts en matière de temps de travail. Les deux affaires concernent chacune une demande de décision préjudicielle au titre de l’article 267 T.F.U.E.

La première (Aff. n° C-344/19) a été posée par la Cour suprême de Slovénie et la seconde (Aff. n° C-580/19) par le Tribunal administratif de Darmstadt.

La première affaire concerne un technicien spécialisé. Celui-ci travaillait pour la télévision, étant chargé d’assurer le fonctionnement de centres de transmission situés dans un lieu isolé en montagne. En plus de ses prestations de travail normales, il effectuait des services de garde six heures par jour, et ce sous régime d’astreinte. S’il n’était pas obligé de rester sur le lieu du travail, il devait être joignable par téléphone et y retourner dans un très bref laps de temps (une heure). Du fait de la situation géographique de la station, il devait cependant y rester en permanence, dans un logement de fonction.

La seconde affaire concerne un pompier (fonctionnaire) qui, en sus de son temps de service réglementaire, effectuait des périodes de garde, également sous régime d’astreinte. Pendant celles-ci, il ne devait pas être présent en un endroit déterminé mais devait être joignable pour rejoindre, si nécessaire, les limites de la ville dans un délai de vingt minutes, et ce en tenue et dans le véhicule de service.

Les deux juridictions ci-dessus ont saisi la Cour de Justice, qui a statué en Grande Chambre.

Il s’agit de vérifier s’il s’agit de temps de travail ou de temps de repos au sens de la Directive n° 2003/88/CE.

La Cour de Justice rappelle que ces deux notions sont exclusives l’une de l’autre et que, si le travailleur ne doit pas nécessairement effectuer une activité pour l’employeur, il ne se trouve pas nécessairement dans une période de repos.

La Cour y reprend la notion de temps de travail dans l’hypothèse de périodes de garde, précisant que les prestations en régime d’astreinte relèvent dans leur intégralité de cette notion lorsque les contraintes imposées au travailleur au cours de celles-ci affectent objectivement et très significativement sa faculté de gérer librement le temps pendant lequel il n’est pas sollicité professionnellement, ainsi que de se consacrer à ses intérêts personnels. En l’absence de telles contraintes, seul le temps lié à la prestation de travail réalisée doit être considéré comme du temps de travail.

Une période de garde peut entraîner pour le travailleur des difficultés sur le plan organisationnel mais celles-ci, qui sont la conséquence d’éléments naturels ou du libre choix du travailleur, ne peuvent entrer en ligne de compte, ainsi le caractère peu propice aux loisirs du lieu où le travailleur preste et dont il ne peut en principe s’éloigner durant cette période.

L’appréciation des circonstances de l’espèce au regard de cette règle relève du juge national.

La Cour retient cependant comme critère le caractère raisonnable du délai dont le travailleur dispose pour reprendre cette activité professionnelle à partir du moment où il est sollicité. Les autres contraintes inhérentes à sa reprise du travail (obligation d’être muni d’un équipement) doivent être prises en compte, ainsi que les facilités accordées au travailleur (ainsi mise à disposition d’un véhicule de service qui permettrait éventuellement de déroger au code de la route). En outre, le rapport entre la fréquence des interventions et le temps de garde lui-même est un élément objectif qui peut intervenir.

Elle aborde ensuite la question de la rémunération, rappelant une nouvelle fois que celle-ci ne relève pas de la Directive n° 2003/88/CE. Les Etats peuvent dès lors avoir prévu, ainsi par convention collective ou par une décision de l’employeur, que ces périodes seront rémunérées différemment, même lorsqu’elles doivent être considérées dans leur intégralité comme du temps de travail.

En outre, si certaines de ces périodes ne peuvent être qualifiées de temps de travail, la Cour rappelle que la Directive ne s’oppose pas au versement d’une somme qui viendrait compenser les désagréments occasionnés au travailleur par celles-ci.

Enfin, la Cour aborde le rapprochement entre les obligations de la Directive n° 2003/88/CE et la Directive n° 89/391/CEE (Directive du 12 juin 1989 concernant la mise en œuvre de mesures visant à promouvoir l’amélioration de la sécurité et de la santé des travailleurs au travail). Que les périodes soient qualifiées de « temps de repos » ou de « temps de travail », l’employeur ne peut instaurer des périodes de garde qui représentent par leur longueur ou par leur fréquence un risque pour la sécurité et la santé des travailleurs.


Accueil du site  |  Contact  |  © 2007-2010 Terra Laboris asbl  |  Webdesign : michelthome.com | isi.be