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Conditions d’assimilation d’études pour la pension dans le régime des indépendants

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 11 août 2020, R.G. 2019/AB/649

Mis en ligne le vendredi 26 mars 2021


Cour du travail de Bruxelles, 11 août 2020, R.G. 2019/AB/649

Terra Laboris

Dans un arrêt du 11 août 2020, la Cour du travail de Bruxelles rappelle les conditions d’assimilation d’une période d’études à une période d’activité dans le secteur des pensions des travailleurs indépendants, reprécisant également ce qu’il faut entendre par « avoir la qualité d’indépendant » au sens de cette réglementation.

Les faits

Un travailleur indépendant, inscrit comme tel en 1991, termine des études universitaires l’année suivante. Lors de son affiliation, il a demandé à payer des cotisations réduites (hors secteur pensions). En 2018, il sollicite l’assimilation de la période d’études à une période d’activité, et ce pour quatre années (1988-1992).

L’I.N.A.S.T.I. rejette sa demande au motif que les diplômes obtenus (Université européenne à Anvers pour le baccalauréat et à Genève pour le master) n’émanent pas d’un établissement d’enseignement officiel reconnu en Belgique et ne peuvent dès lors être pris en compte.

Un recours est introduit par l’intéressé devant le Tribunal du travail néerlandophone de Bruxelles, qui le rejette par jugement du 31 mai 2018.

L’intéressé forme appel de cette décision, reprenant les termes de sa demande originaire, étant l’assimilation de la période litigieuse. Il fait valoir que la décision de refus n’est pas motivée à suffisance de droit et que l’assimilation est autorisée tant dans le cadre de l’ancien article 33 de l’arrêté royal du 22 décembre 1967 que dans sa mouture actuelle.

La décision de la cour

La cour rejette l’argument tiré de l’absence de motivation suffisante, considérant qu’il est satisfait à l’exigence de motivation matérielle, les fondements juridiques et éléments de fait à la base de la décision étant repris. L’I.N.A.S.T.I. a visé expressément, en droit, l’article 33, § 1er, 1°, de l’arrêté royal du 22 décembre 1967, considérant que les diplômes produits ne peuvent être pris en compte pour l’assimilation de la période d’études, n’émanant pas d’un établissement d’enseignement officiel reconnu en Belgique.

Pour ce qui est de l’assimilation elle-même, la cour reprend la disposition réglementaire, dont il ressort que seul le diplôme obtenu en Belgique est visé par l’article 33, § 1er, 2°, a), b) ou c), et qu’un diplôme obtenu à l’étranger rentre dans le point d) de la même disposition. L’article 33 règle les conditions dans lesquelles les périodes d’études en Belgique et à l’étranger sont assimilées à des périodes d’activité. Celles-ci doivent être sanctionnées par l’obtention d’un diplôme, d’un doctorat ou d’une qualification professionnelle. Par « diplôme », il faut entendre a) le diplôme de l’enseignement supérieur universitaire et non universitaire et le diplôme de l’enseignement supérieur technique professionnel, maritime ou artistique de plein exercice, b) le diplôme, le certificat ou le titre y assimilé obtenu à l’issue d’un contrat d’apprentissage, ainsi que c) le diplôme, le certificat ou le titre y assimilé obtenu à l’issue des années de l’enseignement secondaire postérieures à la sixième année secondaire. Le point d) dispose que le diplôme, le certificat ou le titre y assimilé obtenu à l’étranger doit avoir fait l’objet d’une équivalence aux diplômes ci-dessus, équivalence reconnue par les autorités belges compétentes.

La cour rappelle qu’est intervenu un arrêté royal en date du 19 décembre 2017 (arrêté royal portant modification de l’arrêté royal du 22 décembre 1967), qui permet, pour les pensions devant prendre cours entre le 1er décembre 2017 et le 30 novembre 2020, de faire valoir des périodes d’études conformément à l’ancienne réglementation (qu’il a remplacée). L’ancien texte de l’article 33, tel qu’en vigueur jusqu’au 30 novembre 2017, prévoyait qu’étaient assimilées à des périodes d’activité les périodes d’études en Belgique ou à l’étranger intervenues après le 31 décembre de l’année précédant le vingtième anniversaire de l’indépendant, ces périodes d’études exigeant qu’il s’agisse de cours de jour avec un programme complet.

La cour examine également l’ancien article 34, qui exigeait que l’intéressé ait la qualité d’indépendant au moment où les cours débutaient ou qu’il ait acquis celle-ci dans un délai de 180 jours après la fin de la période d’études.

En l’espèce, la cour constate que les études suivies l’ont été au sein de l’Université européenne (précédemment European Business School), institution qui a différents campus dans toute l’Europe et dont le siège est à Genève. Il ne s’agit dès lors pas d’un établissement d’enseignement belge. Le diplôme obtenu sur le campus de cette université en Belgique (Anvers) n’est dès lors pas un diplôme belge, contrairement à ce que prétend l’appelant, mais un diplôme obtenu à l’étranger, dans la mesure où il est délivré par un établissement d’enseignement étranger. Il faut dès lors faire application, pour la cour, du point d) de l’arrêté royal. L’intéressé doit en conséquence établir que le diplôme est équivalent à un diplôme belge, ce qui doit être attesté par les autorités belges compétentes, la cour retenant que ce point est le motif de refus de l’I.N.A.S.T.I. L’intéressé ne remplit pas les conditions du nouvel article 33, puisqu’il n’apporte pas cette preuve.

La cour examine ensuite l’ancien texte, constatant que l’appelant ne remplit pas davantage la condition relative à la qualité d’indépendant. Celle-ci est une condition pour bénéficier de l’assimilation. Pour avoir cette qualité, est exigé que l’intéressé ait, du fait de cette activité, droit à la pension de retraite en qualité d’indépendant. L’article 28, § 2, de l’arrêté royal du 22 décembre 1967 dispose en effet expressément que l’activité de travailleur indépendant qui conditionne l’ouverture du droit à l’assimilation s’entend de celle qui est susceptible d’ouvrir le droit à la pension de retraite de travailleur indépendant. Or, l’intéressé a payé des cotisations réduites et la cour rappelle à cet égard la doctrine de J. VAN LANGENDONCK et de J. PUT (J. VAN LANGENDONCK en J. PUT, Handboek socialezekerheidsrecht, Intersentia, 2006, p. 745), selon laquelle celles-ci n’ouvrent pas de droit à la pension de retraite. Cette exigence est par ailleurs confirmée, comme le rappelle la cour, par l’article 13 de l’arrêté royal, qui exige le paiement des cotisations pleines.

En conclusion, il n’est pas davantage satisfait aux conditions de l’ancienne mouture du texte.

La cour confirme en conséquence le jugement.

Intérêt de la décision

Les conditions actuelles d’assimilation de la période d’études à une période d’activité pour la pension en qualité de travailleur indépendant ont été, comme le rappelle la cour, revues par un arrêté royal du 19 décembre 2017. Celui-ci contient des mesures transitoires, permettant d’apprécier les conditions d’assimilation en fonction des anciennes règles ou des nouvelles, qu’il a introduites.

L’arrêt précise, par ailleurs, ce qu’il faut entendre par « qualité d’indépendant » au sens de cette assimilation. Il renvoie à un arrêt de la Cour du travail d’Anvers du 4 juin 2004 (C. trav. Anvers, 4 juin 2004, Chron. D. S., 2007, p. 476), qui a rappelé que le délai de 180 jours dans lequel la qualité d’indépendant doit être acquise afin de pouvoir bénéficier de l’assimilation des périodes d’études prend cours le 31 août de la dernière année d’études et que la qualité d’indépendant exige la preuve du paiement des cotisations pour le secteur pensions en cette qualité.


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