Terralaboris asbl

Revenu d’intégration sociale : notion de ménage de fait

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 28 mars 2007, R.G. 49.006

Mis en ligne le mercredi 26 mars 2008


Cour du travail de Bruxelles, 28 mars 2007, R.G. n° 49.006

TERRA LABORIS ASBL – Mireille Jourdan

Dans un arrêt du 28 mars 2007, la Cour du travail de Bruxelles a rappelé les conditions requises pour qu’il y ait un ménage de fait au sens de l’article 34 de l’arrêté royal du 11 juillet 2002 …

Les faits

Un demandeur de revenu d’intégration sociale occupe, avec Mme T., une maison unifamiliale. Ils ne sont pas mariés et ne vivent pas en couple. Ils ont cependant pris ce logement ensemble.

La question posée est dès lors de savoir si, indépendamment de la composition de ménage, les intéressés forment un couple et constituent ainsi un ménage de fait au sens de l’arrêté royal.

Mis à part le partage du loyer en deux parts égales, ainsi que de l’électricité, il n’y a pas d’autres frais communs. Le demandeur dispose de ses propres pièces privatives dans la maison louée et n’entretient aucune relation avec Mme T. ni avec aucun membre de sa famille.

Par ailleurs, l’intéressé dispose d’un véhicule appartenant à une asbl, pour laquelle il travaille bénévolement. Il s’agit d’un véhicule mis en circulation il y a trente ans. Il exerce un mandat d’administrateur auprès de cette asbl mais n’est pas rémunéré.

Il a fait appel au CPAS, après avoir été déclaré en faillite, suite aux difficultés qu’il connaissait dans le cadre d’une activité de commerçant.

La position des parties

Le CPAS fit en début de dossier très partiellement droit à la demande et alloua une intervention de 27,40€ par mois, au motif que le demandeur bénéficiait de revenus locatifs. A l’époque, en effet, il louait une maison pour un loyer supérieur à 1.100€ et sous-louait une partie de celle-ci à Mme T., qui payait déjà 50% du loyer. Pour le CPAS, ce partage de frais impliquait que l’intéressé avait des revenus. L’intéressé introduisit un recours contre cette première décision et, dans un jugement du 26 juillet 2004, le tribunal du travail avait considéré que la décision du CPAS devait être annulée, un revenu d’intégration sociale au taux isolé devant être payé.

Ultérieurement, M. X et Mme T déménagèrent ensemble et c’est suite à ce déménagement que le présent litige surgit, le CPAS considérant, après enquête sociale, qu’il y avait ménage de fait.

La position du tribunal

Le tribunal du travail de Nivelles retint qu’il y avait cohabitation, puisque les deux conditions légales sont réunies, étant le fait d’habiter sous le même toit et de mettre en commun des revenus et des charges. Dès lors que ces deux conditions sont toutes deux présentes, les éléments de la définition légale sont rencontrés.

La décision de la Cour

La Cour rappelle que la notion de cohabitation est une notion économique. Celle-ci suppose que les cohabitants mettent en commun leurs ressources et leurs dépenses en vue de partager les charges financières inhérentes à l’entretien d’un ménage. Pour la Cour, il n’est pas établi qu’il y a ménage de fait, ceci ne pouvant ressortir de la circonstance que les deux personnes aient déménagé en même temps, car ceci ne signifie pas nécessairement qu’il y a un « projet commun ». Le demandeur exposant avoir, pour des raisons financières évidentes, dû restreindre ses charges et prendre un petit logement, étant une partie de celui occupé par Mme T., la Cour rappelle le premier jugement du tribunal du 26 juillet 2004, rendu au moment de l’introduction de la demande de R.I.S. et qui avait, vu les circonstances, considéré qu’il y avait, par là, « acte de bonne gestion ».

La Cour suit la position du demandeur, qui explique que, lors du déménagement, il a suivi Mme T., pour pouvoir, en occupant un logement à deux tout en se ménageant un espace de vie propre, avoir des conditions de logement plus agréables que s’ils avaient opté pour la location d’un logement social individuel, séparément. La circonstance que, actuellement, les deux parties avaient signé le contrat de bail ne peut intervenir dans l’appréciation des faits, la chose se justifiant du fait de la situation financière de l’intéressé, qui n’eut pas rassuré son bailleur s’il s’était engagé seul.

En ce qui concerne les constatations de l’enquête sociale, la Cour rappelle qu’il n’y a pas lieu d’interpréter celles-ci contrairement à ce qui fut acté de manière stricte. Elle conclut que le CPAS parait s’être fondé, pour sa décision, sur un ensemble d’éléments relevant de la « vraisemblance » mais non de la « réalité ». Elle précise que les critères de cohabitation ne peuvent être établis sur la base d’éléments « fort vraisemblables », d’autant qu’en l’espèce l’intéressé a déposé des déclarations établissant le contraire de ces déductions.

Enfin, quant à l’activité bénévole, la Cour relève, sur la base des statuts de l’asbl, que, s’il y a indemnisation à partir des pièces justificatives de dépenses engagées, ceci ne constitue pas de la rémunération, non plus d’ailleurs que la mise à disposition d’un véhicule de plus de trente ans. Rappelant le Rapport réalisé à la demande du Ministre de l’intégration sociale (« Le minimum de moyens d’existence et l’aide sociale à travers la jurisprudence de l’année 2002 » mars 2004, http://cpas.fgov.be/document), la Cour retient que la possession d’un véhicule ne permet pas en elle-même de présumer l’existence de ressources suffisantes dès lors que le véhicule lui-même est de faible valeur, vu son ancienneté. Enfin, ce véhicule constitue également un atout pour la recherche et l’obtention d’un emploi.

Intérêt de la décision

L’arrêt de la Cour du travail de Bruxelles du 28 mars 2007 est intéressant en ce qu’il confirme l’exigence de la preuve certaine d’éléments de nature à établir l’existence d’un ménage de fait. Il retient, en outre, par une approche réaliste de l’appréciation des conditions de logement, que le partage par deux personnes d’un immeuble, même en l’espèce avec signature commune du bail, n’est pas un élément suffisant à lui seul pour établir, au sens de la disposition réglementaire, la mise en commun des revenus et des charges relatives à une occupation d’un même lieu de vie.


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