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Aménagements raisonnables en faveur du travailleur handicapé

Commentaire de C. trav. Mons, 2 avril 2021, R.G. 2020/AM/89

Mis en ligne le vendredi 14 mai 2021


Cour du travail de Mons, 2 avril 2021, R.G. 2020/AM/89

Terra Laboris

Statuant en référé, la Cour du travail de Mons examine dans un arrêt du 2 avril 2021 les obligations de l’employeur (public en l’occurrence) en matière d’aménagements raisonnables en faveur d’un travailleur handicapé. Elle tranche la question dans le cadre du Décret régional wallon du 6 novembre 2008 et de celui de la Communauté française du 12 décembre 2008 relatifs à la lutte contre certaines formes de discrimination. Ces deux textes, notamment, ont transposé en droit belge la Directive n° 2000/78 du Conseil du 27 novembre 2000 portant création d’un cadre général en faveur de l’égalité de traitement en matière d’emploi et de travail.

La cour rappelle que la nécessité de procéder à des aménagements raisonnables en faveur du travailleur handicapé constitue une véritable obligation dans le chef de l’employeur, qu’il soit privé ou public. Elle renvoie notamment à l’arrêt de la Cour de Justice du 4 juillet 2013 (C.J.U.E., 4 juillet 2013, C-312/11, (COMMISSION EUROPEENNE c/ REPUBLIQUE ITALIENNE, EU:C:2013:446), qui souligne expressément qu’il s’agit d’une obligation imposée par l’article 5 de cette directive : les Etats membres doivent établir dans leur législation une obligation pour l’ensemble des employeurs de prendre les mesures appropriées.

La demanderesse originaire souffre de sclérose en plaques, s’agissant d’un handicap au sens de la directive européenne et du décret. La cour en reprend la définition donnée par la Cour de Justice, étant que la notion doit être entendue comme visant une limitation, résultant notamment d’atteintes physiques, mentales ou psychiques dont l’interaction avec diverses barrières peut faire obstacle à la pleine et effective participation de la personne concernée à la vie professionnelle sur la base de l’égalité avec les autres travailleurs. Si cette limitation est de longue durée, une telle maladie peut relever de la notion de handicap.

En l’espèce, la cour conclut que l’employeur, autorité communale, avait l’obligation de prévoir des aménagements raisonnables à partir du moment où il était informé du handicap de l’employée. Le « refus » de mettre en place des aménagements raisonnables – qui constitue une discrimination interdite – ne doit pas seulement être compris comme le fait de ne pas répondre favorablement à une demande expresse d’aménagements formulée par le travailleur handicapé, mais vise aussi tout comportement de l’employeur qui ne consent pas à faire ce qui est attendu ou exigé de lui en vertu d’une obligation et, en particulier, d’une obligation légale (15e feuillet). Exiger que l’aménagement fasse l’objet d’une demande expresse du travailleur concerné néglige le fait qu’en pratique, d’autres acteurs que ce dernier sont susceptibles de signaler à l’employeur la nécessité d’une adaptation de ses conditions ou de son poste de travail (la cour renvoyant à J. RINGELHEIM, « La réception en droit belge de l’obligation d’aménagement raisonnable en faveur des travailleurs handicapés », J.T., 2018, p. 316).

L’employeur a en l’espèce été contacté par des personnes responsables de l’intégration professionnelle de l’intéressée et il ne pouvait dès lors ignorer que le but de ces démarches était de l’amener à prendre les mesures appropriées. En s’abstenant de prendre de telles mesures simples pendant plusieurs années (ainsi afin d’éviter à l’intéressée de fortes chaleurs ou une fatigue inutile), la Ville a eu un comportement discriminatoire. Ces mesures avaient un faible coût et ne demandaient que de la bonne volonté. Il y a dès lors eu discrimination pendant ces années, l’intéressée pouvant en conséquence réclamer l’indemnisation de son préjudice, conformément à l’article 19, § 2, 2°, du Décret du 6 novembre 2008.


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