Terralaboris asbl

C. const., 17 juin 2021, n° 93/2021

Extraits de l’arrêt

Mis en ligne le lundi 23 août 2021


Articles 10 et 11ter de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail et succession de contrats à durée déterminée et de remplacement

C. const., 17 juin 2021, n° 93/2021

La Cour constitutionnelle a été interrogée par la Cour du travail de Gand, division Bruges par arrêt du 28 septembre 2020 dans les termes suivants :

« Les articles 10 et 11ter, § 1er, alinéa 5, de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail violent-ils les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce que les interdictions, contenues dans ces articles, de conclure des contrats de travail à durée déterminée successifs (article 10 de la loi relative aux contrats de travail) et de conclure des contrats de remplacement successifs (article 11ter, § 1er, alinéa 5, de la loi relative aux contrats de travail) ne peuvent être appliquées lorsqu’il y a une succession de contrats de travail à durée déterminée et de contrats de remplacement ?
Un travailleur qui est occupé sur la base d’une succession de contrats de travail à durée déterminée et de contrats de remplacement, dont la durée des contrats de travail à durée déterminée successifs ne dépasse pas deux ans et la durée des contrats de remplacement successifs ne dépasse pas davantage deux ans, mais dont la durée totale des contrats de travail à durée déterminée successifs et des contrats de remplacement dépasse deux ans, mais qui, dans l’interprétation stricte des articles 10 et 11ter, § 1er, alinéa 5, de la loi relative aux contrats de travail, ne sera donc pas considéré comme étant occupé dans les liens d’un contrat de travail à durée indéterminée, est-il, en violation des articles 10 et 11 de la Constitution belge, discriminé par comparaison avec :

  • soit un travailleur occupé uniquement dans les liens de contrats de travail à durée déterminée successifs dont la durée totale dépasse deux ans et qui sera donc considéré, sur la base de l’article 10 de la loi relative aux contrats de travail, comme étant occupé dans les liens d’un contrat de travail à durée indéterminée ;
  • soit un travailleur occupé uniquement dans les liens de contrats de remplacement successifs dont la durée totale dépasse deux ans et qui sera donc considéré, sur la base de l’article 11ter, § 1er, alinéa 5, de la loi relative aux contrats de travail, comme étant occupé dans les liens d’un contrat de travail à durée indéterminée ? ».

Plus précisément, le juge a quo demande à la Cour si les dispositions attaquées entraînent une discrimination entre, d’une part, un travailleur qui est occupé uniquement dans les liens de contrats de travail successifs à durée déterminée ou uniquement dans les liens de contrats de remplacement successifs dont la durée totale dépasse deux ans et, d’autre part, un travailleur qui est occupé dans les liens tant de contrats de travail successifs à durée déterminée pendant une durée totale inférieure à deux ans que de contrats de remplacement successifs pendant une durée totale inférieure à deux ans, mais dont la durée totale de la succession de ces contrats de travail à durée déterminée et contrats de remplacement dépasse deux ans. Alors qu’en vertu des dispositions en cause, les travailleurs de la première catégorie seraient considérés comme étant occupés dans les liens d’un contrat de travail à durée indéterminée, tel ne serait pas le cas pour les travailleurs appartenant à la seconde catégorie. (B.3.)

Réponse de la Cour

Compte tenu de l’objectif poursuivi par les dispositions en cause mentionné en B.7.1, à savoir assurer la stabilité de l’emploi et protéger le travailleur contre le recours abusif de l’employeur à des contrats de travail successifs à durée déterminée ou à des contrats de remplacement successifs, il n’est pas raisonnablement justifié que la garantie de la stabilité de l’emploi prévue dans ces dispositions s’applique après en principe deux ans uniquement soit en cas de contrats de travail successifs à durée déterminée, soit en cas de contrats de remplacement successifs, mais pas dans le cas d’une succession de contrats de travail à durée déterminée et de contrats de remplacement. (B.7.3.)
Le seul fait que les règles générales en matière d’abus de droit soient d’application ne saurait justifier raisonnablement les dispositions en cause. En effet, il sera dans de nombreux cas impossible au travailleur de prouver que l’employeur a voulu éluder la loi. C’est précisément pour remédier à ce problème d’administration de la preuve que le législateur a introduit la présomption d’un contrat de travail à durée indéterminée dans l’article 10 de la loi du 3 juillet 1978. (B.7.4.)

La Cour a conclu, en conséquence, que les articles 10 et 11ter, § 1er, alinéa 5, de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail violent les articles 10 et 11 de la Constitution, en ce qu’ils ne s’appliquent pas lorsqu’il y a une succession de contrats de travail à durée déterminée et de contrats de remplacement.


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