Terralaboris asbl

Droit au pécule de vacances pour le personnel des universités

Commentaire de C. trav. Bruxelles, 14 avril 2021, R.G. 2011/AB/1.147

Mis en ligne le mardi 28 décembre 2021


Cour du travail de Bruxelles, 14 avril 2021, R.G. 2011/AB/1.147

Terra Laboris

Par arrêt du 14 avril 2021, la cour du travail de Bruxelles examine la législation applicable au personnel des universités subventionnées par l’Etat

Objet de la demande

Divers montants sont réclamés par l’ayant droit d’un ancien collaborateur d’une université subventionnée par l’Etat, dont des arriérés de double pécule de vacances. La période couvre les années 2004 à 2008. L’ex-employeur conteste devoir ceux-ci, au motif que les lois coordonnées du 28 juin 1971 ne sont pas applicables en l’espèce.

Les décisions de la cour du travail

La cour a rendu deux arrêts.

L’arrêt du 23 juillet 2013

La cour commence par rappeler que les lois coordonnées le 28 juin 1971 relatives aux vacances annuelles des travailleurs salariés ne sont pas applicables aux catégories de personnes qui bénéficient d’un autre régime légal de vacances annuelles (article 1er, alinéa 2, 2°).

Par ailleurs, la loi du 27 juillet 1971 sur le financement et le contrôle des institutions universitaires, dispose en son article 41 que, par décision de leur conseil d’administration, les institutions universitaires subventionnées par l’État fixent pour leur personnel rémunéré à charge des allocations de fonctionnement (telles que définies dans la même loi) un statut équivalent au statut fixé par la loi et les règlements pour le personnel des institutions universitaires de l’État.

La cour donne ensuite la position constante de la Cour de cassation sur cette disposition, celle-ci étant intervenue à de nombreuses reprises : les institutions universitaires subventionnées par l’État ont l’obligation de fixer, par décision de leur conseil d’administration pour leur personnel rémunéré au moyen des allocations de fonctionnement définies à l’article 25 de la loi, un statut équivalent au statut fixé par les lois et règlements pour le personnel des institutions universitaires de l’État.

Il peut s’agir d’un statut dérogatoire par rapport à la réglementation générale applicable aux travailleurs, dans la mesure où ces dérogations sont nécessaires pour réaliser l’équivalence légalement requise. Et la cour de préciser avec renvoi à la jurisprudence de la Cour de cassation (Cass., 7 septembre 1992, J.T.T., p. 452 ; Cass., 13 mai 1991, Pas., p. 796 ; Cass., 30 novembre 1992, Pas., p. 1318 ; Cass., 6 octobre 1997, Pas., p. 981) que ces dérogations peuvent être ou non favorables aux travailleurs concernés. Le régime de vacances annuelles institué par les lois coordonnées au 28 juin 1971 n’est alors pas d’application.

Il y a dès lors lieu, pour la cour, de vérifier si le travailleur faisait partie du personnel rémunéré au moyen des allocations de fonctionnement telles que définies à l’article 25 de la loi du 27 juillet 1971, dont elle examine la teneur. Dans la mesure où il existe un cadre du personnel rémunéré à charge de l’allocation annuelle de fonctionnement, il faut vérifier s’il occupait un poste faisant partie de ce cadre.

Ayant dû constater que ni les pièces déposées, ni les explications fournies par les parties ne permettent de procéder à la vérification requise, elle a décidé de rouvrir les débats afin de permettre aux parties de compléter l’instruction du dossier, demandant à l’université, considérée plus apte à apporter la preuve sur ce point, de déposer le cadre de son personnel pour les années concernées ainsi que, le cas échéant, les documents permettant d’établir que l’intéressé occupait un poste faisant partie de ce cadre.

L’arrêt du 14 avril 2021

La cour déplore l’absence de pièces déposées, conformément à la demande faite dans son arrêt précédent. Aussi procède-t-elle à partir des principes généraux en matière de preuve, sur la base des éléments au dossier.

Dans la mesure où le travailleur, en tant que membre du personnel de l’ULB, était nécessairement engagé dans le cadre d’un contrat de travail (rappelant ici la doctrine de P. JOASSART, « Les relations de travail dans les universités », Casus de droit social, CUP, vol. 191, Anthémis, 2019, p. 49 et s.), elle considère que les lois coordonnées du 28 juin 1971 relatives aux vacances annuelles des travailleurs salariés lui étaient en principe applicables. En matière de vacances annuelles, le bénéfice du régime de vacances annuelles des travailleurs salariés est en effet le principe et l’assujettissement à un autre régime l’exception.

Dès lors que l’université invoque l’exception, selon laquelle il y aurait par dérogation assujettissement à un autre régime de vacances annuelles que le droit commun applicable aux travailleurs salariés, il lui incombe de l’établir, ce qu’elle ne fait pas. La cour considère que les explications données sont une pétition de principe, étant que les dépenses relatives à l’occupation de l’ensemble du personnel de l’université seraient couvertes par l’allocation de fonctionnement. N’est pas davantage convaincante la description de la fonction, telle qu’elle figure dans le statut administratif, la cour concluant qu’il s’agit de généralités ne permettant pas d’apporter la preuve requise. Elle décide dès lors d’appliquer la règle générale en vertu de laquelle les lois coordonnées du 28 juin 1971 sont applicables.

Reste encore une question de prescription, à propos de laquelle la cour souligne que, pour ce qui concerne les employés, aucun régime de prescription spécifique en matière de
vacances annuelles n’était prévu jusqu’au 31 décembre 2009, le régime de prescription commun en droit du travail s’appliquant, étant l’article 15 de la loi du 3 juillet 1978 relative aux contrats de travail, en vertu duquel les actions naissant du contrat de travail sont prescrites un an après la cessation de celui-ci ou cinq ans après le fait qui a donné naissance à l’action, sans que ce dernier délai puisse excéder un an après la cessation du contrat.

La requête introductive d’instance ayant été déposée le 28 septembre 2009, dans le délai d’un an après la cessation du contrat, la prescription a été interrompue.

Le fait qui a donné naissance à l’action est le non-paiement des pécules de vacances auxquels le travailleur avait droit en vertu des lois coordonnées sur les vacances annuelles des travailleurs salariés durant les années 2004 à 2008. La date du fait est la date à laquelle les pécules de vacances litigieux auraient dû être payés.

La cour précise encore que, conformément à l’article 45 de l’arrêté royal du 30 mars 1967 déterminant les modalités générales d’exécution des lois relatives aux vacances annuelles des travailleurs salariés, le simple pécule sur la rémunération fixe est dû à la même date que la rémunération fixe de chaque jour de vacances et le simple pécule sur la rémunération variable ainsi que le double pécule sur la rémunération fixe et sur la rémunération variable sont dus avec la rémunération du mois pendant lequel le travailleur prend ses vacances principales. C’est à cette date que prend cours le délai de prescription de 5 ans.

En l’espèce, la prescription a été interrompue avant l’échéance de ce délai pour ce qui concerne, à tout le moins, les pécules dus durant les années 2005 et suivantes. Pour ce qui concerne les pécules dus en 2004, la cour se déclare dans l’impossibilité de déterminer la date de prise du cours du délai de prescription, les parties n’ayant pas indiqué les dates de vacances de l’intéressé pendant cette année.

La cour rejette encore l’argument selon lequel le délai de prescription a été ramené à 3 ans en la matière par l’article 46ter de la loi, au motif que cette disposition a été insérée dans les lois coordonnées par l’article 89 de la loi-programme du 22 décembre 2008, entré en vigueur le 1er janvier 2009. Elle renvoie ici aux principes généraux déduits de l’article 2 de l’ancien Code civil. En matière civile, en effet, si une loi établit pour la prescription d’une action un délai plus court que celui que prévoyait la législation antérieure, ce nouveau délai n’est d’application, si le droit à l’action est né avant l’entrée en vigueur de la loi nouvelle, qu’à partir de cette entrée en vigueur, sans toutefois que la durée totale de la prescription puisse excéder celle qui était fixée par la législation antérieure.

En conséquence, le nouveau délai de prescription de 3 ans ne pouvait prendre cours, au plus tôt, qu’à la date d’entrée en vigueur de la nouvelle loi, le 1er janvier 2009.

Intérêt de la décision

La cour du travail a rappelé les interventions de la Cour de cassation sur la question du régime applicable en matière de pécule de vacances de ce type de personnel. Relevons que par arrêt du 7 septembre 1992, elle a jugé que conformément aux dispositions impératives de l’article 41 de la loi du 27 juillet 1971, il appartient aux institutions universitaires concernées d’introduire dans le statut de leur personnel un autre régime légal de vacances annuelles, comme prévu à l’article 1er, alinéa 2, 2°, des lois coordonnées du 28 juin 1971, dans la mesure où cela est nécessaire pour réaliser l’équivalence du régime de vacances avec celui du personnel des institutions universitaires de l’Etat et dans celui du 13 mai 1991 que cette disposition impérative n’est pas une disposition impérative « en faveur du travailleur » ; que la validité des dérogations à la loi sur les contrats de travail que cette disposition autorise n’est pas subordonnée à la condition que l’équivalence qu’elle impose soit réalisée « de manière favorable au travailleur ».

Relevons encore en matière de pension que pour le personnel enseignant, ainsi que les membres du personnel scientifique, les pensions de retraite sont à charge du Trésor public. Par contre, pour les membres du personnel ATO, il faut appliquer les règles de pension des travailleurs salariés (voir sur la question C. trav. Liège (div Namur), 13 octobre 2015, R.G. 2014/AN/74 (précédemment commenté).


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