Commentaire de C. const., 18 novembre 2021, n° 163/2021
Mis en ligne le lundi 21 février 2022
Cour constitutionnelle, 18 novembre 2021, n° 163/2021
Terra Laboris
La Cour affirme en conclusion que les questions préjudicielles posées n’appellent pas de réponse, mais l’enseignement de l’arrêt est important.
Il était question de savoir, notamment, si les articles 7 et 14 de la Charte de l’assuré social, selon lesquels les assurés sociaux doivent recevoir une information quant aux possibilités de recours et aux formes et délais à respecter pour intenter un recours, à défaut de quoi, le délai de recours ne commence pas à courir, ne créent pas une discrimination dans l’interprétation où les délais de recours évoqués dans les dispositions précitées n’incluraient pas les délais de prescription, en manière telle que l’absence d’information quant au délai de prescription de l’action en paiement des indemnités, visée à l’article 20, alinéa 1er, de la loi du 3 juillet 1967, n’a pas pour effet d’empêcher la prise de cours de ce délai de prescription.
La Cour constitutionnelle relève que, suivant les arrêts de la Cour de cassation du 10 mai 2010 et du 6 septembre 2010, les délais de prescription :
La Cour poursuit en affirmant que l’article 14 de la Charte de l’assuré social (suivant lequel « les décisions d’octroi ou de refus des prestations doivent contenir les mentions suivantes : (…) 3° le délai et les modalités pour intenter un recours ; (…) Si la décision ne contient pas les mentions prévues à l’alinéa 1er, le délai de recours ne commence pas à courir ») n’est quant à lui pas visé par l’arrêt de la Cour de cassation du 10 mai 2010, qui n’avait pas pour objet une contestation relative à une décision d’octroi ou de refus de prestations sociales (cet arrêt portait sur une proposition visée par l’article 9, alinéa 3, de l’arrêté royal du 13 juillet 1970 relatif à la réparation, en faveur de certains membres du personnel des services ou établissements publics du secteur local, des dommages résultant des accidents du travail et des accidents survenus sur le chemin du travail, qui, ne retenant aucune invalidité permanente consécutive à l’accident, n’a pas été suivie de la décision prévue par l’article 10).
Elle rappelle que l’article 14 de la Charte de l’assuré social porte spécifiquement sur les mentions que doivent contenir les décisions d’octroi de refus des prestations sociales tandis que l’article 7 de la Charte vise plus généralement les mentions que doit contenir la notification de toute décision individuelle motivée relative aux personnes intéressées.
Elle souligne que l’article 14 est plus exigeant que l’article 7 quant aux mentions qui doivent être contenues dans la décision d’octroi ou de refus des prestations et prévoit explicitement que si la décision ne répond pas aux exigences en question, le délai de recours ne commence pas à courir.
Elle explique que « lorsque comme en l’espèce une décision de refus des prestations sociales est en cause, c’est l’article 14 de la Charte de l’assuré social qui s’applique et non l’article 7 de celle-ci » (en l’occurrence, il était question d’une décision d’une autorité fédérale-employeur d’une guérison sans séquelle à la suite d’un accident du travail).
La Cour relève que, suivant l’article 23 de la Charte, les recours visés peuvent être introduits dans le délai de prescription fixé dans une législation spécifique lorsque ce délai de prescription est plus favorable que le délai de recours de trois mois fixé par l’article 23 de la Charte, ce qui est le cas en l’espèce du délai de prescription de trois ans prévu par l’article 20 de la loi du 3 juillet 1967 pour les actions en paiement d’indemnités à la suite d’un accident du travail.
Et elle poursuit comme suit : « Conformément à l’intention du législateur exprimé dans les travaux préparatoires de la loi du 25 juin 1997 et dans une interprétation cohérente de la charte de l’assuré social dans son ensemble, la modification législative précitée a également pour effet que la notion de délai de recours visée par l’article 14, alinéa 1er, 3°, de la charte de l’assuré social doit être interprétée de la même manière et vise donc également les délais de prescription. Pareille interprétation est également cohérente par rapport à l’objectif que le législateur a poursuivi par l’article 14, alinéa 1er, 3°, en ce qu’il a voulu garantir que l’assuré social soit informé de toutes les voies de recours qu’il peut exercer contre une décision qui lui serait défavorable. Il en résulte qu’en ce qui concerne les actions en paiement d’indemnités, le délai de prescription visé à l’article 20 de la loi du 3 juillet 1967 doit être considéré comme un délai de recours au sens de l’article 14, alinéa 1er, 3°, de la charte de l’assuré social de sorte que la décision d’octroyer ou de refuser des prestations sociales en vertu de la loi du 3 juillet 1967 doit faire référence à ce délai et qu’à défaut d’une telle indication, celui-ci ne prend pas cours ».