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Pensionné résidant à l’étranger : droit au remboursement des soins de santé

Commentaire de Trib. trav. Hainaut (div. Tournai), 1er mars 2022, R.G. 21/31/A

Mis en ligne le vendredi 14 octobre 2022


Tribunal du travail du Hainaut (division Tournai), 1er mars 2022, R.G. 21/31/A

Terra Laboris

Dans un jugement du 1er mars 2022, le Tribunal du travail du Hainaut (division Tournai) rappelle que le bénéficiaire d’une pension belge qui réside dans un autre Etat membre de l’Union européenne peut bénéficier dans celui-ci des prestations de santé en nature à charge de l’institution belge, à la condition qu’il s’agisse de soins prodigués dans le service public de santé.

Les faits

Une pensionnée belge habite en Espagne depuis 2018. Elle est titulaire d’une pension belge. Elle est restée affiliée à son organisme assureur A.M.I. en Belgique. Celui-ci lui a signalé lors de son déménagement qu’elle devait s’enregistrer auprès d’une mutuelle espagnole. Ceci a été fait.

L’intéressée a eu un problème de santé en 2020 et s’est rendue dans un hôpital espagnol, où un diagnostic a été posé, une opération étant prévue dans un hôpital de Valence. Estimant que son état de santé nécessitait une intervention plus prompte, l’intéressée s’est rendue dans une institution privée et a été prise en charge. Elle y a été opérée et a payé les factures d’hospitalisation. Elle a ensuite demandé le remboursement à sa mutuelle belge, qui a refusé, considérant qu’elle devait s’adresser à l’institution espagnole compétente.

Une procédure a dès lors été introduite devant le Tribunal du travail du Hainaut (division Tournai), compétent territorialement vu le dernier domicile belge de la demanderesse.

La décision du tribunal

Après avoir repris les données de fait, le tribunal renvoie, pour la solution du litige, au Règlement (CE) n° 883/2004 ainsi qu’au Règlement d’application (CE) n° 987/2009. En vertu de ceux-ci, les pensionnés belges installés dans un Etat de l’Espace économique européen (ou la Suisse) dans lequel ils n’ont jamais cotisé conservent le droit à l’assurance soins de santé belge. Ils peuvent dès lors bénéficier des soins en Belgique, au même titre que les assurés résidant sur le territoire belge. L’article 24 du Règlement (CE) n° 883/2004 leur permet de faire appel aux services de soins de santé du pays de résidence, à la condition de s’être inscrits auprès d’un organisme local d’assurance maladie. Ils peuvent ainsi bénéficier de l’assurance soins de santé de l’Etat de résidence au même titre que les autres résidents. Le remboursement des soins de santé prodigués peut être réclamé à charge du régime belge.

Il y a dès lors assimilation de l’expatrié belge à un citoyen de l’Etat de résidence, mais ce pour le système de santé public. Il s’agit du droit aux prestations en nature de l’institution du lieu de résidence. Le tribunal précise encore que, si l’assuré social considère que le système public de santé du pays d’accueil est jugé insuffisant, il peut souscrire une assurance lui permettant de recourir à des soins fournis par le secteur privé.

En l’espèce, ayant transféré sa résidence en Espagne, où elle s’est inscrite auprès d’une mutuelle espagnole, l’intéressée a fait appel aux services publics de santé espagnol et, estimant que l’offre n’était pas satisfaisante, elle s’est rendue dans un hôpital privé, qui l’a immédiatement prise en charge.

Pour le tribunal, la décision de la mutuelle belge doit dès lors être confirmée, étant que la demanderesse a fait choix de renoncer aux prestations en nature proposées par le service public de santé espagnol et s’est fait soigner dans un hôpital privé. Le jugement précise que la mutuelle belge n’a pas vocation à intervenir financièrement pour le remboursement de soins fournis à l’étranger dans le secteur privé.

Le tribunal rejette dès lors la demande.

Intérêt de la décision

Si, dans ce bref jugement du Tribunal du travail du Hainaut (division Tournai), les faits sont simples et que la solution retenue est attendue, l’affaire est l’occasion de rappeler les dispositions permanentes du Règlement n° 883/2004.

En vertu de son article 24, la personne qui perçoit une pension (ou plusieurs) en vertu de la législation d’un (ou de plusieurs) Etat(s) membre(s) et qui ne bénéficie pas des prestations en nature selon la législation de l’Etat de résidence a cependant droit à ces prestations pour elle-même et pour sa famille, pour autant qu’elle puisse y avoir droit selon la législation de l’Etat membre (ou d’au moins un des Etats membres) au(x)quel(s) il incombe de servir la pension si elle résidait dans l’Etat membre concerné. Les prestations en nature sont servies par l’institution du lieu de résidence pour le compte de l’institution de l’autre Etat membre, comme si l’assuré social bénéficiait de sa pension et des prestations en nature, selon la législation de l’Etat de résidence.

Si le titulaire de la pension a droit à des prestations en nature de la législation d’un seul Etat membre, la charge des prestations en nature incombera à l’institution compétence de celui-ci. S’il a droit à des prestations en nature à charge de plusieurs Etats membres, la charge incombera à l’institution compétente de l’Etat membre à la législation duquel l’intéressé a été soumis pendant la période la plus longe et, si cette règle entraîne l’attribution de la charge des prestations à plusieurs institutions, la charge en incombera à celle qui applique la législation à laquelle le titulaire de pension a été soumis en dernier lieu.

L’on notera que certains bénéficiaires de pension ont droit aux prestations en nature en vertu de la législation de l’Etat membre de résidence (article 23). Il s’agit des personnes qui perçoivent une pension (ou des pensions) en vertu de la législation de deux (ou de plusieurs) Etats membres dont l’un est l’Etat de résidence. Dès lors que ces personnes ont droit aux prestations en nature en vertu de la législation de l’Etat membre, elles bénéficient, tout comme les membres de leur famille, de ces prestations en nature servies par et pour le compte de l’institution du lieu de résidence comme si elles n’avaient droit à la pension qu’en vertu de la législation de cet Etat membre.

Rappelons, sur la question, l’arrêt rendu par la Cour de Justice le 28 octobre 2021 (C.J.U.E., 28 octobre 2021, Aff. n° C-636/19, Y c/ CENTRAAL ADMINISTRATIE KANTOOR), EU:C:2021:885 – précédemment commenté). La Cour y a jugé que le titulaire d’une pension accordée en vertu de la législation d’un Etat membre, qui a droit, en application de l’article 24 du Règlement n° 883/2004, aux prestations en nature servies par l’Etat de résidence pour compte de l’Etat débiteur de la pension, doit être considéré comme une « personne assurée » au sens de l’article 7, § 1er, de la directive et peut ainsi obtenir le remboursement des coûts des soins de santé reçus dans un troisième Etat membre, sans être affilié au régime d’assurance maladie obligatoire de l’Etat débiteur de la pension. Il faut entendre par « personne assurée » au sens de l’article 3, sous b), i), de la Directive n° 2011/24 la personne couverte par l’article 2 du Règlement n° 883/2004 et qui est une personne assurée au sens de l’article 1er, sous c), du Règlement. Il y a donc une définition par renvoi à ces deux dispositions du Règlement n° 883/2004.


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